Un atelier organisé par la Croix-Rouge à Paris. / Fred de Noyelle/Godong / Photononstop / Fred de Noyelle/Godong / Photononstop

« Avec toutes les heures et l’énergie qu’on investit dans notre association pour promouvoir les jeunes cinéastes, c’est une bonne chose que ce soit reconnu », salue Pierre Triollier du Brochet. Comme une vingtaine d’autres étudiants de l’université de Lyon, il a bénéficié du nouveau dispositif de validation de l’engagement étudiant.

Ce volet de la loi égalité et citoyenneté a été mis en œuvre à la rentrée 2017. Il permet aux étudiants de l’enseignement supérieur de gagner des crédits pour obtenir leur diplôme ou de bénéficier d’un aménagement d’emploi du temps pour leur participation à « une activité bénévole au sein d’une association, une activité professionnelle, une activité militaire dans la réserve opérationnelle, un engagement de sapeur-pompier volontaire, un engagement de service civique ou un engagement de volontariat dans les armées », selon les termes de la circulaire.

Aucun bilan chiffré n’a été effectué à l’issue de cette première année de mise en place obligatoire, mais des mécanismes de reconnaissance existaient déjà dans la majorité des universités et grandes écoles. La loi avait surtout pour objectif « d’uniformiser les dispositifs au sein même des établissements pour assurer une accessibilité à tous, en généralisant les dispositifs déjà existants ou en en créant d’autres », selon Clotilde Marseault, chargée de mission vie étudiante auprès de la Conférence des présidents d’université (CPU).

Valider les compétences « douces »

Cette loi instaure surtout un nouvel état d’esprit : il s’agit de valider les compétences « douces » (sens des responsabilités, créativité, organisation, etc.) acquises grâce à l’engagement de l’étudiant, et de développer par la même occasion une évaluation par compétences. « Tout ce que l’étudiant fait a du sens, il acquiert des compétences qu’il peut mettre en avant » auprès des recruteurs, et cela permet de « renforcer l’estime de soi », souligne Bénédicte Froment, directrice de la vie étudiante à l’université de Tours.

Différents types de dispositifs ont été mis en place, mais deux modèles dominent, selon la CPU : l’attribution d’un bonus, permettant à l’étudiant d’augmenter sa moyenne de l’année, ou la validation d’une unité d’enseignement (UE) libre.

Accompagner dans la création de projet

L’université de Lille a opté pour l’UE libre et un « contrat d’aménagement d’études au titre de l’engagement citoyen et associatif ». Après avoir détaillé leur mission dans un dossier, vingt-sept étudiants ont pu bénéficier d’un aménagement d’emploi du temps. Vingt-trois d’entre eux ont rédigé en fin d’année un dossier, et obtenu, après soutenance devant un jury, des crédits ECTS (European Computer Trade Show, remplaçant le système d’unités de valeur) – en général 6, sur les 60 nécessaires pour valider une année.

« Ils ont bénéficié de tutorats, mais aussi de formations au sein de l’université, comme sur le management de projet »

L’université de Lyon a elle aussi fait le choix de l’UE libre, mais a décidé, dans un premier temps, de se concentrer sur l’accompagnement de projets étudiants. « Ils ont bénéficié de tutorats, mais aussi de formations au sein de l’université, comme sur le management de projet ou encore la valorisation des expériences et compétences », explique Stéphane Pillet, vice-président chargé de la vie étudiante. Ce qui a été très bénéfique à Pierre Triollier du Brochet, président de l’association Lyf qui promeut le travail de jeunes cinéastes. « Ma tutrice connaissait bien le domaine, elle m’a beaucoup apporté, raconte l’étudiant en troisième année de licence de droit et sciences politiques. Les objectifs étaient multiples : mieux se répartir le travail entre les différents membres, chercher des partenaires, etc. »

L’autre modèle de la validation, celui du bonus, a été retenu par l’université de Lorraine, comme le précise Laurence Canteri, vice-présidente Vie universitaire :

« L’étudiant remplit un dossier de quelques pages et le dépose avec l’avis d’un tiers qui atteste de sa fonction au sein de son club, association ou conseil universitaire. Après examen du dossier, un comité fixe une note sur 5, qui est ensuite divisée par 10, pour donner un bonus allant jusqu’à 0,5 point de plus dans la moyenne annuelle de l’étudiant. »

Contrairement à l’UE libre, il n’y a pas de rapport à rendre ou de soutenance devant un jury. Une flexibilité qui, selon Laurence Canteri, permet de toucher un vaste spectre d’étudiants. « Cette année, près de 1 000 étudiants [sur les 50 000 potentiellement concernés], ont bénéficié de ce dispositif. Ce chiffre a doublé en quatre ans », constate-t-elle :

« L’intérêt est aussi de permettre au plus grand nombre d’étudiants d’ouvrir les yeux sur ce qu’ils veulent faire, ce pour quoi ils sont faits. »

Des aptitudes essentielles

Pour les étudiants, l’exercice d’autoévalution pas toujours simple. « Cela demande beaucoup d’introspection. Il faut analyser ce qu’on fait, alors que depuis le temps, c’est devenu presque naturel », explique Julien Bultel, étudiant en diplôme d’études universitaires scientifiques et techniques (DEUST) à Lille, qui a fait valoir son engagement en tant que chef scout. Mais il pense que l’exercice lui sera bénéfique quand il devra présenter des rapports de stage ou préparer des entretiens d’embauche.

« Mon engagement m’a appris à être autonome »

Etienne Delforge, étudiant lillois lui aussi, n’a lui pas eu de difficulté à expliquer les compétences acquises comme garde d’honneur de la nécropole de Notre-Dame-de-Lorette – plus grand cimetière militaire de France. « Mon engagement m’a appris à être autonome, à me confronter au monde des adultes, sans professeur ou encadrant, ou encore à parler devant un public et présenter nos recherches à des professionnels », apprécie-t-il.

Après cette première année de généralisation des dispositifs, certaines universités ont déjà de nouveaux projets. A Lille, l’équipe de la vie étudiante réfléchit à la mise en place d’un diplôme universitaire (DU) qui permettrait aux étudiants de valoriser un parcours d’engagement sur plusieurs années, en parallèle de leur cursus disciplinaire.

A Tours, où l’université compte historiquement de nombreux étudiants engagés, Bénédicte Froment a travaillé cette année à la création d’un système d’« open-badge », qui permettra aux enseignants, tuteurs ou encadrants associatifs d’attester des compétences des étudiants, lesquels pourront les mettre en avant sur des réseaux comme Linkedin ou en ligne via un portfolio numérique. En parallèle, l’université développe des partenariats afin d’offrir à l’ensemble de ses étudiants des opportunités de s’engager, et ainsi bénéficier du nouveau dispositif.