Le jeu se déroule depuis un peu plus d’une demi-heure, vendredi 1er juin, entre la France et l’Italie. Fauché à la limite de la surface de réparation, l’attaquant italien Mario Balotelli voit l’arbitre lui accorder un coup franc. Puis tracer un rectangle dans les airs, pour demander confirmation à son arbitre vidéo. La décision est suspendue. Sur les écrans du stade de Nice, un message s’affiche : « arbitrage vidéo en cours ». Sur les images – non diffusées dans le stade – on voit l’Italien s’écrouler, une jambe à l’intérieur de la surface, l’autre en dehors. Après une longue tergiversation, l’homme en noir valide sa décision initiale : coup franc pour l’Italie.

Bienvenue dans le football en 2018. Cela ne concernera pas l’Italie, non qualifiée, mais vous verrez des actions de ce type se dérouler tout au long du Mondial russe. Car comme l’avait souhaité Gianni ­Infantino, le président de la FIFA, en 2017, l’assistance vidéo à l’arbitrage fait ses grands débuts dans la plus importante compétition du football. Mais de quoi parle-t-on précisément ?

  • Qu’est-ce que la VAR ?

L’assistance vidéo à l’arbitrage, ou VAR (video assistant referee, en anglais) est le dispositif permettant aux arbitres principaux des rencontres de faire appel à un arbitre vidéo (eux aussi appelés VAR) en cas de doute sur une action. Ils seront installés dans une VOR (video operation room, la salle d’opérations vidéo) à Moscou, une batterie d’écrans devant eux. Le dispositif a été testé dans plusieurs championnats cette saison, notamment en Italie et en Allemagne.

  • Dans quelles situations peut-elle s’appliquer ?

L’arbitre vidéo travaille à la demande de l’arbitre principal, qui d’un geste peut faire appel à lui dans les cas de figure suivants :

  • les buts et les actions y menant ;
  • les fautes pouvant déboucher sur un penalty ;
  • les fautes pouvant mener sur un carton rouge direct ;
  • les erreurs sur l’identité d’un fautif.

Si seul l’arbitre sur le pré peut prendre une décision, le VAR, qui communique à volonté avec lui, peut lui suggérer de revenir sur une décision ou le prévenir en cas d’erreur ou d’action litigieuse ayant échappé à l’équipe d’arbitrage sur le terrain.

  • Qui seront les VAR et combien sont-ils ?

Au nombre de 13, les arbitres vidéo ont été sélectionnés par la FIFA au terme d’un processus de sélection parmi les meilleurs arbitres du monde. Il s’agit d’arbitres ayant expérimenté in situ l’arbitrage vidéo dans leur championnat (Portugal, Allemagne ou Italie en Europe par exemple). La France, qui n’appliquera la VAR au championnat de Ligue 1 qu’à partir de la saison prochaine, ne compte ainsi pas d’arbitres sélectionnés pour cet exercice spécifique.

Liste des VAR pour le Mondial 2018.

Par ailleurs, plusieurs arbitres et arbitres assistants, sélectionnés pour officier au sifflet pendant la Coupe du monde (retrouvez la liste des 35 ici) pourront aussi devenir arbitres vidéo durant l’épreuve. Leur désignation aura lieu avant chaque rencontre, comme le reste de l’équipe d’arbitrage.

En tenue sur leur chaise – le président de la commission des arbitres de la FIFA, Pierluigi Collina, y tient –, chacun arbitrera au maximum une rencontre par jour. « Ils vont transpirer comme sur le terrain, assure l’ancien arbitre international. Ce n’est pas comme regarder un match sur son canapé en buvant un café. » Assistés de trois arbitres vidéo assistants, et de quatre opérateurs Hawk-Eye (la société ayant mis en place l’arbitrage vidéo au tennis, désormais partenaire de la FIFA), chacun a son rôle défini.

  • Comment fonctionne-t-elle précisément ?

Dans chaque stade du Mondial, 33 caméras envoient leurs images par fibre optique à la VOR, à Moscou. Face aux arbitres, un écran principal et une série de plus petits moniteurs diffusant le match avec trois secondes de retard. Dans la cabine de cet « œil de Moscou », le VAR et ses assistants auront chacun leur mission. « Le VAR principal communique avec l’arbitre central et peut lui suggérer de venir vérifier les images, développe Roberto Rosetti, responsable du projet VAR pour la FIFA. Son premier assistant suit le direct pendant une vérification. Le second se focalise sur les situations de hors-jeu, et le dernier épaule le VAR et s’assure du respect du protocole. »

A tout moment, le VAR peut demander au technicien de diffuser sur son moniteur une action au ralenti, ou de changer l’angle d’une autre pour vérifier un numéro. Pendant ce temps, un de ses collègues ne perd pas des yeux le déroulement du reste de la partie.

Par ailleurs, deux caméras ont été ajoutées au dispositif pour se focaliser uniquement sur les situations de hors-jeu. En cas de doute, les arbitres assistants ont été exhortés à surseoir leur décision durant quelques secondes, afin de laisser le jeu se dérouler, quitte à annuler la décision après vidéo-arbitrage.

  • Comment ça va se passer dans les stades ?

Un arbitre allemand vérifiant une action sur l’écran en bord de terrain, lors d’un match de Bundesliga. / AXEL SCHMIDT / REUTERS

Le temps de vérification d’une situation entraîne un délai – l’un des principaux griefs des opposants à l’arbitrage vidéo –, n’en déplaise aux officiels de la FIFA qui affirment que ce nouveau dispositif ne retardera pas le jeu.

Consciente de l’importance de communiquer aux spectateurs, dans les stades et devant leur télévision, la FIFA a développé un système d’information sur les écrans géants des stades. Depuis la VOR, un membre de la FIFA pourra envoyer des informations aux diffuseurs et aux responsables des écrans géants dans les stades. Lesquels, à la différence du rugby notamment, n’afficheront aucun ralenti – pour ne pas mettre de pression sur l’arbitre – mais des messages d’explication ainsi que la décision de l’arbitre : but, pas but, hors-jeu…

  • Est-ce la fin des erreurs d’arbitrage ?

« L’arbitrage vidéo ne fait pas disparaître tout débat autour des décisions », constate l’arbitre néerlandais Bjorn Kuipers. Si les images « permettent d’éviter des erreurs grossières », selon le Français Clément Turpin, elles restent soumises à l’interprétation. Par ailleurs, le rôle des techniciens Hawk-Eye est primordial. Ce sont eux, employés d’une entreprise privée qui, en arrêtant l’image à tel ou tel moment, permettront à l’arbitre vidéo de prendre sa décision.

Selon la FIFA, les premiers tests d’arbitrage vidéo ont permis de diminuer un peu les erreurs d’arbitrage. Et ont eu une influence sur le nombre de fautes commises, les joueurs étant prévenus qu’ils ne pourraient plus passer à travers les gouttes.

Coupe du monde 2018 : l’arbitrage vidéo est-il efficace ?
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