Parcoursup : en attendant une réponse…
Parcoursup : en attendant une réponse…
Par Soazig Le Nevé, Adrien de Tricornot
Encore un tiers des candidats sur Parcoursup espèrent une place ou une proposition plus conforme à leurs vœux. Témoignages d’une attente souvent lancinante.
Au lycée Malherbe à Caen (Calvados), le 6 juillet. / CHARLY TRIBALLEAU / AFP
Partir en vacances ou rester ? Déménager ou continuer d’espérer une place à côté de chez soi ? Conserver ses vœux « en attente de place » ou s’inscrire dans le privé, hors Parcoursup ? Cet été, l’attente sur la plate-forme qui a remplacé Admission post-bac pèse sur les aspirants étudiants et leurs familles, qui ont répondu à un appel à témoignages sur Le Monde.fr.
« J’ai eu mon bac S mention bien, j’ai candidaté pour cinq Paces [première année commune des études de santé] du Grand-Ouest et je suis toujours sur liste d’attente ! », se désole ainsi Mathéo* :
« Quelle est la logique ? L’équité ? Aujourd’hui, seuls les très très bons sont admis en Paces, alors que l’an dernier, la porte était ouverte à tous. Quelle est ma faute ? Etre né un an trop tard. »
Rien n’est encore définitif, puisque la phase normale de Parcoursup s’achève le 5 septembre, et la phase complémentaire, qui permettant de formuler de nouveaux vœux, dans des formations disposant encore de places –, le 20 septembre. Mais depuis l’ouverture de la procédure, le 22 mai, seulement 52,8 % des 812 000 candidats initiaux ont accepté définitivement une proposition. Une partie ont quitté la plate-forme, mais 33,5 % restent dans l’attente, parfois lancinante : plus de 160 000 candidats ont accepté une proposition sans la valider définitivement, espérant une réponse qui leur convienne davantage. Et la situation est encore plus incertaine pour les près de 110 000 candidats qui n’ont encore aucune place, et dont une partie ont demandé un accompagnement de leur rectorat d’académie.
« Aujourd’hui, je ne sais pas encore ce que je vais faire en septembre, quels livres je dois lire pour me préparer à la prépa, si je dois trouver un logement ou même acheter une voiture », s’inquiète Juliette Le Provost, qui a décroché son bac ES avec une mention « Bien ».
« J’ai reçu une proposition de CPGE [classe préparatoire] économique ECE à côté de chez moi mais elle ne me plaît pas ! C’est mon vœu “au cas où”. »
Son véritable but : intégrer une des quinze classes préparatoires BL, c’est-à-dire littérature et sciences sociales où elle a postulé. Or, « avec un dossier à 15 de moyenne, j’ai été refusée à tous mes vœux de prépa hors de ma région (onze vœux) », regrette la jeune fille qui se donne jusqu’à fin juillet avant de chercher un logement dans la ville où elle est acceptée en prépa.
« Aucun adulte ne supporterait ce système »
« On est dans une procédure glissante sur toute la période de l’été. C’est très “sympa” aussi pour nous, profs principaux, car nous devons être joignables pour conseiller nos élèves. Cela nous demande donc une grande disponibilité, souligne Emilie Bathier, professeure principale d’une classe de terminale S. La difficulté étant que nous n’avons aucun recul en cette première année, et que nous n’avons pas grand-chose de factuel à leur répondre. » Dans la classe d’Emilie Bathier, sur 33 élèves devenus bacheliers, 8 attendent encore d’être fixés sur leur avenir.
La situation semble aussi délicate pour Lisa*, qui a obtenu avec la mention bien son bac S spécialité SVT (sciences de la vie et de la Terre). Cette Normande voudrait pouvoir déménager :
« J’ai formulé plusieurs vœux mais mon principal reste une licence de biologie à Toulouse, car j’avais des projets de vie là-bas : n’étant pas du secteur, j’étais 2572e le 22 mai, aujourd’hui je suis 294e. L’attente est interminable, avant, pendant et après le bac, on attend toujours… Cela veut dire que je ne sais même pas si je serai là où je veux en septembre ».
« Chaque matin, c’est la même routine. Lancer la bouilloire et consulter Parcoursup », témoigne une maman d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-seine). « Personne ne comprend » que son fils, 5e de sa classe en terminale S, soit en liste d’attente dans plusieurs classes préparatoires scientifiques, et encore au 875e rang pour une licence scientifique à Paris. « Aucun adulte ne supporterait ce système. » Le salut est finalement venu d’un déblocage de liste d’attente inespéré, vendredi 13 juillet : le jeune homme ira à Dauphine, la seule université qui recrute hors Parcoursup.
« Pensez-vous qu’il ait une chance ? »
Comme le résume Emilie Bathier, « au final, Parcoursup est une procédure anxiogène et chronophage » :
« Pourtant, au début, elle avait offert une perspective rassurante. Les élèves s’étaient dit “chouette, on va avoir le choix”. Mais ils l’ont vécue comme un piège, car beaucoup n’ont eu aucun choix. Le pire, c’est que le piège est alimenté par les élèves eux-mêmes, car rien ne bouge s’ils ne se désistent pas. Certains m’ont dit “nous, on ne se désiste pas car si d’autres le font avant nous, on sera gagnants”. »
Certains n’ont plus la patience ou la possibilité d’attendre. « Mon fils a démissionné de Parcoursup car il était “en attente” partout », explique Sandra : le bachelier S mention « Bien » guignait des classes prépas et des écoles d’ingénieurs post-bac. « On ne peut pas appeler indéfiniment les écoles pour leur demander une tendance, et avoir des réponses forcément évasives », relate sa mère. De colère, « il a pris une école privée hors Parcoursup ». Des établissements « qui demandent des décisions fermes et des arrhes pour début juillet », obligeant à renoncer à ses vœux sur Parcoursup.
Cette famille n’est pas la seule à avoir finalement trouvé « une orientation sans l’aide de Parcoursup » : « Ma fille a demandé 10 BTS Management des unités commerciales. Elle a reçu deux refus, trois « en attente », et cinq en alternance – donc sous conditions de trouver un patron », explique une mère de la région lyonnaise. La jeune fille a fini par opter pour une formation privée « équivalente » de manager d’univers marchand, délivrant un « titre professionnel » sous l’égide du ministère du travail. « Donc, les études post-bac étant totalement bouchées, nous nous rabattons sur une formation qui est normalement plus du ressort de la formation continue et ce faisant, nous prenons la place de personnes en difficulté ou réinsertion ! Quel formidable système où chacun doit marcher sur l’autre pour trouver une place ! », regrette la maman.
* Le prénom a été modifié.