Kylian Mbappé embrasse le trophée de la Coupe du monde, dimanche 15 juillet, à Moscou. / Matthias Schrader / AP

A le voir sourire malicieusement avant le coup d’envoi, on se disait que Kylian Mbappé, 19 ans, abordait cette finale de Coupe du monde avec un mélange d’insouciance et de légèreté. Allait-il entrer dans la légende, dimanche 15 juillet, sur la pelouse du Stade Loujniki de Moscou ? Le jeune attaquant des Bleus a répondu à sa manière : auteur du quatrième but français (65e minute), il a assommé la Croatie, nettement battue (4-2), et tué tout suspense.

Avec quatre réalisations à son compteur, Mbappé aura traversé le tournoi tel un cheval fou emportant tous les obstacles dans sa course. Né en décembre 1998, cinq mois après le sacre de Zidane et consorts, il a incarné la jeunesse triomphante de cette équipe de France, à la fois disciplinée et explosive.

Monstre de précocité, le voici sacré champion du monde, titillant quelques records au passage. L’ailier aux jambes de feu est le troisième plus jeune joueur à soulever le trophée, derrière le Roi Pelé en 1958 (17 ans, 8 mois et 6 jours) et Giuseppe Bergomi en 1982 (18 ans, 6 mois et 17 jours).

Les comparaisons avec la légende brésilienne ne s’arrêtent pas là puisque le natif de Bondy (Seine-Saint-Denis) est le deuxième plus jeune joueur à avoir marqué en finale d’un Mondial derrière… l’ex-numéro 10 de la Seleçao, auteur d’un doublé à l’âge de 17 ans et 8 mois contre la Suède (5-2), en 1958.

Désigné meilleur jeune joueur du tournoi par la Fédération internationale de football (FIFA), Kylian Mbappé succède à ce palmarès à un autre Français, son coéquipier Paul Pogba, récompensé lors de l’édition brésilienne de 2014, à 21 ans.

« Mon but nous permet de prendre le large »

Sous une pluie diluvienne, le Parisien semblait comme sonné par l’enchaînement rapide des événements. Il a longuement embrassé le trophée doré de la Coupe du monde, avant de célébrer ce sacre en dansant, drapeau tricolore enroulé autour de la taille, sur la pelouse gorgée d’eau du Loujniki.

Pendant quatre-vingt-dix minutes, il venait de déstabiliser la défense croate, mettant plus spécifiquement au supplice l’arrière-gauche Ivan Strinic, constamment pris de vitesse. Et même si la charnière centrale, composée des expérimentés Dejan Lovren et Domagoj Vida, a plutôt bien tenu le choc, les espoirs de la sélection à damier ont été définitivement enterrés sur une action lumineuse de Mbappé.

A la réception du ballon aux vingt mètres, l’attaquant du PSG armait avant d’expédier une frappe imparable du droit à ras de terre. Scotché sur sa ligne, son ancien partenaire monégasque Danijel Subasic ne pouvait que soupirer. « Mon but nous permet de prendre le large », a confié le prodige, à sa sortie du terrain.

En arrivant en Russie, le joueur se savait attendu. Il avait d’ailleurs assumé l’écrasante filiation avec ses aînés Platini et Zidane en revêtant le mythique numéro 10. « Je commence tout doucement à m’installer en sélection », confiait-il au Monde, à la mi-mai. Arrivé en mars 2017 chez les Bleus, prêté contre 180 millions d’euros par Monaco au PSG à l’été 2017, il ne cachait guère ses ambitions pour cette Coupe du monde : « Mon objectif est de gagner, gagner, gagner. »

Face à l’Argentine, un tournant

Dans l’ombre de la star Antoine Griezmann, il n’a guère déçu à Kazan contre l’Australie (2-1), le 16 juin, pour son baptême du feu dans le tournoi. Contrairement à son complice Ousmane Dembélé, 21 ans, il a sauvé sa place dans le onze titulaire, cinq jours plus tard, contre le Pérou, à Iekaterinbourg. Unique buteur face aux Incas (le plus jeune français à marquer en Coupe du monde), Mbappé a ouvert les portes de la qualification à son équipe avant d’être mis au repos contre le Danemark.

Le choc face à l’Argentine, le 30 juin, en huitièmes de finale, a représenté un tournant dans la montée en puissance du jeune homme. Sa fantastique chevauchée a d’abord permis aux Bleus d’ouvrir la marque : flashé à 37 km/h, il obtenait un penalty après une faute de Marcos Rojo dans la surface. Le meilleur était à venir puisqu’il se fendait d’un doublé, renversant à lui seul Lionel Messi et autres. Le premier de ses deux buts (crochets du droit, frappe du gauche) a relevé du génie. Un pur chef-d’œuvre. Ce jour-là, il éclatait aux yeux du monde.

Mbappé a remis le couvert face à la rugueuse défense de l’Uruguay, perforée à deux reprises (2-0), six jours plus tard à Nijni-Novgorod, en quarts de finale. S’il ne fut pas décisif contre la Céleste, l’attaquant du PSG a fait des misères à l’arrière-garde belge en demi-finale, à Saint-Pétersbourg. Sa roulette talonnade à destination d’Olivier Giroud restera dans les annales. Tout comme son festival de dribbles et de gestes techniques hallucinants.

« Je veux encore faire mieux »

Très exposé durant le tournoi, il a bluffé les journalistes par sa maturité face au micro et ses analyses clairvoyantes. « Je vous le dis à l’avance. Il va louper des matchs, ne marquera pas, donc ça ne sert à rien de le critiquer. Ne soyez pas trop dur avec lui, même si je sais que vous le ferez », avait prévenu son partenaire, Paul Pogba, qui l’a pris sous son aile. Si Didier Deschamps lui a laissé « carte blanche », on l’a vu revenir défendre sur son couloir droit, s’ingéniant à combiner avec le latéral Benjamin Pavard au fil du tournoi.

En extase devant son protégé, Didier Deschamps a bien souligné son incroyable précocité et la portée de son exploit : « Mbappé a seulement 19 ans, je lui souhaite d’être à nouveau champion du monde. Il y a vingt ans, Trezeguet et Henry l’ont été à peu près au même âge (à 20 ans). Ils auraient pu l’être une deuxième fois (en 2006). Il faut saisir les opportunités. »

Bravache, Kylian Mbappé s’est d’emblée tourné vers l’avenir : « Je ne veux pas simplement être de passage dans le foot : être champion du monde, c’est un message, a déclaré celui qui ambitionne de disputer encore au moins trois Coupes du monde. Je veux faire encore mieux, mais champion du monde, c’est déjà bien. » Comme si ce sacre n’était que le premier chapitre d’un long roman.