Le président ivoirien Alassane Ouattara a nommé mardi 10 juillet un nouveau gouvernement largement dominé par sa formation politique, et ouvert aux personnalités favorables à son projet de « grand parti unifié », le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP).

Avant les élections municipales et régionales prévues en septembre, selon une source proche de la présidence, et surtout deux ans avant la présidentielle qui mobilise déjà toute la scène politique, le Rassemblement des républicains (RDR) du président Ouattara cherche à élargir ses soutiens, faute d’un accord avec son grand allié, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI).

Dans un cabinet légèrement plus fourni – 41 ministres et secrétaires d’Etat, contre 34 pour le précédent – mais sans grand changement, le président a reconduit les barons du RDR : Amadou Gon Coulibaly comme premier ministre, Hamed Bakayoko à la défense, Marcel Amon Tanoh aux affaires étrangères et Kandia Kamara à l’éducation nationale.

Albert Toikeusse Mabri, président de l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI) et ancien ministre des affaires étrangères, fait son retour au gouvernement, avec le portefeuille de l’enseignement supérieur et de la recherche. M. Toikeusse et son parti se sont prononcés en mai pour la formation du RHDP. Il avait dû sortir du gouvernement en 2016 pour avoir refusé une alliance électorale avec le RDR.

M. Ouattara a gardé au gouvernement les ministres PDCI qui se sont déclarés favorables au RHDP, notamment Kobenan Kouassi Adjoumani qui a lancé un mouvement dissident à l’intérieur de son parti, voulant rassembler les pro-RHDP. M. Adjoumani conserve son portefeuille des Ressources animales et halieutiques.

« Gouvernement de combat »

Le gouvernement voit par ailleurs l’entrée notable d’un vice-président du PDCI, Eugène Aouélé Aka, comme ministre de la santé.

« C’est un gouvernement très politique, un gouvernement de combat avant la présidentielle de 2020 », pour le politologue Ousmane Zina. « Cela paraissait compliqué de se passer du PDCI vu son poids électoral. M. Ouattara ne tranche pas, il se donne du temps, et il maintient le débat au sein du PDCI » sur la question du parti unifié.

Le président du PDCI, Henri Konan Bédié, s’oppose à la création du parti unifié, ce qui provoque une crise au sein de la coalition au pouvoir, et qui a suscité la dissolution du gouvernement. Celui qui a soutenu deux fois la candidature victorieuse d’Alassane Ouattara en 2010 et 2015, réclame la réciprocité pour 2020, soit un candidat issu du PDCI soutenu par le RDR – ce que le parti présidentiel ne semble pas vouloir lui accorder.

Lors de la réunion de son bureau politique lundi, le RDR a même demandé au président Ouattara d’« accepter d’être le président du parti unifié » RHDP, lorsqu’il sera effectivement créé. « C’est un gouvernement sans surprise », estime le politologue Jean Alabro, pour qui le président Ouattara « ménage le PDCI, en conservant notamment Thierry Tanoh, un fidèle de M. Bédié ».

Le politologue Pierre Dagbo Gode regrette pour sa part « l’immobilisme ». « Depuis 2011, ce sont toujours les mêmes qui s’échangent les portefeuilles. Pourquoi avoir dissous le précédent gouvernement ? », s’interroge-t-il, estimant que le nouveau cabinet aurait pu s’ouvrir à la société civile et aux femmes.