Démesuré, dense et immersif : on a vu « Cyberpunk 2077 », grand jeu de rôle urbain
Démesuré, dense et immersif : on a vu « Cyberpunk 2077 », grand jeu de rôle urbain
Par Corentin Lamy
Les développeurs de « The Witcher III », après une demi-douzaine d’années de quasi-silence, ont dévoilé à l’E3, le Salon mondial du jeu vidéo, leur prochain jeu de rôle. Pixels y était.
« Cyberpunk 2077 » sera-t-il le grand jeu urbain de cette génération de consoles ? / CD Projekt RED
C’est la blague qui circulait : si Cyberpunk 2077 s’appelait ainsi, ce n’est pas parce qu’il se passerait en 2077, mais parce qu’il sortirait cette année-là. En réalité, et même si on sait qu’il devrait sortir sur PC, PlayStation 4 et Xbox One, Cyberpunk 2077 n’a toujours pas de date de sortie connue. Annoncé il y a six ans, le prochain jeu des Polonais de CD Projekt RED avait depuis quasiment disparu de la circulation. Ceux-ci, surpris par l’énorme succès de leur Witcher III, n’auraient pas voulu brusquer les choses, et assurer plus longtemps que prévu le suivi de ce jeu de rôle monumental. Et, sans doute, profiter de leur nouvelle respectabilité et de leur nouvelle fortune pour revoir à la hausse les ambitions de leur titre suivant.
Jusqu’au dimanche 10 juin, qui a vu Cyberpunk 2077 ressurgir le temps d’une bande-annonce coup de poing à l’occasion de la conférence de Microsoft à l’E3, le Salon mondial du jeu vidéo à Los Angeles. Deux jours plus tard, Pixels a pu assister à une présentation d’une séquence de jeu. Peu ou prou, la première heure du jeu.
Cyberpunk 2077 – official E3 2018 trailer
Durée : 01:41
Un avatar
Adapté du jeu de rôle éponyme, le prochain titre de CD Projekt RED se déroule — cela n’étonnera personne — dans un univers dit « cyberpunk ». Un univers rétro futuriste, projection dystopique d’années 1980 fantasmées, où l’on se greffe un œil bionique comme on irait chez le dentiste, où l’on peut hacker un cerveau comme on piraterait un ordinateur. Un univers où le fric règne en maître et où les corporations se sont substituées aux gouvernements.
C’est dans ce monde inquiétant qu’est plongé l’avatar du joueur. Un avatar dont tout, sauf le nom (il est sobrement baptisé « V ») et la profession (un « mercenaire urbain ») est personnalisable. V peut être un homme, une femme. Il peut être blond, noir, avoir les traits qu’on lui choisit. Il peut être plus ou moins fort, résistant, intelligent, vif ou adepte des technologies.
On peut même décider, en début de partie, de son niveau de « cool », car dans l’univers de Cyberpunk 2077, il est aussi beaucoup question de style vestimentaire. Chaque matin, avant de quitter son appartement, le joueur devra d’ailleurs choisir la veste en cuir qu’il portera, chacune prodiguant, à la façon des armures médiévales ou des combinaisons spatiales de jeux de rôle plus traditionnels, divers bonus.
Il peut même doter son avatar d’un passé, lui inventer une histoire en choisissant parmi une liste d’« événements marquants » qui façonneront, on l’imagine, ses compétences ou ses comportements.
Les membres du gang Maelstrom, fous de technologie, font de la contrebande de robots high tech. / CD Projekt RED
D’ailleurs, Cyberpunk 2077 se joue « à la première personne ». Comprenez que contrairement à The Witcher III, la caméra n’est pas placée derrière le personnage, mais directement au niveau de ses yeux, brouillant la frontière entre le joueur et le joué, nous proposant de découvrir le monde à travers son regard. Un choix qui a de quoi surprendre les amateurs de The Witcher, mais cohérent avec la volonté nouvelle du studio de nous permettre d’incarner le personnage comme on le souhaite.
Une arme
On a bien demandé aux développeurs si une alternative existera, s’il sera possible de déplacer la caméra, de prendre du recul. La réponse est claire : c’est non (sauf pendant les phases en véhicule).
Parce que Cyberpunk 2077 n’est pas qu’un jeu de rôle : c’est aussi un jeu d’action furieux. Et ce n’est pas un hasard si, de l’avatar, on ne voit finalement à l’écran que sa main et l’arme qu’il tient. Les deux missions dévoilées montrent V en train de traquer une cible dans un immeuble glauque ou préparant une embuscade pour surprendre des agents des corporations en pleine réunion dans une zone industrielle désaffectée.
On l’a surtout vu tenter d’infiltrer le quartier général d’un gang de fanatiques de technologie et défourailler sec quand ça tourne mal, usant et abusant de techniques de fourbe (tirer à travers les murs), glissant, sautant, virevoltant contre les murs, faisant usage d’armes exotiques et autres projectiles rebondissants. Il semble même possible de ralentir le temps, comme pour mieux viser.
La vue à la première personne ne trompe pas : « Cyberpunk 2077 » est un jeu de rôle très orienté action. / CD Projekt RED
Une ville
Davantage encore que cette vue « à la première personne », ce qui aura le plus décontenancé les joueurs dans ces premières images de Cyberpunk 2077, c’est peut-être sa relecture presque solaire d’un genre, le cyberpunk, étroitement et systématiquement associé à l’ombre et à la pluie. Un contre-pied iconoclaste, peut-être même un peu malicieux.
La ville fictive du nord de la Californie où se déroule Cyberpunk 2077 s’appelle peut-être Night City, les développeurs ont pourtant pris un malin plaisir, dans cette démonstration, à ne la montrer qu’en plein jour. Aussitôt la mission d’introduction achevée, dans les couloirs blêmes d’un immeuble pourri, c’est en effet un bain de lumière éblouissante qui accueille V.
« Blade Runner n’est pas notre seule influence », martèle le réalisateur du jeu, Adam Badowski, bien décidé à montrer que « la noirceur est dans le cœur des personnages », avant d’être dans les rues.
Et s’il faut reconnaître un avantage à ce parti pris, c’est qu’il surligne d’une lumière crue ce qu’on retiendra le plus longtemps de cette démonstration : le soin insensé donné aux détails de Night City.
Cette ville (et, nous ont assuré les développeurs, ses environs désertiques) existe avec une densité rarement vue dans le jeu vidéo. Ses rues grouillent de vie, ses immeubles de détails. Les connaisseurs se rappellent de Novigrad, cité de The Witcher III organique et crédible, qui évitait avec brio les écueils des villes de jeux vidéo dont des quartiers entiers paraissent parfois clonés, comme copiés-collés.
Le jeu de CD Projekt RED affiche un luxe de détails saisissant. / CD Projekt RED
D’après ce qu’on en a vu, Night City ne se contente pas de faire mieux : elle pulvérise tous les précédents, avec un luxe de détails vertigineux. D’autant qu’elle a l’air immense, cette métropole tentaculaire, mesurant sans doute plusieurs kilomètres de long.
Elle se parcourt librement, à pied, en voiture, dévoilant des quartiers aux personnalités distinctes, le tout sans écran de chargement ni coupure. L’impression, en sortant d’une heure de Cyberpunk 2077, c’est d’avoir été plongé quasiment dans une réalité virtuelle sans casque. Cette place clinquante aux habitants m’as-tu-vu, ce bazar piteux de bidonville, avec ses échoppes cradingues et possiblement illégales ? On aurait juré, pendant une heure, s’y être réellement promené.
On pourrait comparer Cyberpunk 2077 à un Deus Ex ou à Witcher III. Et, bien sûr, il y a beaucoup de ces jeux-là dans la production des Polonais. Mais en arrivant à conférer une densité presque tangible à cette ville, CD Projekt RED pourrait bien faire davantage encore : offrir, toutes considérations de genre ou d’ambiance mises à part, à cette génération de consoles le grand jeu urbain dont Rockstar, en se refusant à développer pour elles un nouveau Grand Theft Auto, nous a jusqu’ici privé.