Le premier atelier participatif sur la réforme des retraites, organisé à Montreuil, jeudi 5 septembre, près de Paris, avec Jean-Paul Delevoye. / Aurelie Blondel

« Je suis jeune mais je me pose des questions sur ma retraite. Est-ce que j’en aurai une ? Est-ce que ce sera quelque chose de bien ? », Il est un peu plus de 9 heures jeudi 5 septembre, Coralie, 28 ans, explique aux six personnes assises autour d’elle ce qui l’a motivée à s’inscrire au premier atelier participatif sur la réforme des retraites, organisé à Montreuil, près de Paris. Face à elle, Maurice, 56 ans, ex-indépendant désormais salarié d’un grand groupe, raconte avoir posé un jour de congé et fait une heure et demie de route pour être présent. « J’avais envie d’éclaircir ma vision de la réforme et de venir parler de choses qui me tiennent à cœur dans le système, comme la réversion. »

Lorient, Arras, Strasbourg, etc. : cet atelier francilien sera suivi de sept autres d’ici à fin octobre, dans différentes régions. L’objectif du haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye : faire débattre les participants pour qu’émergent des propositions citoyennes.

La journée débute par une présentation du système actuel et, forcément, des raisons qui poussent le gouvernement à vouloir le remplacer. Jean-Paul Delevoye évoquera aussi les grandes lignes de la réforme envisagée, son calendrier, sa méthode. Tout au long de la matinée, la centaine de participants est invités à réagir sur ces éléments en petits groupes. A dire ce que leur inspire la retraite, ce qu’il faudrait conserver ou supprimer du système en vigueur. Puis à poser leurs questions au haut-commissaire.

« Supprimer la gestion paritaire »

Au fond de la salle, à la table numéro trois, celle de Coralie et Maurice, on entre vite dans le vif du sujet. « Il ne faudrait garder qu’un régime de retraite pour mettre fin à la complexité et aux injustices », lance Maurice. « Et supprimer la gestion paritaire », ajoute Sophie, 50 ans, consultante en ressources humaines.

« Il faut penser à donner des droits à la retraite à ceux qui s’engagent, les bénévoles », note son voisin Bertrand, retraité depuis deux mois. Les discussions sont posées et argumentées, le débat constructif. « Et si on liait les pensions non pas aux cotisations mais au niveau de qualification de la personne ? », propose de son côté Martin, un comédien de 30 ans.

« Concernant le montant de la retraite, je pense qu’on doit accepter une part d’imprévisibilité, c’est une information qu’on ne peut pas avoir car il dépendra forcément du contexte économique au moment du départ », estime encore le jeune homme. Pour Coralie, qui travaille dans un cabinet d’expert-comptable, il serait pertinent d’étendre la réversion aux pacsés. La jeune femme s’inquiète, par ailleurs, pour les droits à la retraite des jeunes qui sont entrés tardivement sur le marché du travail en raison de longues études.

Flou

« Mettre sur pied un système universel, c’est très bien sur le papier, mais c’est encore flou, et surtout, quand certains descendront dans la rue pour défendre leurs droits actuels, aboutira-t-on vraiment au final à un système universel ? », s’interroge-t-elle encore. « Si un euro cotisé donne les mêmes droits, que se passera-t-il pour les aléas de la vie, comme le chômage ? », interpelle, quant à lui, Martin.

Cette question du poids de la solidarité dans le nouveau système est celle qui revient le plus dans la bouche des participants. Il y aura dans le nouveau système comme deux étages, l’un pour refléter la carrière, l’autre pour la solidarité, répond, face à ces inquiétudes, l’équipe de M. Delevoye.

Au fil de la journée, les débats s’affinent. Les participants abordent une thématique commune qui leur avait été communiquée à l’avance : les droits à la retraite dans le cadre des nouvelles formes de travail. Mais aussi un autre sujet, lui tiré au sort  – notre table numéro trois planchera ainsi sur la retraite des personnes handicapées et des aidants familiaux. Ce thème inspire peu nos participants, qui s’accordent à dire que bien que fondamental, il est très complexe et qu’il est dommage qu’ils n’aient pu se renseigner avant de venir afin de pouvoir formuler des propositions plus pertinentes à ce sujet.

Huit heures de remue-méninges collectif

Jim, le facilitateur de la table, ne perd pas une miette des échanges. Tout au long de ces quasi huit heures de remue-méninges collectif, il a tout résumé par écrit, pour que les débats de la journée puissent être synthétisés et les propositions publiées sur la plateforme de consultation citoyenne sur la réforme, mise en ligne fin mai.

« Tous ces débats sont intéressants », conclut Martin, « mais la limite de ce type d’ateliers, c’est qu’ils sont juste consultatifs, comment se traduiront nos propositions lors de l’élaboration de la loi ? »

« J’ai pris l’engagement que lorsque je ferai mes préconisations au gouvernement, les contributions citoyennes seront précisément citées (…) il nous faut faire confiance à l’intelligence citoyenne », martèle de son côté M. Delevoye. Sur le thème abordé en fin de journée par exemple, celui des droits à la retraite dans le cadre des nouvelles formes de travail, « j’ai noté les trois principales idées des participants : que les cotisations soient modulables, qu’il y ait un niveau de cotisation minimal, et que davantage de sensibilisation et d’éducation soient réalisées », détaille-t-il.

Ce qu’il a retenu de ce premier atelier ? « Je ne m’attendais pas à une telle maîtrise de la question de la part des participants, je suis impressionné par leur investissement. Mais aussi par leur impertinence : ils sont francs, n’ont pas peur de s’exprimer, c’est très bien. »

Les ateliers suivants auront lieu le 18 septembre à Lorient, le 20 à Arras, le 2 octobre à Strasbourg, le 5 à Toulon, le 17 à Angoulême, le 19 à Dijon, le 23 à Toulouse. Vous pouvez vous inscrire sur ce site, jusqu’à une semaine avant chaque date. La consultation citoyenne en ligne est, elle, accessible jusqu’au 25 octobre ; chacun est invité à s’exprimer sur une dizaine de thématiques liées à la réforme.