Les appels au calme de l’ONU, du Vatican, de l’Union européenne et des Etats-Unis n’auront eu que peu d’effets. Depuis le 18 avril, les affrontements entre la population nicaraguayenne d’un côté, la police et des groupes armés proches du président Daniel Ortega de l’autre, prennent des allures de guerre civile.

Alors qu’une journée de grève générale est prévue jeudi 14 juin, l’opposition rassemblée dans l’Alliance citoyenne pour la justice et la démocratie a convoqué « une session plénière du Dialogue national » dès le lendemain, pour tenter de reprendre les discussions avec le gouvernement.

Le mouvement, lancé par les étudiants, trouve son origine dans le refus d’une réforme des retraites, abandonnée quelques jours après les premières manifestations. La violence de la répression policière alimente depuis la colère de l’opposition, qui demande la démission de Daniel Ortega.

Retour en cinq dates sur les protestations dont le bilan s’élevait, lundi, à 148 morts, 1 300 blessés et plusieurs dizaines de disparus, selon le Centre nicaraguayen des droits de l’homme (Cenidh).

  • 18 avril : les étudiants violemment réprimés

Autour de l’Upoli, l’université centrale de la capitale, Managua, un cortège d’étudiants manifestant contre un décret présidentiel réformant le système de retraite — qui prévoyait, pour réduire la dette de la Sécurité sociale, de baisser de 5 % le montant des pensions tout en augmentant les cotisations — est interrompu par les forces de l’ordre.

Les étudiants dénoncent la violence des policiers et la présence de groupes paramilitaires, eux aussi armés. Les tensions s’étendent autour de la capitale et dès le lendemain, trois décès sont constatés, dont deux parmi les manifestants. Le ministère de l’intérieur annonce la mort d’un policier.

Qualifiées d’« émeutes » organisées par des individus cherchant « à briser la paix et l’harmonie » par la vice-présidente — par ailleurs mariée à Daniel Ortega — Rosario Murillo, les affrontements s’accélèrent. Dès le samedi 21 avril, vingt morts sont à déplorer parmi les manifestants comme dans les rangs de la police, obligeant Daniel Ortega à sortir de son silence : « Le gouvernement est totalement d’accord pour reprendre le dialogue pour la paix », explique le président de la République à la télévision.

Nicaragua : manifestations meurtrières et scènes de pillage
Durée : 01:23

  • 22 avril : Daniel Ortega retire sa réforme des retraites

Le décret présidentiel, imposé sans l’avis des parlementaires, n’aura vécu que quelques jours. Mais la répression a rompu la confiance entre une partie de la population et les autorités : l’armée est envoyée à Managua mais aussi à Bluefields, dans l’Est, ou Granada, dans l’Ouest.

« Nous exigeons la destitution de ce président autoritaire et corrompu », clame alors l’opposition. Acteur majeur du Front sandiniste de libération nationale (FSLN), à l’origine de la révolution de 1979, Daniel Ortega en est à son troisième mandat depuis 2007, après une première décennie au pouvoir entre la révolution et l’alternance de 1990. Critiqué pour ses politiques autoritaires et sa confiscation du pouvoir, le président dénonce « une conspiration de l’opposition » pour le renverser.

Après le retrait de la réforme, le gouvernement est déstabilisé pour la première fois depuis 2007 : le Conseil supérieur du secteur privé, allié historique du pouvoir rassemblant de nombreux patrons d’industrie, conditionne désormais tout dialogue à l’arrêt des violences policières.

  • 19 mai : une trêve fragile entre le gouvernement et l’opposition

Un mois après le début des affrontements, les manifestants bloquent toujours de nombreux axes routiers à l’aide de barricades improvisées, et se défendent à l’aide de mortiers artisanaux. Les ONG comptabilisent soixante-trois morts et cinq cents blessés, alors qu’une trêve de deux jours, durement négociée, s’ouvre entre le gouvernement et l’opposition.

Le clergé catholique — qui représente 60 % des pratiquants de ce pays de six millions d’habitants — se place peu à peu en arbitre du jeu politique entre le gouvernement et l’opposition.

  • 30 mai : au moins 15 morts et 200 blessés le jour de la fête des Mères

Les violences se poursuivent partout dans le pays, malgré de premiers échanges avec la présidence, menés par la Conférence épiscopale dès le 16 mai. Le 30 mai, des centaines de milliers de personnes défilent pour rendre hommage aux mères des étudiants tués pendant le conflit.

De nouveau, des groupes armés proches du régime tirent dans la foule, provoquant le bilan le plus meurtrier depuis le 18 avril. Le dialogue entre M. Ortega et L’Alliance citoyenne pour la justice et la démocratie est rompu.

  • 12 juin : l’opposition appelle à une grève générale

Les critiques internationales ont poussé Daniel Ortega à accepter une inspection dans le pays de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, chargée d’enquêter sur les « violations des droits de l’homme ». Dans le même temps, la presse raconte que le président a demandé au gouvernement américain la possibilité de rester au pouvoir le temps d’organiser des élections anticipées.

Le 7 juin, l’Alliance citoyenne pour la justice et la démocratie a proposé au gouvernement un plan de démocratisation du pays. Sans réponse de la présidence, l’opposition appelle à une grève générale jeudi.

Mais dans la soirée de mercredi, l’épiscopat annonce avoir reçu un message de Daniel Ortega : elle convoque « une session plénière du Dialogue national » vendredi, pour discuter de la stratégie de l’opposition et d’une possible reprise du dialogue.

De son côté, l’ONG Amnesty International a exprimé dans un rapport ses inquiétudes quant au climat politique du Nicaragua, qui pourrait, selon les observateurs, « tomber rapidement dans l’une des périodes les plus sombres que le pays ait connue depuis des décennies ».

Répression sanglante au Nicaragua