Perquisitions à LFI : Jean-Luc Mélenchon dénonce « une opération de police politique »
Perquisitions à LFI : Jean-Luc Mélenchon dénonce « une opération de police politique »
Par Yann Bouchez, Abel Mestre
Une quinzaine de perquisitions ont eu lieu mardi dans le cadre de deux enquêtes préliminaires, sur les comptes de campagne de la présidentielle 2017 et sur les assistants de M. Mélenchon au Parlement européen.
Jean-Luc Mélenchon, le 16 octobre, à l’Assemblée nationale / PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS
Les images sont pour le moins inattendues. Dans une vidéo tournée mardi matin par Rachid Laïreche, journaliste à Libération, on voit Jean-Luc Mélenchon, président du groupe La France insoumise (LFI) à l’Assemblée nationale et d’autres députés, vouloir entrer de force dans le siège de leur mouvement, dans le 10e arrondissement de Paris, alors que la police procédait à des perquisitions. Ces dernières se sont faites dans le cadre de deux enquêtes préliminaires distinctes, sur les comptes de campagne de la présidentielle 2017 et sur les assistants de M. Mélenchon au Parlement européen. Une douzaine d’autres perquisitions ont eu lieu mardi, dont une au domicile de M. Mélenchon, une autre chez Sophia Chikirou (son ex-conseillère en communication) et au siège du Parti de gauche.
« Je suis un parlementaire, vous ne me touchez pas ! Vous n’avez pas à m’empêcher de rentrer dans mon local ! Nous ne sommes pas des voyous », lance, énervé, Jean-Luc Mélenchon à des policiers postés devant l’entrée du siège. Il continue : « La République, c’est moi ! C’est moi qui suis parlementaire ! Vous êtes la police républicaine ou une bande ? Vous savez qui je suis ? Enfoncez la porte, camarades ! » Des propos surprenants de la part de M. Mélenchon, qui n’a jamais tenu de discours contre les forces de l’ordre, montrant au contraire du respect pour la « police républicaine ». Et l’ancien candidat à la présidentielle de pousser avec des députés pour enfoncer la porte… Scène surréaliste.
« C’est intolérable et inacceptable »
Un peu plus tard, les députés « insoumis » se sont exprimés, dans la rue, devant la presse et quelques militants qui avaient répondu à l’appel lancé sur le compte Twitter de Jean-Luc Mélenchon. « C’est un coup de force policier et judiciaire pour faire taire les opposants, a ainsi lancé Eric Coquerel, député de Seine-Saint-Denis. C’est une façon d’intimider les opposants. Nous refusons ces méthodes du pouvoir politique. Nos comptes ont été validés ! »
Jean-Luc Mélenchon filme en direct la perquisition de son domicile
Durée : 02:33
Manuel Bompard, dirigeant de LFI, estime quant à lui que la police a usé de « méthodes extrêmement violentes et agressives. C’est intolérable et inacceptable. Je vais déposer plainte. » Un peu plus tôt M. Bompard montrait, en effet, une légère marque sur son avant-bras.
Pour les « insoumis », c’est clair : ces perquisitions sont une manière pour « le pouvoir » de « nuire à la première force d’opposition ». C’est « une agression politique » pour Alexis Corbière. Un discours qui faisait l’unanimité, mardi, parmi les responsables « insoumis », qui analysaient ces actes judiciaires comme une sorte de répression politique digne des pires régimes autoritaires, certains parlant même de « dictature ». L’avocat de Jean-Luc Mélenchon, Me Mathieu Davy, ne dit pas autre chose et a dénoncé auprès de l’AFP « une opération sans précédent dans le milieu politique qui pourrait s’apparenter à une mission antiterroriste ». A gauche, en tout cas, M. Mélenchon a reçu le soutien des communistes, de Benoît Hamon ou encore du Nouveau Parti anticapitaliste.
S’il empêche toute arrestation ou privation de liberté d’un député, l’article 26 de la Constitution prévoyant l’immunité parlementaire, n’interdit pas la perquisition de son domicile, autorisée par un juge des libertés et de la détention. Ces dernières années, le député (LRM) des Hauts-de-Seine Thierry Solère ou feu le sénateur (LR) de l’Essonne Serge Dassault en ont aussi fait les frais.
« Ma nature fait obstacle à toute intimidation »
« Je suis d’accord pour qu’on reprenne tous mes comptes, a juré M. Mélenchon devant le siège de LFI. Nous allons publier la totalité des factures. Je m’étonne que l’on ne perquisitionne pas Emmanuel Macron alors que ses comptes de campagnes ont également été signalés. » Très remonté, M. Mélenchon a continué de haranguer : « C’est destiné à nous faire peur. C’est une opération de police politique. Ma nature fait obstacle à toute intimidation. Nous sommes des honnêtes gens. Nous n’avons pas peur. Il n’y a pas d’affaire, juste une volonté de salir. » Et de s’indigner : « Je ne suis pas un passant dans la rue, je suis le président du groupe parlementaire La France insoumise ! »
Jean-Luc Mélenchon a répété que ses comptes de campagne lors de l’élection présidentielle de 2017 avaient été validés. Dans une décision publiée au Journal officiel, le 13 février, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a, en effet, approuvé ses comptes, comme ceux de tous les autres candidats de ce scrutin. Mais cette approbation s’était alors accompagnée de sérieux bémols pour le leader de LFI : l’organe de contrôle avait apporté d’importantes rectifications au budget de 10,7 millions d’euros du candidat, et 434 939 euros de dépenses, considérées comme litigieuses, avaient été retirées de ses comptes.
La CNCCFP avait ensuite envoyé à ce sujet un signalement à la justice, daté du 16 mars. Les points soulevés par la Commission concernaient notamment les prestations « intellectuelles » et « matérielles » facturées 440 027 euros par une association, L’Ere du peuple, dirigée notamment par Bastien Lachaud et Mathilde Panot, aujourd’hui députés de La France insoumise. Ou encore celles réalisées par Mediascop, la société de Sophia Chikirou, chargée de la communication du candidat durant la campagne, pour un coût de 1,61 million d’euros.
Au printemps, le parquet de Paris a décidé d’ouvrir une enquête préliminaire à la suite de ce signalement, confiée à l’Office central de lutte contre les infractions financières et fiscales, afin de procéder à des vérifications sur une éventuelle violation des règles et lois sur le financement des campagnes électorales. Quelques mois auparavant, le même service de police, l’OCLICCF, s’était vu confier une enquête, en juillet 2017, sur des soupçons d’emplois fictifs visant des assistants de Jean-Luc Mélenchon. Le chef de file de la France insoumise s’était, à l’époque, indigné d’une « dénonciation calomnieuse » et du « pilori médiatique ».