Le Venezuela s’apprête à retirer cinq zéros de sa monnaie
Le Venezuela s’apprête à retirer cinq zéros de sa monnaie
Le Monde.fr avec AFP
Avec une inflation projetée à 1 000 000 % pour cette année, l’économie du pays perd la tête. Mais le gouvernement rejette toujours la faute sur l’opposition et les Etats-Unis.
Le président Nicolas Maduro lors de l’annonce de la dévaluation du bolivar, un billet de banque à la main, le 25 juillet à Caracas. / HANDOUT / REUTERS
Explosion sociale ? Ou future libération forcée de l’économie ? Avec une inflation désormais projetée à 1 000 000 % d’ici à fin décembre par le Fonds monétaire international (FMI), tous les scénarios sont possibles au Venezuela où les conditions de vie se détériorent rapidement.
Pour faire face à cette hyperinflation, le président Nicolas Maduro a annoncé mercredi 25 juillet que le Venezuela allait bientôt supprimer cinq zéros de sa monnaie, le bolivar. « Le 20 août démarre (…) le plan de redressement économique avec la reconversion monétaire, cinq zéros en moins », a-t-il déclaré.
A l’heure actuelle, le salaire minimum d’un Vénézuélien (1,5 dollar au taux du marché noir, la référence de facto) lui permet à peine d’acheter un poulet d’un kilo. Les finances publiques, elles, sont exsangues. Le Venezuela tire 96 % de ses revenus du brut. Or sa production de pétrole s’est effondrée d’au moins la moitié en un an et demi faute de liquidités pour moderniser les champs pétroliers. Selon l’OPEP, la production de brut a chuté de 3,2 millions de barils par jour en 2008 à 1,5 million en juin.
Un tableau économique catastrophique
Le panorama économique lugubre du FMI, pour qui tous les voyants sont au rouge, avec une récession de 18 % attendue en 2018, n’étonne pas outre mesure ceux qui vivent ces problèmes au quotidien. On estime que 1,6 million de Vénézuéliens ont émigré depuis 2016 à cause de la débâcle économique qui a fait basculer 87 % de la population dans la pauvreté, selon une étude des principales universités du pays.
Le FMI anticipe une hausse des départs, affectant de plus en plus les pays voisins. La pénurie est généralisée au Venezuela, où les services publics, des soins à l’électricité, en passant par l’eau ou les transports, se sont fortement dégradés.
« La seule façon pour sortir de l’hyperinflation, c’est avec des réformes économiques profondes. C’est de cette manière qu’on y a mis un terme dans tous les autres cas », déclare Henkel Garcia, directeur du cabinet Econometrica, qui rappelle que ces phénomènes ne durent pas éternellement, en donnant l’exemple du Zimbabwe.
Le FMI pointe par ailleurs du doigt la mise en circulation d’un nombre toujours plus grand de billets, ce qui alimente l’hyperinflation. Pour Henkel Garcia, il faut aussi sauver l’industrie vénézuélienne qui fonctionne actuellement à 30 % de sa capacité, mettre un terme au contrôle des changes et des prix, qui donne à l’Etat le monopole des devises. Pour redresser la situation, Econometrica estime qu’il faudrait injecter entre 20 et 30 milliards de dollars par an durant deux ou trois ans.
Le gouvernement inflexible
Pourtant, « l’exécutif n’a aucun intérêt à modifier la politique économique », juge un autre cabinet, Ecoanalitica, dans un récent rapport. Face à une telle situation, le président socialiste Maduro, dont la réélection en mai jusqu’en 2025 n’est pas reconnue par une grande partie de la communauté internationale, devra jouer les équilibristes pour éviter de perdre le contrôle.
Travailleurs de la santé, du secteur électrique, retraités, professeurs : les conflits sociaux se multiplient ces dernières semaines pour demander des hausses de salaire et une amélioration des conditions de travail. Ces initiatives sont pour l’heure isolées et l’opposition, dont nombre des dirigeants sont à l’étranger ou en prison, apparaît dépourvue de chef. « Il est probable que seule l’aggravation de la crise entraîne les pressions nécessaires pour déséquilibrer » la coalition actuellement au pouvoir, voire « la remplacer », prévient Ecoanalitica, qui prévoit des changements structurels en 2019.
Récemment, des dirigeants du chavisme, le mouvement aux manettes, ont haussé le ton pour réclamer un virage économique. « Voilà dix-neuf ans que la révolution a eu lieu, nous sommes désormais responsables des bonnes et des mauvaises choses », a lâché Freddy Bernal, collaborateur influent du président.
La crise au Venezuela expliquée en quatre minutes
Durée : 04:35