Arte, vendredi 19 octobre à 22 h 35, documentaire

Assise dans un fauteuil planté au milieu d’un ­appartement quasiment vide, Françoise Hardy regarde, sur petit écran, le jugement qu’elle portait sur sa voix, il y a un peu plus de cinquante ans : « Je ne sais pas chanter. J’ai toujours eu, j’ai toujours, je crois, la voix blanche. Je chante juste, enfin, relativement… » A quoi elle fait écho, aujourd’hui, en renchérissant : « Cela n’a pas changé. Chanter est quelque chose qui ne m’est pas naturel. Ça m’est très, très difficile. Quand je dois faire les voix en studio, j’ai toujours une appréhension terrible ! »

Lire l’entretien avec Françoise Hardy  : « Le sentiment de honte m’a toujours accompagnée »

Voilà qui, ouvrant leur documentaire Françoise Hardy, la discrète, aurait pu fournir à Matthieu Jaubert et Emilie Valentin un fil rouge : le regard que cette artiste porte sur les albums-clés de sa carrière, sur les collaborations artistiques, déterminantes, voire malheureuses, qui ont accompagné son travail d’écriture et de composition. Au lieu de quoi, les documentaristes coupent la parole à Françoise Hardy, pour la donner à… Elodie Frégé ! Dont les quelques propos retenus concourent avec le vide. Et que dire, parce qu’on est sur Arte, des séquences sur deux fans allemands d’Hardy, si ce n’est qu’elles prêtent simplement à rire, puis à soupirer.

Pas de point de vue

Se voulant didactique, ce documentaire hache menu les décennies et les chansons (par exemple pour « prouver » qu’Hardy n’aime que les chansons tristes ou mélancoliques…), sans donner de point de vue ni même montrer un intérêt réel pour l’artiste. Du temps que leur ont accordé Hardy et Dutronc, n’y avait-il vraiment que cela à nous transmettre ?

Du coup, l’on sait gré à Pierre ­Mikaïloff, auteur de Tant de belles choses, une biographie de Françoise Hardy (augmentée en 2015 aux éditions Carpentier), de ponctuer ce documentaire de propos clairs, sensibles et pertinents. Il rappelle notamment que si la timide et réservée Françoise Hardy a le culot de s’adresser, très jeune, à la maison de disques Vogue pour y présenter « ses petites chansons », c’est qu’ayant enten­du ­Johnny Hallyday à la radio (Les gens m’appellent l’idole des jeunes), elle le trouve si mauvais qu’elle se dit que Vogue, qui l’a signé, doit être assez facile à convaincre… C’était avant qu’elle devienne non pas une idole, elle, mais une icône.

Lire la critique de « L’Amour fou » parue en 2012 : La chanson comme un baume

Françoise Hardy, la discrète, de Matthieu Jaubert et Emilie Valentin (Fr., 2016, 52 min). www.arte.tv