A Rome, un synode des évêques sous pression
A Rome, un synode des évêques sous pression
Par Cécile Chambraud (Rome, envoyée spéciale)
Le pape François a ouvert mercredi un synode d’évêques du monde entier en appelant à « transformer » les structures parfois figées de l’Eglise qui éloignent les jeunes.
Le pape François à l’ouverture d’un synode, mercredi 3 octobre, qui va durer jusqu’au 28 octobre. / TONY GENTILE / REUTERS
Pendant plus de trois semaines, quelque 250 évêques de tous les pays, auxquels ont été adjoints 32 « experts », 34 jeunes et 49 auditeurs, dont quelques femmes, sont réunis à Rome pour un synode de l’Eglise catholique consacré aux jeunes et aux vocations. Préparée depuis dix-huit mois par des consultations dans les différents pays, qui ont fourni la matière d’un rapport introductif (instrumentum laboris), cette réunion n’échappe pas au sujet qui, depuis janvier, tétanise l’Eglise catholique : les violences sexuelles commises par des clercs, en particulier sur des mineurs. Et la perte de crédibilité et d’autorité morale auprès des croyants en général, et des jeunes en particulier, qui en découle.
Un sondage du Pew Research Center, publié mardi 2 octobre, montre que seulement 31 % des catholiques américains estiment aujourd’hui que le pape François gère bien la crise des abus, contre 45 % en janvier et 55 % en 2015. Près de la salle où se réunissent les évêques, une vingtaine de victimes de prêtres pédophiles se sont rassemblées pour demander à être entendues par la hiérarchie de l’Eglise.
« Transformer les structures »
Le pape François avait bien sûr cette toile de fond en tête, mercredi 3 octobre, à l’ouverture d’un synode qui va durer jusqu’au 28 octobre. Dans son homélie, lors de la messe inaugurale, il a rappelé qu’il y a plus de cinquante ans le concile Vatican II (1962-1965), qui avait ouvert l’Eglise sur le monde contemporain, avait adressé son dernier message aux jeunes, précisément.
« Beaucoup d’entre nous étaient jeunes ou faisaient leurs premiers pas dans la vie religieuse alors », a remarqué le pontife. Il a demandé aux évêques de retrouver l’élan d’alors afin de pouvoir être « une mémoire active » qui « ne se laisse pas étouffer ni écraser par des prophètes de calamités et de malheur, ni par nos limites, erreurs et péchés ».
Mais l’Eglise catholique ne pourra transmettre aux jeunes « des rêves et de l’espérance », qu’à la condition de « transformer [les] structures qui aujourd’hui nous paralysent, nous séparent et nous éloignent des jeunes », de rompre « avec le conformisme du “on a toujours fait ainsi” » et de prendre les jeunes d’aujourd’hui tels qu’ils sont, sans tomber dans la tentation d’adopter « une position moralisante ou élitiste », a-t-il ajouté.
Message d’avenir
Au plus fort de la tempête que traverse aujourd’hui l’Eglise catholique, le pontife s’est efforcé de lui redonner des perspectives d’avenir. Quand bien même « le présent, y compris celui de l’Eglise, apparaît chargé d’ennuis, de problèmes, de fardeaux », a-t-il dit lors de son discours introductif devant l’assemblée plénière des évêques, il ne faut pas « ressasser les amertumes » mais au contraire « chercher à “fréquenter l’avenir” ».
Il a reconnu qu’entretenir, voire renouer, le dialogue avec la jeunesse ne va pas de soi. La préparation du synode, a-t-il dit, a « mis en évidence une Eglise « en déficit d’écoute » (…) vis-à-vis des jeunes, qui souvent ne se sentent pas compris par l’Eglise dans leur originalité et donc pas accueillis pour ce qu’ils sont vraiment, et parfois même rejetés ». « Sortons des préjugés et des stéréotypes », a-t-il demandé aux évêques.
Leur génération doit éviter de « parler des jeunes à partir de catégories et de schémas mentaux désormais dépassés » et « vaincre la tentation de sous évaluer les capacités des jeunes et de les juger négativement ». De leur coté, les jeunes « doivent vaincre la tentation (…) de considérer les personnes âgées comme “des affaires anciennes, passées et ennuyeuses” ».
Démissions en série
Il serait cependant surprenant que le contexte permette aux prélats réunis à Rome de poursuivre placidement leur ordre du jour sur les vocations chez les jeunes sans revenir d’une manière ou d’une autre sur une crise qui connaît chaque jour de nouveaux développements.
Au moment même où s’ouvrait le synode, à Rome, l’archevêque de Santiago, le cardinal Ricardo Ezzati, s’est rendu à la convocation, plusieurs fois reportée, d’un procureur chilien qui voulait l’entendre sur des accusations de dissimulation d’agressions sexuelles. De nombreux clercs chiliens font aujourd’hui l’objet d’enquêtes judiciaires (elles sont au nombre de 119). La situation de crise est telle dans le pays que tous les évêques en fonction (un peu plus de trente) ont donné leur démission au pape, qui en a pour l’instant accepté sept.
Le cardinal Ezzati, 76 ans, le plus haut dignitaire de l’Eglise catholique chilienne, est ressorti au bout d’une heure des bureaux du procureur de Rancagua (sur de Santiago) sous haute protection policière en affirmant : « Nous allons tous collaborer en tous points ». Un peu après, son avocat, Hugo Rivera, a précisé que Mgr Ezzati avait… choisi de garder le silence, « jusqu’à ce que nous discutions avec le ministère public d’un non-lieu définitif ».
« Le cardinal est totalement innocent (…) il n’a jamais rien caché, ni détruit des preuves », a-t-il ajouté. Dans cette enquête, le cardinal Ezzati est accusé d’avoir couvert les agissements d’Oscar Muñoz, l’un de ses proches collaborateurs, actuellement assigné à résidence. Oscar Muñoz est accusé d’avoir abusé d’au moins un mineur – mais le diocèse aurait été informé d’autres cas.
En Pologne, une cour d’appel de Poznan a jugé, mardi, qu’une congrégation religieuse était responsable des actes de pédophilie d’un de ses membres, une décision sans précédent. Le tribunal a maintenu la décision condamnant la Société du Christ pour les émigrés de Pologne à payer un million de zlotys (240 000 euros) à une femme âgée aujourd’hui de 24 ans, victime, à l’age de 13 ans, d’un prêtre ayant appartenu à cette institution. Il lui a accordé par ailleurs une rente à vie de 800 zlotys (186 euros) par mois. Mais la congrégation condamnée a d’ores et déjà annoncé qu’elle se pourvoirait en cassation car elle « estime qu’il n’est pas possible de transférer la responsabilité sur elle », a déclaré à la presse son avocat, Krzysztof Wyrwa.