Dans l’est de la RDC, lutter contre Ebola au milieu des groupes armés
Dans l’est de la RDC, lutter contre Ebola au milieu des groupes armés
L’épidémie apparue début août dans le Nord-Kivu a fait 42 morts. L’insécurité qui mine la région complique la riposte sanitaire.
Une aide-soignante prend la température d’un enfant avant le lancement de la campagne de vaccination contre le virus Ebola, le 8 août 2018, près du village de Mangina, dans la province du Nord-Kivu (RDC). / STRINGER / REUTERS
« Nous sommes entre le marteau et l’enclume » : déjà sous la menace d’une multitude de groupes armés, les habitants de Mangina se retrouvent maintenant en première ligne de la nouvelle épidémie de fièvre hémorragique Ebola qui frappe l’est de la République démocratique du Congo (RDC). C’est dans cette bourgade rurale du Nord-Kivu, à 30 km au sud-ouest de Beni, la capitale provinciale, que l’épidémie a été signalée le 1er août, après six morts au sein d’une même famille.
Des réservoirs d’eau chlorée ont été installés devant tous les commerces et les marchés. Au total, 32 des 42 décès liés à cette flambée d’Ebola ont été enregistrés dans cette zone de santé de Mangina-Mabalako.
« Je porte des gants pour me protéger de l’épidémie, affirme Jonas Mumbere, 26 ans, taxi-moto. Nos clients commencent à hésiter à monter sur la moto, par peur de contamination. » « Nos clients ne viennent plus depuis cette épidémie, craignant pour leur santé, se désole Elodie Zena, 28 ans, qui se présente comme une professionnelle du sexe. Les agents des relais communautaires nous disent que même la sueur d’une personne infectée peut nous contaminer. Je ne sais plus comment faire pour nourrir mes deux enfants. »
Une dizaine de groupes rebelles
Précautions sanitaires, disparition des contacts physiques, économie ralentie : le tableau habituel de toutes les épidémies d’Ebola. Depuis 1976, c’est la dixième sur le sol congolais, mais « c’est la première fois que la maladie touche une zone très peuplée et en situation de conflit intense », souligne l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
« L’insécurité est certainement l’aspect le plus inquiétant que nous devons gérer dans cette crise, explique la docteure Matshidiso Moeti, directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique. Nous devons avoir accès à tous les endroits où peuvent se trouver des malades et, inversement, les populations doivent pouvoir rejoindre les centres de santé sans difficultés. » Avec le ministère congolais de la santé, l’OMS étudie les moyens d’avertir les groupes rebelles des risques qu’ils encourent eux-mêmes en entravant le travail des équipes de santé.
Le Nord-Kivu (6 à 7 millions d’habitants) abrite une dizaine de groupes armés. La région de Beni est plus particulièrement hantée par les rebelles ougandais des Allied Defense Forces (ADF), responsables présumés du massacre de plusieurs centaines de civils depuis 2014. Relativement épargnée, Mangina a accueilli des déplacés fuyant les tueries et les enlèvements attribués aux ADF plus au nord, sur l’axe Beni-Oicha-Eringeti.
« Je suis venue de Kokola en fuyant les atrocités des ADF. Maintenant je suis ici chez ma grande sœur qui est morte d’Ebola. Je ne sais quoi faire, son mari est en isolement au centre de traitement », rapporte Pascaline Fitina, une femme de 36 ans, assise seule la tête entre les mains. « Je ne sais pas où aller car les ADF menacent du côté de Oicha-Eringeti, où il y a d’autres membres de ma famille. Nous sommes entre le marteau et l’enclume, les ADF d’un côté et Ebola de l’autre », soupire Pascal Lukula, 38 ans, cultivateur, père de cinq enfants.
Un décès dans la province de l’Ituri
Les autorités redoutent que les troubles compromettent le déploiement des équipes sanitaires et l’accès aux populations. « La police et l’armée sécurisent les prestataires sanitaires, la nuit comme le jour pendant cette période de riposte [sanitaire], pour éviter les enlèvements, les tueries, etc. », commente un représentant du gouverneur du Nord-Kivu, Ephrem Kasereka.
L’insécurité nourrit également les inquiétudes des partenaires étrangers de la RDC. « Les gens se déplacent en permanence, au gré des vagues de violences successives qui les obligent à fuir. Cela complique énormément la recherche et le suivi des personnes infectées », constate une porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Hanna Leskinen.
Selon cette même source, pour la première fois depuis l’annonce de l’épidémie, un décès a été enregistré en dehors du Nord-Kivu, dans la province voisine de l’Ituri, mardi 14 août. La fin de la précédente épidémie de fièvre hémorragique Ebola, dans la province de l’Equateur (nord-ouest), avait été décrétée fin juillet. Elle avait fait 33 morts.