Le mystère de l’identité du modèle de « L’Origine du monde » dévoilé
Le mystère de l’identité du modèle de « L’Origine du monde » dévoilé
Selon le chercheur Claude Schopp, c’est Constance Quéniaux qui servit de modèle au célèbre nu de Gustave Courbet.
« L’Origine du monde », de Gustave Courbet. / SEBASTIEN BOZON / AFP
L’identité du modèle de L’Origine du monde, le célèbre nu de Gustave Courbet exposé au musée d’Orsay depuis 1995, vient d’être découverte… par hasard. La jeune femme s’appelait Constance Quéniaux, révèle Claude Schopp dans un livre à paraître le 4 octobre chez Phébus : L’Origine du monde, vie du modèle.
C’est en travaillant sur la correspondance d’Alexandre Dumas fils et de George Sand que le grand spécialiste français de Dumas père et fils, Goncourt de la biographie en 2017, a résolu une énigme vieille de 152 ans. Chargé de l’annotation des lettres échangées entre George Sand et Dumas fils, « de traquer les moindres allusions que contient un texte afin de l’éclaircir », Claude Schopp est surpris par une coquille dans la transcription d’une lettre de Dumas à Sand, datant de juin 1871.
L’écrivain, hostile à la Commune, déblatère sur Courbet. « On ne peint pas de son pinceau le plus délicat et le plus sonore l’interview de Mlle Queniault (sic) de l’Opéra », écrit Dumas.
« Une illumination »
« Interview? ça ne voulait rien dire », explique le chercheur à l’Agence France-Presse (AFP). Il décide de confronter cette transcription au manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale de France (BNF). Ce n’est pas « interview » qu’il fallait lire mais « intérieur ».
« Ce fut comme une illumination », se souvient le chercheur. « D’habitude je trouve en travaillant beaucoup, là j’ai trouvé sans chercher. C’était injuste. »
Le chercheur fait part de sa découverte à Sylvie Aubenas, directrice du département des estampes et de la photographie de la BNF.
« Ce témoignage d’époque découvert par Claude me fait dire que nous avons la certitude à 99 % que le modèle de Courbet était bien Constance Quéniaux », estime Mme Aubenas.
Réalisé en 1866
On savait jusqu’à présent que le commanditaire du fameux tableau était le diplomate turco-égyptien Khalil-Bey, une figure flamboyante du Tout-Paris des années 1860, à la demande duquel le tableau fut exécuté par Courbet au cours de l’été 1866.
Avant la découverte de Claude Schopp, plusieurs noms avaient circulé quant à l’identité du modèle. On a ainsi évoqué Joanna Hiffernan, maîtresse de Courbet durant l’été 1866, dont la rousseur irlandaise et la carnation blanche correspondent peu à ce que dévoile le tableau, ou celui de Jeanne de Tourbey, maîtresse du diplomate ottoman, mais figure trop en vue pour tenir le rôle de modèle.
En 1866, Constance Quéniaux a 34 ans. Elle ne danse plus depuis 1859 et est aussi une des maîtresses de Khalil-Bey. La noirceur de la chevelure de Constance et ses « beaux sourcils noirs », loués par la critique lorsqu’elle dansait à l’Opéra, sont plus conformes à la luxuriante pilosité du modèle, explique Sylvie Aubenas, dont le département conserve plusieurs photos de Constance Quéniaux, y compris une prise par Nadar.
Un secret connu de tous ?
Pourquoi son nom n’est-il pas apparu plus tôt ? « C’était un secret connu de tous », suggère Sylvie Aubenas. Si Dumas lâche son nom, c’est davantage par ressentiment à l’encontre de Courbet. Avec le temps, Constance est devenue « une femme de bien », « respectable », qui s’adonne aux œuvres philanthropiques. On ne remue pas le passé.
Un autre élément vient corroborer la découverte de Claude Schopp. A la mort de Constance, en 1908, on découvrit lors de la vente de succession un tableau de Courbet représentant un bouquet de fleurs. La composition mêle habilement bouquet et plantes en pots.
Sur le côté gauche des fleurs printanières (iris, tulipes, primevères), sur le côté droit des camélias rouges et blancs, « les fleurs vouées aux courtisanes depuis Dumas fils », fait remarquer Sylvie Aubenas. Surtout, au centre, on remarque une plante grasse qui tend vers le spectateur une profonde corolle rouge épanouie et ouverte. « Quel plus bel hommage de l’artiste et du commanditaire à Constance ? », souligne Mme Aubenas.