Alexandre Benalla, le selfie et le pistolet brandi
Alexandre Benalla, le selfie et le pistolet brandi
Par Nicolas Chapuis
Une photo d’avril 2017 montrant l’ex-chargé de mission de l’Elysée exhibant un pistolet a été rendue publique par « Mediapart », démentant certains propos tenus devant la commission d’enquête.
Au fur et à mesure des révélations sur l’affaire Benalla, la question du rapport aux armes de l’ex-chargé de mission de l’Elysée prend une dimension centrale. C’est désormais une photo publiée par Mediapart, lundi 14 septembre, qui fait polémique. On y voit Alexandre Benalla exhibant un pistolet sur un selfie, réalisé par la serveuse d’un restaurant. Deux autres hommes, membres du service d’ordre de la campagne, apparaissent également sur l’image.
Le cliché date du 28 avril 2017, soit pendant l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle. Il a été pris dans un restaurant à Poitiers, ce qu’a confirmé à l’AFP Guillaume Duru, qui était alors directeur de l’établissement.
La publication de cette image interroge à double titre. En premier lieu, Alexandre Benalla ne disposait pas à ce moment-là de permis de port d’armes, en bonne et due forme. S’il avait fait une première demande pendant la campagne, celle-ci n’avait pas abouti. Les auditions de la commission d’enquête du Sénat, ainsi que le dossier judiciaire que Le Monde a pu consulter, confirment que le chargé de mission de l’Elysée n’a obtenu son permis que le 13 octobre 2017, soit six mois plus tard.
D’autre part, Alexandre Benalla avait déclaré lors de son entretien au Monde du 26 juillet qu’il n’était « jamais » sorti du siège d’En marche ! avec son arme pendant la campagne. « On n’est pas mabouls, il y a un risque pour la réputation du candidat », avait-il ajouté.
Réquisitoire introductif assez restrictif
La justice, et plus particulièrement le parquet de Poitiers, compétent en la matière, ne s’est pour le moment pas saisie des révélations de Mediapart. Quant à l’enquête en cours à Paris, elle est ouverte sur les faits du 1er-Mai (les violences place de la Contrescarpe à Paris) et ceux du 18 au 20 juillet (la transmission de la vidéosurveillance par des policiers). Le réquisitoire introductif du parquet de Paris étant assez restrictif, les juges d’instruction ne peuvent pas en l’état enquêter sur ce cliché.
En revanche, la commission d’enquête du Sénat a fait de la question des armes de M. Benalla l’un des points centraux de ses auditions. Les parlementaires tentent de déterminer si le permis de port d’armes de M. Benalla, décerné pour des « missions de police », prouve que le chargé de mission exerçait une mission de sécurité officieuse auprès du chef de l’Etat, ce que nie le principal intéressé.
Les témoignages des différentes personnes entendues ont déjà mis en lumière plusieurs contradictions sur ce dossier. Le général Eric Bio-Farina, qui dirige le commandement militaire de l’Elysée, a ainsi affirmé qu’il n’avait « jamais vu Alexandre Benalla avec une arme en dehors » du Palais. Ce dernier a pourtant déclaré devant la même commission qu’il lui arrivait de porter son Glock pendant les déplacements publics et privés du chef de l’Etat.
« Lâchez-le ! »
Les armes de M. Benalla avaient également été au cœur des perquisitions menées par la police après son placement en garde à vue en juillet. Les enquêteurs avaient en effet trouvé son coffre-fort « nettoyé ». Le contenu avait été vidé avant leur passage. Alexandre Benalla avait justifié cet acte par la nécessité de mettre ses armes à l’abri, alors que son logement était inoccupé. Mais il s’était montré évanescent sur l’identité de la personne qui s’était acquittée de cette tâche.
Interrogé lundi soir par l’AFP, l’avocat de M. Benalla, Me Laurent-Franck Lienard, a minimisé les révélations de Mediapart. « Je m’étonne, alors qu’il y a des choses sérieuses à traiter dans ce dossier, qu’on continue à chercher des éléments tous azimuts pour nuire à la réputation de Monsieur Benalla. Lâchez-le ! », a-t-il déclaré, souhaitant se concentrer sur l’audition de son client prévue vendredi chez les juges d’instruction parisiens.
En attendant, M. Benalla n’a plus la possibilité de se déplacer armé. Son permis lui a été retiré le 22 juillet 2018, après son licenciement et sa mise en examen.