« Thunder Road » : entre rires et larmes, un cocktail du tonnerre
« Thunder Road » : entre rires et larmes, un cocktail du tonnerre
Par Murielle Joudet
Jim Cummings est réalisateur, acteur, monteur, compositeur et producteur exécutif pour son premier long-métrage.
Au générique de Thunder Road, Jim Cummings est crédité comme réalisateur, acteur, monteur, compositeur et producteur exécutif. Une omniprésence qui peut faire sourire et rappelle à bien des égards la mégalomanie fêlée d’un Vincent Gallo, figure chérie du cinéma indépendant américain. Chez Cummings, le désir de maîtriser chaque étape fait signe vers un désir impérieux, une urgence à faire, qui rend son film si singulier, si furieux, à l’image même de son héros.
Avant d’être un long-métrage, Thunder Road était un court, qui correspond à la première séquence du film et que le réalisateur a décidé de rallonger. Scène mémorable, imprévisible, où, le jour de l’enterrement de sa mère, Jimmy Arnaud, policier texan, prend place devant l’assemblée pour faire un discours. Les souvenirs se mêlent anarchiquement aux regrets. Le fils endeuillé raconte la fois où sa mère enregistrait tous ses cours de fac sur des cassettes, car il était dyslexique. Il raconte la passion de la défunte pour Bruce Springsteen, et plus particulièrement pour la chanson qui donne au titre son film. Il souhaite lancer la musique, mais le lecteur CD emprunté à sa fille ne veut pas marcher. Alors il décide de la chanter, mais n’y arrivant pas, il décrit les paroles.
Performance déréglée
En quelques minutes, qui doivent en durer dix, le programme est à peu près fixé : Jim Cummings aimantera tout du long la caméra, prenant tout l’espace pour une sorte de performance façon Actors Studio totalement déréglée. La scène ne s’étire pas dans le sens d’un morceau de bravoure, mais vers le désarroi, l’impuissance – elle se dégonfle. A la suite de l’enterrement, Jimmy essuiera une série de catastrophes personnelles et presque aucune éclaircie ne viendra l’apaiser. Chaque nouveau séisme provoque son monologue, sa crise de nerfs, sa scène.
« Thunder Road », film américain de et avec Jim Cummings. / PANAME DISTRIBUTION / VANISHING ANGLE
Cummings semble envisager son film comme une série de tableaux où il exploite un seul sentiment jusqu’à épuisement : le deuil d’un fils, la haine cordiale entre deux ex-conjoints, le sentiment de voir sa fille grandir trop vite, ou encore l’amitié masculine. Une palette d’affects simples, quotidiens, souvent déceptifs, qu’il s’agit de peindre comme le ferait l’humoriste Louis C.K., et auxquels Cummings insuffle sa touche : une énergie du désespoir, une fêlure enfantine.
Il a parfois l’air d’un enfant déguisé en flic, d’un gosse devant gérer les malheurs d’une vie d’adulte. Le cinéaste raconte que, pour tourner la scène d’ouverture et se mettre en condition, il regardait la fameuse photo de William et Harry devant le cercueil de leur mère, Lady Diana, et cite les films Pixar comme le parfait cocktail de rires et de larmes qu’il voulait pour son propre film. Dans le même ordre d’idées, c’est dans le souvenir des paroles de la chanson de Springsteen que son héros trouvera le moyen d’une échappée – Thunder Road suit un mouvement circulaire aussi imprévisible que déchirant.
Cette innocence désarmante, cette émotion brute sur laquelle chaque scène est directement branchée font oublier ce qui pourrait, dans le film, s’apparenter à une folie calculée ou à une forme de pose. Tout semble sincère, donc parfois maladroit et légèrement bancal. Thunder Road appartient à cette catégorie de films qui valent comme geste, qu’on ne peut aimer que totalement et avec l’enthousiasme que provoque une rencontre qu’on sait faite pour durer.
THUNDER ROAD de Jim Cummings - bande-annonce officielle VOSTF
Durée : 01:45
Film américain de Jim Cummings. Avec Jim Cummings, Kendal Farr, Nican Robinson (1 h 31). Sur le Web : www.facebook.com/Thunderroad2018 et www.paname-distribution.com
Les sorties cinéma de la semaine (mercredi 12 septembre)
- Mademoiselle de Joncquières, film français d’Emmanuel Mouret (à ne pas manquer)
- Le Temps des forêts, documentaire français de François-Xavier Drouet (à ne pas manquer)
- Thunder Road, film américain de Jim Cummings (à ne pas manquer)
- Dovlatov, film russe d’Alexeï Guerman Jr (à voir)
- Okko et les fantômes, film d’animation japonais de Kitaro Kosaka (à voir)
- Première année, film français de Thomas Lilti (à voir)
- Le pape François, un homme de parole, documentaire allemand, français, italien et suisse de Wim Wenders (on peut éviter)
A l’affiche également :
- Le Grand Perdu, film français d’Avénarius d’Ardronville
- J’ai perdu Albert, film belge et français de Didier van Cauwelaert
- Le Quatuor à cornes, programme belge et français de trois courts-métrages d’animation
- Les Déguns, film français de Cyrille Droux et Claude Zidi Jr
- Ma Fille, film français de Naidra Ayadi
- Peppermint, film américain de Pierre Morel
- Searching. Portée disparue, film américain d’Aneesh Chaganty