Aux Etats-Unis, Facebook accusé de favoriser les discriminations sexuelles à l’embauche
Aux Etats-Unis, Facebook accusé de favoriser les discriminations sexuelles à l’embauche
Par Michaël Szadkowski
Une plainte a été déposée devant la commission pour l’égalité des chances dans l’emploi. Elle vise la plate-forme publicitaire de Facebook, qui permet d’afficher des offres d’emploi ciblées en fonction du genre des utilisateurs du réseau social.
Facebook et une dizaine d’entreprises américaines utilisant le réseau social pour diffuser des offres d’emploi ont été cités dans une plainte déposée mardi 19 septembre devant la commission américaine pour l’égalité des chances dans l’emploi (Equal Employment Opportunity Commission). Les charges émanent de l’American Civil Liberties Union (ACLU), puissante association de défense des droits et des libertés des Américains, et de trois femmes qui reprochent à Facebook de favoriser les discriminations sexuelles à l’embauche avec le mécanisme de ciblage publicitaire de Facebook.
Sur Facebook, les entreprises qui souhaitent diffuser des petites annonces pour un emploi peuvent en effet le faire avec des messages ciblés, pour lesquels elles payent. En achetant à Facebook la possibilité de diffuser ces offres d’emploi dans des espaces publicitaires, elles doivent également définir à qui ces publicités doivent être montrées, en fonction de critères plus ou moins précis qu’elles déterminent elles-mêmes. Chaque annonceur a la possibilité que son offre ne s’affiche donc qu’à des hommes ou qu’à des femmes ou qu’à des individus d’un certain âge.
« Ecartée d’emblée »
Le site d’investigation ProPublica donne comme exemple le cas d’Uber, qui a diffusé de nombreuses publicités sur Facebook aux Etats-Unis incitant à devenir chauffeur. Sur les 91 publicités Facebook recensées par ProPublica en un an, une seule était visible aux utilisateurs de Facebook ayant indiqué qu’ils étaient des femmes.
Uber ne fait toutefois pas partie de la plainte déposée par l’ACLU le 19 septembre, qui concerne uniquement une dizaine d’entreprises et d’institutions locales américaines. « Je ne devrais pas être écartée d’emblée d’une proposition d’emploi simplement parce que je suis une femme », estime une des trois plaignantes, actuellement au chômage, citée par USA Today. Une autre précise : « Je sais que je suis capable de faire beaucoup de choses. Je ne veux pas que mes enfants grandissent en pensant qu’un emploi ne leur est pas accessible parce qu’elles sont des femmes. »
Les offres d’emploi évoquées dans le dossier concernent, selon le quotidien américain, des secteurs d’activité où les hommes sont déjà fréquemment en surnombre, tels que le secteur du bâtiment, de l’informatique et des chauffeurs routiers. USA Today donne comme autre exemple l’entreprise Defenders, dont le siège est à Indianapolis, spécialisée dans la vente d’équipements de sécurité pour particuliers. Elle a diffusé une offre d’emploi ciblée sur Facebook annonçant : « Defenders cherche à recruter des hommes âgés entre 20 et 40 ans ».
En France, de telles offres d’emploi ciblées seraient également considérées comme discriminatoires, en vertu de l’article L1132-1 du Code du travail, qui dit qu’« aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement (...) en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse ».
Facebook se défend de toute discrimination
Facebook est directement visé par la procédure, car le réseau social « crée des mécanismes par lesquels les employeurs peuvent choisir de n’adresser leurs offres qu’à certains genres ou certains âges, de manière illégale », a précisé à USA Today un avocat de l’ACLU. L’association fonde son argumentation sur une décision de la Cour suprême datant de 1973, ayant confirmé qu’il est illégal et discriminatoire de diffuser dans les journaux américains des publicités pour un emploi ciblant uniquement les hommes ou les femmes.
En réponse à la procédure engagée le 19 septembre aux Etats-Unis, un porte-parole de Facebook a déclaré qu’il n’y avait « pas de place sur Facebook pour la discrimination ; elle est strictement interdite dans nos conditions d’utilisation. Nous attendons de pouvoir défendre nos services, une fois que nous aurons eu la possibilité d’examiner les charges contre nous ».
Dans un billet de blog datant de décembre 2017, les équipes du réseau social, qui avaient déjà été épinglées pour des raisons similaires dans le passé, pour des questions de discriminations liées à l’âge, se défendaient en expliquant que « le ciblage en fonction de l’âge, utilisé de manière responsable dans le cadre des offres d’emploi, est une pratique courante pour les entreprises, et pour de bonnes raisons : cela aide les employeurs à recruter. (...) Le simple fait de montrer des publicités pour un emploi à différents groupes d’âges dans des services comme Facebook et Google peut ne pas être discriminant en tant que tel — tout comme il peut être OK de diffuser des offres d’emploi dans des magazines ou des émissions télévisées dont les cibles sont des jeunes ou des personnes âgées ».
Cette défense du ciblage publicitaire, qui s’appuie sur les informations de profils Facebook remplies par les utilisateurs eux-mêmes, n’est pas surprenante de la part de Facebook, tant il s’agit de sa principale source de revenus : la publicité lui a rapporté 11,7 milliards de dollars au premier trimestre 2018.
Le nombre de critères de ciblages publicitaires sur Facebook a cependant été fortement revu à la baisse cet été, avec la suppression d’environ 5 000 options de ciblage en fonction de la religion ou de l’origine ethnique, à la suite de polémiques liées à la discrimination potentielle permise par la plate-forme pour la recherche d’un logement ou d’un emploi. Le ministère du logement américain avait alors menacé de prendre des sanctions contre Facebook.