Avant de la prendre, Miguel Cardoso a ouvert la porte, celle de la salle de presse du Football club de Nantes (FCN) à la Jonelière. Comme un besoin urgent d’air frais. Si l’été indien s’étire le long des bords de l’Erdre, ce qui rend l’atmosphère suffocante tient surtout à sa situation professionnelle. En poste depuis le 26 juin, le Portugais de 46 ans – à l’allure, avec son crâne lisse, du prof de sport qu’il a été dans une première vie – est un entraîneur condamné.

« Comment allez-vous ? », s’enquiert-il ce vendredi 28 septembre, le visage fermé, devant la quinzaine de journalistes au moment de prendre place. Lui a sans doute connu mieux. Avant-dernier de Ligue 1 après sept journées, torpillé depuis des semaines par voie de presse par son président Waldemar Kita qui l’accuse de « jouer à la baballe » ou de laisser « des millions [des joueurs achetés cet été] sur le banc », Cardoso vit depuis des semaines un très long entretien préalable à licenciement.

Celui-ci devrait être acté après le déplacement à Lyon (ce samedi à 20 heures), avancent L’Equipe et 20 Minutes, se basant sur des sources internes au club. Une vieille connaissance de la maison, Vahid Halilhodzic (attaquant du FCN entre 1981 et 1986) attendrait stylo à la main que la place se libère pour parapher son contrat.

Mais Miguel Cardoso entraîne encore jusqu’à preuve du contraire les « Canaris ». Pourtant, quand on l’a vu déplier une feuille A4 et lire quelques mots rédigés par ses soins dans un excellent français, l’idée d’une démission fracassante a flotté dans la salle. « Un mot seulement, a-t-il attaqué devançant la première question, un mot qui manque beaucoup en ce moment : respect. Je parle de respect pour mes joueurs, pour moi-même et pour un grand club qui s’appelle le FC Nantes, qui a une grande histoire, une identité, des valeurs. »

La suite de son préambule décevra ceux l’imaginant régler ses comptes avec Waldemar Kita avant de ranger ses cartons. « Je ne crache pas dans les plats dans lesquels je mange, on a bien parlé du match de samedi avec le président, de celui Bordeaux [le 6 octobre]. On a fait une très bonne préparation. » Il ajoute plus loin à la suite d’une nouvelle question sur son cas personnel : « Mon ami, interpelle-t-il, j’ai un contrat de deux ans avec le FC Nantes. Posez des questions sur le match de Lyon s’il vous plaît. »

Cardoso refuse l’évidence

Deux options s’offrent face à son attitude. Cardoso sait son sort scellé, n’ignore pas que Kita (président et propriétaire du Football club de Nantes depuis 2007) a usé, consommé, remercié douze autres entraîneurs en onze ans avant lui et souhaite soigner sa sortie afin de ménager sa réputation de technicien pour la suite. Il a échoué certes, mais sans renier sa philosophie de jeu et respectant jusqu’au bout « l’institution » du club.

Ou alors le Portugais est ce genre d’éternel optimiste à croire qu’il reste une barque cachée sur le Titanic quand le personnel de bord assure pourtant qu’elles ont été toutes jetées à l’eau. L’ancien technicien de Rio Ave cite alors plusieurs cas de collègues « dans la merde [sic] » et qui ont fini par redresser la barre. Les exemples sont souvent ceux de compatriotes : des débuts de Leonardo Jardim à Monaco à ceux de Paulo Fonseca (dont il était l’adjoint) au Chakhtar Donestk en Ukraine.

« On va le faire ensemble », promet-il avant de brutalement prendre congé des journalistes. La faute à une nouvelle question – posée avec une infinie précaution pourtant – sur son cas personnel. « Ok, merci beaucoup », coupe-t-il après onze minutes d’un drôle d’exercice.

Avec Miguel Cardoso, le FCN devait renouer avec une certaine idée du football. Sans oser parler du « jeu à la nantaise » que les moins de 20 ans considèrent comme une légende urbaine, le technicien arrivé de Rio Ave promettait un jeu de possession, tourné vers l’attaque, loin du froid réalisme de son prédécesseur l’Italien Claudio Ranieri, champion de la victoire 1-0 lors des six premiers mois la saison dernière. Mais ses belles intentions se sont fracassées sur la dure réalité de la Ligue 1, du manque de talent de ses joueurs offensifs et de l’impatience chronique de son président.

Kita pensait déjà à Halilhodzic cet été

Le ver était peut-être dans le fruit dès le départ. L’entrepreneur franco-polonais se serait laissé imposer le choix de Cardoso par les responsables de la formation et son fils, Franck, directeur général du club. Ce dernier aurait d’ailleurs assez vite changé d’avis sur un technicien très (trop ?) analytique, passé par l’université portugaise comme José Mourinho, Carlos Queiroz ou Leonardo Jardim, et adepte de très longues séances vidéo peu au goût des joueurs nantais.

Kita père penchait déjà cet été pour Vahid Halilhodzic. Le Bosnien de 66 ans, passé sur les bancs de Lille, du PSG, Rennes ou de l’Algérie, entretient cette image ce capitaine de caserne capable de renvoyer chez eux deux joueurs (les Rennais Diatta et Réveillère en 2003) pris en pleine partie de Playstation nocturne la vieille d’un match.

Le président du FC Nantes, Waldemar Kita, penchait déjà cet été pour Vahid Halilhodzic. / PHILIPPE DESMAZES / AFP

Kita/Halilhozdic, sur le papier cela ressemble à l’union du feu avec le feu. Le propriétaire du FCN (et ancien attaquant… de La Ferté-sous-Jouarre, en Seine-et-Marne, dans les années 1970-1980) n’aime rien de plus que se mêler de recrutement, de tactique et suggérer quelques ajustements à ses nombreux entraîneurs. L’homme serait du genre à dîner chez un étoilé et passer en cuisine en fin de repas pour expliquer au chef la cuisson de la poularde.

Elie Baup (en poste entre 2008 et 2009) donnait le mode d’emploi de son ancien employeur pour 20 minutes. « Il [Kita] aime qu’on l’écoute, qu’on partage avec lui nos idées. Il ne faut pas être fermé avec lui. Si tu lui dis qu’il est bidon et qu’il ne connaît rien au foot, ça se passe mal… » Waldemar Kita, lancé depuis 2016 dans une technologie qu’il prédit comme révolutionnaire, la pénoplastie (un traitement pour augmenter la taille du pénis), a déjà trouvé le secret pour raccourcir la durée de vie des entraîneurs au FC Nantes. Pour Miguel Cardoso, cela ne devrait plus être qu’une question d’heures.