Le budget « hors des clous » de l’Italie inquiète l’UE
Le budget « hors des clous » de l’Italie inquiète l’UE
Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
Les ministres des finances de la zone euro, réunis à Luxembourg, ont évité de jeter de l’huile sur le feu, en soutenant leur homologue transalpin.
Le ministre français de l’économie et des finances, Bruno Le Maire (à gauche), s’entretient avec son homologue italien, Giovanni Tria, lors d’une réunion de l’Eurogroupe, à Luxembourg, le 1er octobre. / JOHN THYS / AFP
Réunis à Luxembourg, les ministres des finances de la zone euro devaient parler de l’avenir, en l’occurrence de celui du Mécanisme européen de stabilité (le fonds de secours aux Etats créé pendant la crise). Mais le budget italien pour 2019, « hors des clous » de l’avis même du commissaire européen à l’économie, Pierre Moscovici, était dans toutes les têtes, lundi 1er octobre.
En annonçant, jeudi 27 septembre, un déficit public à 2,4 % de son produit intérieur brut (PIB) en 2019, 2020 et 2021, les deux partis de coalition au pouvoir à Rome – le Mouvement 5 étoiles (M5S, « antisystème ») et la Ligue (extrême droite) – ont lancé un défi à Bruxelles. La Commission, alarmée par une dette publique italienne qui culmine à plus de 130 % du PIB, espérait un déficit contenu à 0,8 % dès 2019.
« La Commission prendra ses responsabilités pour sauvegarder les intérêts de tous les citoyens italiens et européens, a déclaré M. Moscovici. L’Italie est le seul pays qui prévoit un budget expansionniste pour l’an prochain. Est-ce vraiment en dépensant plus que l’on crée de la croissance ? »
Avant de prendre position de manière définitive, Bruxelles attend que, comme les autres capitales, Rome lui envoie officiellement son budget 2019, au plus tard le 15 octobre. Mais, déjà, les experts voient mal comment le gouvernement Conte pourra échapper, au minimum, à une demande de révision budgétaire de la part de l’institution.
« Nous devons éviter que l’Italie demande des traitements spéciaux qui, s’ils sont accordés à tous, signifient la fin de l’euro », a souligné Jean-Claude Juncker, le président de la Commission. Inquiets et irrités à la perspective d’une épreuve de force entre Bruxelles et l’Italie, troisième économie de la zone euro, les ministres des finances des autres Etats membres ont modéré leurs propos.
« Les détails manquent »
« Les signaux ne sont pas très rassurants, mais les détails manquent et les négociations sont encore en cours à Rome », relevait ainsi le ministre néerlandais Wopke Hoekstra, l’un des plus attachés au respect du pacte de stabilité et de croissance.
Pas question d’inquiéter davantage les marchés : les Grecs, les Portugais ou les Espagnols craignent de voir le coût de leur dette augmenter, les investisseurs ayant tendance à mettre « dans le même sac » tous les pays ayant frôlé la faillite pendant la crise. Les ministres ont aussi tenu à soutenir leur homologue italien, Giovanni Tria.
Ce dernier s’est une nouvelle fois voulu rassurant sur la dette transalpine, qui continuerait à baisser, expliquant que les négociations étaient encore « en cours » au sein de la coalition. Il s’est dit prêt à « discuter » avec la Commission après la transmission du budget à Bruxelles.
Ainsi, le projet de budget de la zone euro cher au président français Emmanuel Macron paraît compromis. Bruno Le Maire a pourtant haussé le ton à Luxembourg, jugeant que les Européens devaient se « décider maintenant » sur la réforme de l’eurozone et l’instauration d’une taxe numérique, autre projet porté par Paris.
Toutefois, la volonté de l’Italie de laisser filer ses déficits conforte les préjugés des pays du Nord – Allemagne et Pays-Bas en tête – à l’égard de ces « pays du Club Med », critiqués à l’acmé de la crise pour leur supposée propension à dépenser sans compter et à faire peu de cas des règles communes.
Vers une TVA à taux réduit sur les e-books
Les ministres européens des finances devaient enfin approuver à l’unanimité, mardi 2 octobre, la baisse du taux de TVA sur les publications numériques (e-books, presse en ligne). Cette directive, proposée dès 2016 par la Commission, était bloquée depuis un an par la République tchèque, qui réclamait en échange des aménagements concernant une autre réforme portant sur la collecte de la TVA. La France appliquait déjà ce taux réduit sur les e-books, en infraction de la loi européenne, afin de ne pas pénaliser ce secteur en devenir.