C’est un sigle que des milliers de salariés connaissent : ASC, pour activités sociales et culturelles. Il recouvre les aides protéiformes accordées par les employeurs à leurs personnels : réductions tarifaires pour des voyages, bons d’achats, chèques-culture… Or, les conditions dans lesquelles ces gratifications sont octroyées viennent d’être modifiées par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), adopté, mardi 30 octobre, à l’Assemblée nationale. Des changements qui mécontentent plusieurs syndicats, ainsi que les professionnels du tourisme.

En principe, l’argent versé par les entreprises au titre des ASC devrait être soumis à des cotisations sociales. Mais l’usage veut que ces sommes soient exonérées de tout prélèvement, à condition qu’elles restent dans des proportions raisonnables et qu’elles ne se transforment pas en complément de rémunération.

La mesure vise les avantages accordés par les CE

Un tel système a été critiqué à maintes reprises, car il plonge les entreprises dans un flou juridique et les expose même parfois à des redressements effectués par l’Urssaf. C’est pourquoi le député UDI du Nord, Paul Christophe, a déposé un amendement au PLFSS 2019 pour « sécuriser » le dispositif. Son souhait est de « pérenniser une pratique » en l’inscrivant dans le marbre de la loi, comme l’a expliqué l’élu lors des débats en séance, le 24 octobre. M. Christophe entend aussi donner de la visibilité aux dirigeants de petites et moyennes entreprises (TPE-PME) : ceux-ci sont « actuellement très peu nombreux à faire profiter leurs salariés de cet usage », du fait des incertitudes qui l’entourent. Le parlementaire nordiste espère ainsi « étendre le champ » des personnes susceptibles de bénéficier des ASC.

La mesure vise les avantages accordés par les comités d’entreprise (les CE, qui sont, peu à peu, remplacés par les CSE, les comités sociaux et économiques, depuis la réforme du code du travail en 2017). Sont également concernés les employeurs publics et les sociétés de moins de 50 personnes qui n’ont ni CE ni CSE.

Le cadre conçu par M. Christophe prévoit que les avantages octroyés aux salariés seront soumis à des cotisations s’ils dépassent un certain seuil, variable suivant le type de gratification : par exemple 331 euros par an et par personne, pour « l’exercice d’activité sportive », pour « l’accès aux biens et prestations culturels ou au titre d’aides aux vacances » (le montant pouvant aller jusqu’au double en fonction du nombre d’enfants).

Le ministre des comptes publics, Gérald Darmanin, a complété le dispositif, imaginé par M. Christophe, en y incluant (par le biais d’un sous-amendement) les chèques-vacances dans les entreprises de plus de 50 salariés.

Mais ces modifications n’ont pas convaincu tout le monde sur les bancs de l’Assemblée. Députée MoDem des Hauts-de-Seine, Isabelle Florennes s’est inquiétée des incidences de l’amendement de M. Christophe : il se « traduirait, selon nos calculs, par une baisse pouvant atteindre plusieurs centaines d’euros pour les salariés qui ont des enfants et qui travaillent dans des entreprises accordant des aides ciblées (…), destinées aux vacances, au sport et, surtout, à la culture », a-t-elle affirmé. Sa collègue Véronique Louwagie (LR, Orne) a regretté qu’aucune « étude d’impact global » n’ait été conduite : « La question mérite un débat plus approfondi », a-t-elle ajouté.

Des craintes du côté des syndicats

Les craintes sont encore plus vives du côté des syndicats. « Nous contestons cette approche purement budgétaire », confie Philippe Portier (CFDT). Pour lui, « le gouvernement avance masqué » dans cette affaire et chercher à « se payer sur la bête » – en instaurant des cotisations sur les sommes dépassant un certain plafond. « Ça risque d’avoir un effet négatif sur les avantages offerts aux salariés, en particulier à ceux les plus fragiles, renchérit Serge Legagnoa (FO). C’est assez mesquin et tout se passe en catimini, alors que les comptes de la Sécurité sociale sont excédentaires. » La CGT a diffusé un communiqué, mardi, pour dénoncer une « attaque sans précédent » qui a pour objectif de « faire payer aux salariés le redressement du budget de l’État et de la Sécurité sociale ». Plusieurs syndicalistes rappellent que des dispositions similaires avaient été envisagées dans le passé, notamment sous le quinquennat de François Hollande, avant d’être abandonnées devant les critiques qu’elles suscitaient.

Sollicité par Le Monde, M. Christophe réfute l’idée selon laquelle il chercherait à dégager des recettes nouvelles au profit de la Sécu. « Le but est de ne léser personne », insiste-t-il. Le député du Nord considère que sa proposition, imparfaite à ce stade, peut encore être améliorée, à la faveur de la navette parlementaire. S’il s’avère que le nouveau régime risque de pénaliser au final certains salariés, il sera retiré du PLFSS, précise le député.