LES CHOIX DE LA MATINALE

Une nouvelle saison de Better Call Saul, avec Bob Odenkirk au sommet de son art, le pari gagné de Vestiaires et ses nageurs handicapés, et des animaux aux travers humains, trop humains, survivant dans une New York post-apocalyptique sont au programme de notre sélection hebdomadaire.

« Better Call Saul » : la saison 4 de cette tragi-comédie se fait plus sombre

BETTER CALL SAUL Season 1 | Extended TRAILER | AMC Series | HD
Durée : 02:01

Voilà une aventure sérielle des plus passionnantes. Lorsque Vince Gilligan crée Breaking Bad (2008-2013), il sait seulement que son personnage principal, Walter White, n’aura rien d’aimable puisque, professeur de chimie, il se convertira en fabricant de méthamphétamine sous le nom d’Heisenberg. Breaking Bad ne s’en avère pas moins une fabuleuse réussite, souvent qualifiée de chef-d’œuvre, ce qui amène son créateur à se dire que, jamais plus, il ne parviendra à une telle grâce. Aussi, plutôt que risquer de se retrouver paralysé par cette perspective, il se jette immédiatement dans un nouveau projet.

Avec son cocréateur Peter Gould – scénariste et réalisateur sur Breaking Bad , sans schéma précis de son évolution ni de sa fin, il décide de s’attacher à l’un des personnages secondaires de Breaking Bad, Saul Goodman, l’hilarant avocat véreux qui blanchit l’argent d’Heisenberg. Pour créer ce qu’il pense être, au départ, une série comique. Pourtant, au fil de mois de réflexion se dessine un arc narratif d’une tout autre tonalité, sombre et émouvant, sur le passé de cet avocat de la pègre avant qu’il ne rencontre Walter White/Heisenberg. Ce que l’on a commencé à découvrir avec Better Call Saul, en 2015.

Saul Goodman, de Breaking Bad, y apparaît alors sous son nom d’origine, Jimmy McGill, alors qu’il n’était que garçon d’étage, distribuant le courrier dans la grande firme juridique où officiait son éminent frère aîné, Chuck. Un Jimmy McGill gaffeur, débrouillard, mais qui, loin du cynisme qui le caractérisera dans Breaking Bad, veut le plus souvent faire le bien autour de lui. Il est interprété par le formidable Bob Odenkirk, qui faisait déjà sensation dans Breaking Bad et qui parvient ici à du grand art tragicomique.

L’on peut fort bien suivre Better Call Saul sans avoir vu Breaking Bad. Car celle qui devait être une simple série dérivée (spin off) s’est tout simplement hissée au niveau des toutes meilleures séries. Excellemment réalisée, elle se montre certes moins spectaculaire que Breaking Bad, mais plus sensible, délicate et ambiguë. Au point que l’on ne ressent nulle urgence à voir Jimmy McGill devenir le Saul Goodman de Breaking Bad. Ce n’est en tout cas pas pour cette quatrième saison – qui vient de débuter sur Netflix, autour de l’ombre portée du deuil –, ses créateurs s’étant déjà attelés à la suivante. Martine Delahaye

« Better Call Saul », saison 4, série créée par Vince Gilligan et Peter Gould. Avec Bob Odenkirk, Rhea Seehorn (Etats-Unis, 2018, 10 x 45 min). Sur Netflix, un nouvel épisode chaque mardi.

« Vestiaires » : quand rire et handicap vont de pair

Vestiaires (extrait)
Durée : 02:28

Rire de tout, se gausser des misères de la vie, voir son handicap comme un grain de beauté, voilà à quoi s’attachent les comédiens handicapés de « Vestiaires », le programme court que France 2 diffuse depuis 2011 et qui vient de reprendre pour une huitième saison.

Formidable gageure que de faire oublier la gêne que l’on peut ressentir à découvrir les corps presque nus, déformés ou amputés, de nageurs si particuliers : ils blaguent entre eux dans les vestiaires d’une piscine. Or le pari est gagné, leur humour, leurs saillies vachardes ou leurs réflexions peu politiquement correctes, voire bêtes et méchantes, amenant à voir en Orson Bichon, dit Abraracourcix (Alexandre Philip), ou en Rachid Benbbouzik (Adda Abdelli) des potes avant tout.

Ils sont une dizaine, ainsi, à se retrouver et à se vanner au bord d’un bassin pour du handisport. Avec, parfois, la visite d’un invité non handicapé – tel le comédien Pascal Légitimus –, ou les sportifs de haut niveau que sont Philippe Croizon et Théo Curin, ce champion de natation de 18 ans, quadri-amputé, qui participa aux Jeux paralympiques de Rio en 2016. Les rejoint par ailleurs cette année une jeune trisomique, à qui France 2 avait confié la présentation de la météo, en mars 2017. Tous dans des rôles légers et cocasses, marque de fabrique de « Vestiaires ». M. De.

« Vestiaires », saison 8, série créée par Adda Abdelli et Fabrice Chanut. Avec Adda Abdelli, Alexandre Philip, Anaïs Fabre, Luc Rodriguez (France, 2018, 19 x2 min). Sur France 2, le samedi à 20.50.

« Animals » : des bêtes humaines, trop humaines

ANIMALS Season 1 TRAILER (2016) HBO Animated Series
Durée : 01:36

Voici Animals, série d’animation créée par Phil Matarese et Mike Luciano, coproduite par les frères Mark et Jay Duplass, parvenue à sa troisième saison. Les héros en sont les animaux résidant dans une New York post-atomique : rats, pigeons, cafards, puces, vers de terre, chevaux, chats, chiens et oies croisent quelques humains rescapés dont ils ont hérité les traits, les usages et les névroses (à tel point qu’on croirait parfois leurs dialogues venus d’un film de Woody Allen). Ils parlent au rythme d’un tir de mitraillette, ont des peines de cœur et des envies lubriques, s’oublient dans l’alcool et la drogue, etc.

Au cours de la troisième saison, on rencontre des chiens réunis en groupe de parole pour apprendre à se passer de leurs maîtres et des chevaux de race qui ont l’accent anglais… Nouveauté : les épisodes sont mis en abyme par un court prologue, qui montre deux « geeks » devant des écrans, reclus dans une cellule gouvernementale sise dans le New Jersey, Etat voisin épargné par l’explosion new-yorkaise : ces deux « surveillants » sont en fait Matarese et Luciano, les créateurs de ces images à l’atmosphère underground, surréaliste et singulière. L’intrusion de véritables humains n’est pas nouvelle dans Animals (l’épisode 5 de la saison 2 leur était consacré et joué par des acteurs en chair et en os, dont RuPaul !), mais l’on se demande si elle ne risque pas de faire perdre une partie de son charme décalé à AnimalsRenaud Machart

« Animals », saison 3, de Phil Matarese et Mike Luciano (Etats-Unis, 2016, 10 × 26 min), sur OCS City, le samedi à 22 h 20, et, à la demande, sur OCS Go.