« Nos années Julien Clerc », entre ombres et lumières
« Nos années Julien Clerc », entre ombres et lumières
Par Yann Plougastel
Le film de Pascal Fornerie passe en revue les cinquante années de carrière du chanteur et ouvre son album de famille.
La carrière du chanteur est revisitée dans le documentaire « Nos années Julien Clerc ». / BOBY
Son métier ? Chanteur. Et il l’exerce avec élégance depuis cinquante ans. Julien Clerc est un cas à part dans le monde de la chanson. Mélodiste hors pair et interprète hors-norme, il n’a jamais connu d’éclipse. Ses refrains appartiennent à notre inconscient collectif (Ivanovitch, Le Cœur volcan, Ce n’est rien, Si on chantait, Ma préférence, Femmes, je vous aime, Utile…) et réussissent à entremêler fulgurance poétique (Yann et les dauphins) et réflexions populaires (Travailler, c’est trop dur). Son secret ? « Je me mets au piano et j’essaie d’inventer un truc qui sort d’on ne sait où… Voilà la grande affaire de ma vie. »
Au départ, il y a un beau gosse aux longues boucles brunes qui, en plein Mai 68, sur toutes les radios en grève, annonce d’une voix ample qu’il « abolira l’ennui » dans une chanson intitulée La Cavalerie. Les paroles sont d’un certain Etienne Roda-Gil, fils de républicains espagnols, anarchiste et prof d’espagnol dans un lycée d’Ivry (Val-de-Marne), que le pas encore Julien Clerc (son vrai nom est Paul-Alain Leclerc, surnommé Paulo par ses amis) a rencontré à « L’Ecritoire », un café situé en face de la Sorbonne.
Coup de mou
Ces deux-là vont former, avec Maurice Vallet, dit Momo, un copain du lycée Lakanal, à Sceaux (Hauts-de-Seine), une famille flamboyante, à laquelle s’agrégera ensuite l’arrangeur Jean-Claude Petit, qui, sorte de rencontre entre Brassens et les Beatles, mâtine de pop, de surréalisme et d’envolées lyriques une chanson française désemparée depuis l’arrivée des yéyés.
La suite est connue et le documentaire la développe bien, ne cachant pas le léger coup de mou du milieu des années 1980 (la période pénible et rock due à Luc Plamondon avec Cœur de rocker ou L’Enfant au walkman) puis le rebond grâce à des ballades, véritable point fort du chanteur, signées Maxime Le Forestier (Fou peut-être mais fier de l’être), Jean-Loup Dabadie (L’Assassin assassiné), Carla Bruni (Si j’étais elle).
On y découvre surtout un Julien Clerc plus intime qui, derrière son sourire éblouissant, cache anxiété, introversion et solitude. Pour une fois, il accepte de parler des femmes de sa vie (France Gall, Miou-Miou, Virginie Coupérie-Eiffel, Hélène Grémillon) et de ses enfants (Jeanne, Angèle – la fille de Patrick Dewaere qu’il a adoptée, Vanille, Léonard, Barnabé), se révélant comme le chef d’une famille recomposée mais unie grâce à lui.
Nos années Julien Clerc, de Pascal Fornerie (France, 2018, 120 min).