Anthony Joseph et l’école des brigands
Anthony Joseph et l’école des brigands
Par Yannick Le Maintec
Dans Bandit School, le poète trinidadien Anthony Joseph dénonce les truands qui, selon lui, évoluent dans toutes les sphères de la société. Une exclusivité « Le jazz et la salsa ».
Le poète trinidadien Anthony Joseph. / MIRABEL WHITE
Anthony Joseph vient de signer People of The Sun, son nouvel album qui sort le 21 septembre sur le label Heavenly Sweetness. Il y a quelques mois, le pianiste Florian Pellissier nous avait raconté les conditions de l’enregistrement.
« A Port-d’Espagne, il n’y avait pas de studio digne de ce nom. Le concept, c’était faire venir Jordan Kouby de Question de Son afin de créer un studio mobile. On est allé à Sans-Souci. On s’est installé dans une maison un peu classe qui donnait sur une plage privée de 1km de long. Jordan a monté le studio en une journée avec du matériel de location en raccordant chacun des musiciens dans sa chambre. On a tracké toute la journée pendant une semaine. C’était une expérience incroyable. »
Le résultat ? Onze pièces ciselées. Dans un environnement musical riche et inédit, Anthony Joseph met sa verve et son lyrisme au service de propos toujours plus engagés.
Après Carribean Roots réalisé en collaboration avec le percussionniste guadeloupéen Roger Raspail, Anthony Joseph est de retour chez lui à Trinidad dans une œuvre plus personnelle. Au programme : steelpan, soca et rapso, mélange de rap et de soca.
Le londonien s’est assuré de la complicité du saxophoniste et producteurJason Yarde. Il s’est entouré de nombreux artistes locaux parmi lesquels Len “Boogsie” Sharpe, 3 Canal, Brother Resistance, une de ses sources d’inspiration mais aussi Ella Andall qui chante en ouverture la déesse yoruba Yemanja.
Chez le poète, spécialisé dans le spoken word, enseignant à l’Université de Londres, qui vient de publier son deuxième roman (Kitch: A Fictional Biography of a Calypso Icon), l’engagement n’est jamais très loin, comme l’atteste Bandit School, le nouvel extrait de son album.
Pour cela, il puise dans la tradition.
Dans la vidéo de Bandit School, Anthony Joseph campe un High Class Robber, un voleur à col blanc, suppôt du Midnight Robber, le voleur de minuit, un personnage important du carnaval de Trinidad, interprété par Damien Whiskey. « C’est un orateur surréaliste et macabre qui, dans les carnavals d’autrefois, récitait de longs versets complexes qui célébraient les peurs et les prouesses. » Aux côtés d’Anthony Joseph, les chanteurs de rapso 3 Canal.
L’artiste précise le fond de sa pensée : « Bandit School, l’école des brigands. Les rues défoncées, les quartiers pauvres, les ghettos, des écoles pour truands, le terreau ordinaire de la criminalité. Mais les bandits sont n’importe où, à Whitehall ou à la Maison Blanche, ou encore cette université de brigands qu’on appelle les Chambres du Parlement... »
Et de conclure... « Un nouveau bijou de Jason Yarde, avec une touche de grime*, une pincée de Zappa et du funk qui vire au punk. »
Anthony Joseph : People of the Sun (2018, Heavenly Sweetness)
Anthony Josph en concert le 4 octobre au Café de la Danse (Paris)
* UK grime : genre musical né au Royaume Uni qui mélange UK garage, drum and bass, hip-hop et dancehal (source : wikipedia)