Coupe du monde 2018 : la Roja toujours debout
Coupe du monde 2018 : la Roja toujours debout
Par Adrien Pécout (Kaliningrad, envoyé spécial)
Les Espagnols, en tête de leur groupe malgré plusieurs frayeurs au premier tour, affronteront la Russie devant son public en huitièmes de finale.
Les joueurs de l’équipe d’Espagne après leur matche contre le Maroc, dans le groupe B, à Kaliningrad, le 25 juin. / PATRICK HERTZOG / AFP
Pour détendre l’atmosphère, Sergio Ramos avait parlé de « funérailles ». Sur le ton de la plaisanterie, à la veille de son premier match du Mondial, le capitaine de l’équipe d’Espagne avait reproché aux journalistes de rendre une conférence de presse aussi lugubre qu’une cérémonie mortuaire.
Même pour les agnostiques, l’ambiance se prête plutôt aujourd’hui à un climat de résurrection. « Peut-on considérer qu’on a la chance d’un champion ? », ose à présent un journaliste espagnol, tout ce qu’il y a de plus sérieux. Joli sujet dans cette enclave de Kaliningrad si propice à la philosophie et aux digressions sur la bonne fortune d’une équipe, quoique Kant, ancien habitant de la ville, ait toujours évité sujet.
Lundi 25 juin, cette Roja cahin-caha a achevé son premier tour en tête du groupe B, sur un match nul obtenu dans le temps additionnel contre le Maroc (2-2). La voilà maintenant qualifiée pour un huitième de finale contre la Russie, pays hôte, dans une semaine. « Malgré toutes les difficultés, on est quand même premier du groupe », résume Fernando Hierro, sélectionneur de rechange qui a suppléé Julen Lopetegui, licencié à deux jours du Mondial pour avoir négocié dans son coin un futur contrat avec le Real Madrid.
Disons que cette Espagne-là a un mérite plutôt intéressant dans une compétition comme celle-ci, à l’aube des matchs à élimination directe : elle parvient pour l’instant à rester debout là où tant de chausse-trapes pouvaient la mettre à bas.
Frayeurs contre l’Iran
Par ordre de fraîcheur, y compris météorologique, il y a donc d’abord ce match contre le Maroc. Deux fois menée au score, l’Espagne a égalisé par l’excellent Isco (1-1, 19e minute) puis par l’intéressant Iago Aspas (90e + 1), remplaçant de son état. Comme tant d’autres depuis la mi-juin, ce second but a fait l’objet d’un arbitrage vidéo avant validation. Il faudra s’y faire. Ou bien protester contre cette intrusion technologique dans un sport qui avait jusque-là l’avantage de se pratiquer entre humains.
Face à un adversaire pourtant déjà éliminé, l’Espagne aura souffert. Avant même le quart d’heure de jeu, la Roja concédait son premier but du soir sur une mésentente d’Andres Iniesta et Sergio Ramos, profitant à Khalid Boutaib. Deux Espagnols pourtant blanchis sous le harnais, pour ne pas dire grisonnants, en ce qui concerne le premier.
Cinq jours plus tôt, il y avait déjà eu l’Iran. Là encore, l’Espagne s’est fait peur. A Moscou, sa victoire ric-rac (1-0) a laissé une curieuse impression, celle d’un score plutôt flatteur pour cette Roja mise à mal en fin de rencontre : trois grosses occasions concédées, et un but refusé à l’Iran pour cause de hors-jeu.
Pas de « talkie-walkie »
Le match initial (3-3) contre le Portugal, pourtant l’adversaire le plus coté, reste finalement le plus abouti de l’Espagne sur le plan du jeu et de la maîtrise collective. Le plus spectaculaire, aussi. Dans le Stade olympique de Sotchi, les Espagnols ont d’abord couru après le score. Puis ont pris l’avantage sur un doublé de Diego Costa. Puis l’ont perdu sur un triplé de Cristiano Ronaldo, qui avait ouvert le score dès la 4e minute sur pénalty. Un bien mauvais souvenir pour David De Gea : ce jour-là, une bévue du gardien espagnol offrait le deuxième but au Portugais.
Souriant, Fernando Hierro se dit prêt à une nécessaire « autocritique » sur toutes les causes de ces frayeurs successives. En Union soviétique, ce mot a un passé. Aujourd’hui, dans cette Russie qui accueille le Mondial, il veut surtout dire : encaisser 5 buts en trois matchs, « ça ne marche pas comme ça » si les joueurs de la Roja veulent aller plus loin dans la compétition. « Les garçons doivent comprendre la réalité », poursuit leur nouveau sélectionneur.
L’entraîneur maîtrise l’exercice de la conférence de presse pour en avoir fait à foison, dans une vie antérieure, en qualité de capitaine du Real Madrid. Combien de fois a-t-il téléphoné à Julen Lopetegui depuis le retour illico de ce dernier en Espagne ? Pas de réponse claire, mais une esquive : « Vous savez, quand je dois faire des choix, je n’ai pas besoin de prendre un talkie-walkie pour lui en demander la permission. »