« Camion de la honte » : vingt-cinq ans de prison pour les passeurs
« Camion de la honte » : vingt-cinq ans de prison pour les passeurs
Par Blaise Gauquelin (Vienne, correspondant)
Le chef de la bande et trois de ses complices ont été condamnés pour avoir provoqué la mort, en août 2015, de 71 réfugiés, retrouvés asphyxiés dans une camionnette en Autriche.
La police scientifique à côté du camion retrouvé le 27 août 2015 où 71 personnes ont trouvé la mort sur une autoroute autrichienne. / DIETER NAGL / AFP
Le conducteur et trois de ses complices, accusés en Hongrie d’avoir provoqué la mort par suffocation de 71 réfugiés, ont été condamnés, jeudi 14 juin, à vingt-cinq ans de prison ferme. Après près d’un an de procédure, la cour de la ville de Kecskemet a reconnu coupable le chef de bande, Samsoor L., un Afghan, ainsi que le conducteur de la camionnette, son copilote et l’un des organisateurs, tous bulgares. Le parquet avait requis à leur encontre la réclusion criminelle à perpétuité.
Le véhicule avait été retrouvé le 27 août 2015 sur une autoroute dans l’est de l’Autriche. Il était parti la veille de la frontière entre la Hongrie et la Serbie et ses passagers clandestins étaient morts à peine trois heures après son départ.
Par son retentissement, ce drame avait provoqué des événements d’une ampleur historique pour l’ensemble du continent. Il avait suscité une émotion si vive qu’il avait poussé la chancelière allemande, Angela Merkel, alors présente en Autriche, à ouvrir en très grand les frontières jusqu’ici hermétiques de son pays.
Trente mètres cubes d’air
Le jour du drame, les 59 hommes, les 8 femmes et les 4 enfants – dont un bébé – n’avaient que 14 mètres carrés et 30 mètres cubes d’air pour respirer. Lorsqu’ils comprirent qu’ils allaient mourir, ils firent tanguer si fort leur compartiment hermétiquement fermé que, pris de panique, leur conducteur demanda par téléphone à sa hiérarchie s’il pouvait leur ouvrir.
Samsoor L., qui avait déjà empoché entre 1 000 et 1 500 euros par tête, payé ses hommes entre 500 et 2 000 euros et qui s’apprêtait à envoyer l’argent à son frère en Afghanistan, a alors répondu de « les laisser plutôt mourir ». « C’est un ordre, a-t-il même ajouté, selon des écoutes téléphoniques. S’ils meurent, il faudra les décharger dans une forêt en Allemagne. »
Cet homme fluet, entré en Hongrie illégalement en 2013, jouissait jusqu’ici de la protection subsidiaire — accordée aux réfugiés exposés à des menaces dans leur pays d’origine. Avant de devenir bourreau, il fut un migrant lui aussi.
Les « 71 de Parndorf », du nom du petit village autrichien où les cadavres en décomposition ont été retrouvés, ont tous été identifiés, sauf un. Certains d’entre eux reposent désormais dans la terre qu’ils espéraient fouler vivants.