PMA, GPA, accès aux origines, fin de vie : « Le gouvernement prend le pari de conduire un débat “apaisé”»
PMA, GPA, accès aux origines, fin de vie : « Le gouvernement prend le pari de conduire un débat “apaisé”»
Nos journalistes ont répondu à vos questions sur l’avis rendu par le Comité consultatif national d’éthique sur les questions de PMA, GPA ou fin de vie.
Lors de la Marche des fiertés, à Paris, en 2013. / LIONEL BONAVENTURE / AFP
Le Comité consultatif national d’éthique a rendu ses conclusions, mardi 25 septembre, sur la loi de bioéthique, qui devrait être examinée en 2019. Favorable à la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes les femmes, il propose plusieurs ouvertures, notamment pour la recherche sur les embryons surnuméraires. Il est favorable à un accès aux origines pour les enfants issus de don de sperme et insiste pour que la loi sur la fin de vie soit mieux connue et appliquée. Les journalistes du Monde, Paul Benkimoun, Sandrine Cabut et Manon Rescan ont répondu à vos questions.
Hélène : S’agissant de la fin de vie, le texte signé par 156 députés de la majorité et publié par Le Monde en février ne serait pratiquement pas pris en compte ?
Manon Rescan : Contrairement par exemple à la question de la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes, le gouvernement est pour l’heure resté très prudent sur la question de la fin de vie. Tout d’abord, cela ne fera pas partie des lois de bioéthique qui seront révisées normalement au début de l’année 2019, selon le calendrier donné par l’exécutif.
Une partie de la majorité pousse pour une nouvelle législation allant vers l’euthanasie active, mais cette position est loin d’être consensuelle. Agnès Buzyn, la ministre de la santé, s’affichait jusqu’à présent très réservée et ne souhaitait pas une nouvelle loi. Il y a quelques jours, la ministre a toutefois, dans Le Parisien, ouvert la porte à un aménagement de la législation actuelle, sans pour autant embrasser totalement les propositions des députés auxquelles vous faites référence.
Alain : Concernant la PMA, l’enfant aura-t-il toujours la possibilité de connaître sa filiation paternelle ?
Paul Benkimoun et Sandrine Cabut : Une majorité de membres du CCNE « souhaite la levée de l’anonymat, ce qui nécessitera une réflexion complémentaire sur les modalités de sa mise en place ». La décision de lever ou non cet anonymat appartient au législateur. Le CCNE recommande que le dispositif ne concerne pas les dons préalablement effectués. Si le donneur souhaite rester anonyme, son choix devra être respecté et une information minimum sera alors communiquée à l’enfant.
Chat teigneux : Dans le cadre d’un don de gamète, le gouvernement va-t-il remettre en cause l’anonymat du donneur, même si ce dernier souhaite rester anonyme ?
M.R. : Le gouvernement n’a pas encore donné sa position à ce sujet. Les seules propositions politiques qui existent aujourd’hui au sein de la majorité sont celles du parti La République en marche, qui s’est prononcé en juillet pour que le donneur puisse révéler son identité, seulement si c’est son choix. S’il souhaite rester anonyme, le parti propose que « l’enfant, à sa majorité, ait au moins accès à des données non identifiantes du type la couleur des yeux, des cheveux, ainsi qu’aux antécédents médicaux », a proposé Thomas Mesnier, député LRM en charge de ces questions au sein du parti. Mais une fois encore, ce ne sont que les propositions du parti, il faudra attendre le projet de loi du gouvernement pour connaître ses propositions en la matière.
Cam : Pensez-vous que le gouvernement pourrait risquer sa popularité sur la PMA, malgré l’avis du CCNE, étant donné la possible – probable – mobilisation de la Manif pour tous ?
M.R. : Pour le gouvernement, ce n’est pas une question de risque à prendre : il est déterminé à « aller au bout » de sa promesse de campagne, comme l’a répété ce matin Benjamin Griveaux, son porte-parole. Mais il sait aussi que le risque est celui de la crispation populaire et prend le pari de conduire un débat « apaisé » sur ces questions. Agnès Buzyn a fait le pari de la méthode, en attendant que tous les avis des instances consultatives soient rendus avant que le gouvernement n’avance. Mais si la Manif pour tous parvient à mobiliser comme en 2013 et que l’opposition politique de droite s’empare de cette question, tous savent que le bras de fer sera rude.
Pepi : J’ai lu que le CCNE considérait que les couples hétérosexuels étaient en droit de cacher à leur enfant qu’il était né par don de gamètes. Est-ce vrai, et si oui, en quoi est-ce éthique ?
P. B. et S. C. : Dans un avis de 2005, le CCNE avait recommandé de 1) favoriser la levée du secret du mode de conception ; 2) respecter l’anonymat des donneurs et receveurs ; 3) permettre que l’enfant ait accès à des informations non identifiantes en maintenant l’anonymat des donneurs. Le CCNE fait un pas supplémentaire en souhaitant la levée de l’anonymat pour les futurs donneurs de sperme.
Orque : Qu’en est-il de la gestion de la filiation dans un couple de femmes ? Celle qui n’aura pas porté l’enfant pourra-t-elle simplement être « parente », ou devra-t-elle adopter l’enfant de sa compagne ?
P. B. et S. C. : L’avis 129 du CCNE n’aborde pas explicitement cet aspect. Il distingue bien le biologique, la filiation, qui fait l’objet de l’intention et de la reconnaissance juridique, et le parental, qui fait l’objet du soin et de l’éducation. Le CCNE insiste toutefois sur « l’importance pour l’enfant que la vérité sur la réalité de son origine lui soit révélée le plus tôt possible ».
David : Si on accorde la PMA pour les couples de femmes, n’y aura-t-il pas rupture d’égalité avec les hommes, créant une brèche pour autoriser la gestation pour autrui (GPA) dans l’avenir ?
P. B. et S. C. : Le CCNE insiste sur la différence fondamentale entre la PMA pour des couples de femmes ou des femmes seules et la GPA : cette dernière induit un risque de marchandisation du corps humain, ce qui n’est pas le cas dans la PMA.
Ruhr : Bonjour, en quoi être un couple de femmes ou être une femme seule est une « pathologie » pour leur autoriser la PMA ? En effet, la PMA était réservée aux couples hétérosexuels dont l’infertilité est médicalement constatée. Et étant des humains et non des escargots, c’est plutôt naturel qu’une femme (ou un homme) ne puisse se reproduire seul(e)…
P. B. et S. C. : La différence est la suivante : la PMA pour les couples hétérosexuels est proposée dans le cadre d’une infertilité pathologique. Dans le cas des couples de femmes ou de femmes seules, il s’agirait de « pallier une souffrance induite par une infécondité résultant d’orientations personnelles ».
H : La PMA ne donne-t-elle pas des droits supplémentaires aux femmes par rapport aux hommes, en les autorisant à procréer seules ? Est-ce que, constitutionnellement, cela tient debout ?
P. B. et S. C. : Les femmes, seules ou en couple, ne procréent pas seules, il y a toujours des gamètes masculins et un donneur. De fait, dans tous les couples, hétérosexuels ou non, c’est la femme qui porte l’enfant. En tout état de cause, une fois une loi promulguée, le Conseil constitutionnel peut être saisi pour se prononcer sur sa conformité avec la Constitution.
Comprendre la GPA et la PMA en trois minutes
Durée : 03:28