Le cercueil du conseiller municipal d’opposition Fernando Alban à Caracas, le 9 octobre 2018. / MARCO BELLO / REUTERS

Le 4 août, deux drones explosaient à proximité du président vénézuélien, Nicolas Maduro, lors d’un défilé militaire auquel il assistait, faisant sept blessés. L’attentat a été dénoncé par le pouvoir à Caracas comme une tentative d’assassinat du chef de l’Etat d’un pays confronté à la plus grave crise économique de son histoire et pris au piège d’une violence politique et criminelle chronique.

Deux mois plus tard, lundi 8 octobre, Fernando Alban, conseiller municipal d’opposition d’un arrondissement de la capitale et faisant partie des trente personnes arrêtées en lien avec l’explosion, était retrouvé mort après avoir chuté par une fenêtre du dixième étage du siège des services de renseignement vénézuéliens (Sebin).

Pour l’opposition et pour Washington, dont les relations avec Caracas sont au plus bas, il s’agit d’un assassinat politique. « Les Etats-Unis condamnent l’implication du régime [du président Nicolas] Maduro dans la mort du conseiller d’opposition vénézuélien Fernando Alban », a déclaré la Maison Blanche dans un communiqué publié mercredi 10 octobre. Pour le pouvoir en place, c’est un suicide.

Versions officielles divergentes

Le ministre de l’intérieur vénézuélien, Nestor Reverol, a écrit sur Twitter que Fernando Alban « devait être déféré devant un juge mais, alors qu’il était dans la salle d’attente du Sebin, il s’est jeté par la fenêtre ». Il a accusé M. Alban d’être « impliqué dans des actes de déstabilisation dirigés de l’étranger ». Sa version diffère toutefois de celle du procureur général Tarek Saab, selon laquelle Fernando Alban aurait demandé à se rendre aux toilettes, d’où il se serait défenestré. M. Saab avait annoncé une « enquête complète ».

Agé de 56 ans, M. Alban avait été emprisonné vendredi. Il appartenait au parti d’opposition Justice d’abord (Primero Justicia), qui a déclaré que le conseiller avait été « assassiné par le régime de Maduro ». L’opposition et les groupes de défense des droits humains ont prévenu à plusieurs reprises que l’administration Maduro détenait des centaines de prisonniers politiques sous de fausses accusations afin de museler les dissidents.

Constatant des « informations contradictoires sur ce qui s’est passé », le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits humains avait réclamé mardi une « enquête transparente pour clarifier les circonstances » de la mort de M. Alban. « Fernando Alban était détenu par l’Etat. L’Etat avait l’obligation d’assurer sa sécurité, son intégrité personnelle », a souligné une porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU, Ravina Shamdasani, lors d’un point de presse à Genève.

« Régime tortionnaire et meurtrier »

L’Union européenne a elle aussi appelé à une « enquête approfondie et indépendante afin de clarifier les circonstances de la mort tragique du conseiller Alban », par la voix de Maja Kocijancic, porte-parole de la cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, rappelant qu’« il est du devoir de l’Etat d’assurer la sécurité et l’intégrité physique de toutes les personnes en détention ».

Le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA), Luis Almagro, a condamné la mort de l’opposant, évoquant sur Twitter « la responsabilité directe d’un régime tortionnaire et meurtrier ».

En septembre 2017, un autre membre de Justice d’abord, Carlos Garica, maire de Guasdualito (Ouest), était mort à l’hôpital où il avait été transféré, deux semaines après avoir été victime d’un accident vasculaire cérébral en prison. Il y était resté détenu dix mois par les services de renseignement.