Migrants : en Italie, des fonds européens pour contrer la politique européenne
Migrants : en Italie, des fonds européens pour contrer la politique européenne
Par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen)
Les autorités transalpines auraient utilisé 200 000 euros de subsides pour escorter l’« Aquarius ». Une opération purement politique que l’UE avait largement critiquée.
A bord de l’« Aquarius », près de La Valette, le 15 août. / GUGLIELMO MANGIAPANE / REUTERS
Les autorités italiennes ont utilisé 200 000 euros de fonds européens pour escorter vers Valence, en Espagne, l’Aquarius, ce bateau qui transportait 630 migrants, dont 127 mineurs, et auquel le ministre de l’intérieur, Matteo Salvini, refusait le droit d’accoster dans un port italien. De l’argent européen aurait ainsi servi à financer, à hauteur de 90 %, une opération à portée purement politique, largement critiquée par l’Union européenne.
Révélée mercredi 22 août par le site EUobserver, l’information n’est ni confirmée, ni démentie par la Commission européenne. « Les vérifications sur l’utilisation de l’argent auront lieu selon une procédure normale et stricte », indique-t-elle, se disant incapable, à ce stade, d’en savoir plus. Elle dit seulement être en contact avec les autorités de Rome.
Après le refus du gouvernement italien, une partie des passagers de l’Aquarius avait été cependant transférée sur deux navires de la marine italienne et des gardes-côtes, l’Orione et le Dattilo, chargé d’accompagner l’embarcation de SOS Méditerranée durant les 1 400 km de traversée vers Valence. Le site EUobserver affirme, après recoupements et estimations établis par un ancien responsable des gardes-côtes italiens, que l’opération aurait coûté près de 300 000 euros aux gardes-côtes et un montant sans doute équivalent à la marine italienne. Celle-ci refuse cependant toute confirmation et tout commentaire.
Le gouvernement transalpin, dirigé par Giuseppe Conte, avait opposé, le 10 juin, un refus à l’ONG SOS Méditerranée, qui demandait à pouvoir accoster dans un port du sud de l’Italie après avoir recueilli des migrants au large de la Libye. Les nouveaux dirigeants italiens entendaient, en fait, témoigner de leur fermeté à l’égard de leurs partenaires de l’Union européenne, accusés d’avoir laissé leur pays gérer seul l’essentiel de la crise migratoire au cours des dernières années.
Casser le « business model » des passeurs
« À partir d’aujourd’hui, l’Italie dit non au business de l’immigration illégale », avait lancé M. Salvini pour manifester sa détermination. Plus tard, il a évoqué la possibilité de renvoyer des migrants en Libye afin, selon lui, de casser définitivement le « business model » des passeurs. Le 13 août encore, les autorités italiennes ont refusé le débarquement de 141 autres migrants recueillis par l’Aquarius. Et cette semaine, Bruxelles tente toujours, avec des Etats membres, de trouver une solution pour les 190 passagers du Diciotti, bloqués par un autre refus italien.
En juin, M. Salvini avait appelé Malte à l’aide mais ce pays répliquait qu’il appartenait à Rome, chargé de coordonner les opérations de sauvetage, d’accueillir le bateau. Après des négociations, c’est finalement l’Espagne qui s’était résolue à autoriser l’accostage, ce que le dirigeant de la Ligue avait interprété comme une grande victoire politique pour lui et son gouvernement.
En 2017, Bruxelles a accordé 14,8 millions d’euros aux gardes-côtes italiens, un montant qui ne pouvait, en principe, être affecté qu’à des missions humanitaires. La Commission doit, comme pour d’autres dépenses, vérifier si l’Italie reste bien éligible pour ce montant, et s’il a été correctement affecté. Le cas échéant, elle peut bloquer d’autres paiements, voire exiger des remboursements.