Entre Hongkong et la Chine, le nouveau pont conforte la domination de Pékin
Entre Hongkong et la Chine, le nouveau pont conforte la domination de Pékin
L’infrastructure longue de 55 kilomètres, qui relie Hongkong à Macao, complète la stratégie d’intégration par Pékin de cette région autonome à la République populaire.
Ponts, tunnels, îles artificielles : voici le gigantesque pont entre la Chine et Hongkong
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Déclaré ouvert par le président Xi Jinping lors d’une cérémonie mardi 23 octobre à Zhuhai, en Chine, le pont de 55 km de long qui relie cette ville chinoise et Macao, dont elle est frontalière, à Hongkong, parachève un projet au long cours, critiqué pour ses retards et ses dépassements de budget.
Son emplacement stratégique, entre Zhuhai et les deux régions administratives spéciales chinoises de Hongkong et de Macao, en révèle aussi la dimension politique : amarrer plus sûrement au continent ces deux enclaves autonomes agitées, du moins pour Hongkong, par des velléités d’indépendance, et remettre graduellement en cause le statut d’autonomie dont elles sont censées jouir jusqu’au mitan du siècle, selon le principe « un pays, deux systèmes ».
Le Monde, service infographie
Toutes deux d’anciennes colonies rétrocédées à la Chine respectivement en 1997 et 1998, Hongkong (7 millions d’habitants) et Macao (620 000 habitants) sont gérées selon leurs propres lois, disposent de leur propre police, et sont séparées de la Chine par des frontières. La mini-Constitution de Hongkong garantit ainsi le respect des libertés d’expression et d’association ainsi que la tenue d’élections directes pour une partie des membres de son Parlement. Pékin a toutefois le dernier mot pour désigner les chefs de l’exécutif des deux régions.
Pression accentuée
Pour le chantier du pont, Pékin a payé cher ses ambitions politiques : neuf ouvriers ont perdu la vie en construisant le pont, soixante autres ont été blessés, dix-neuf plaintes ont été déposées suite à des tests de qualité faussés du béton utilisé. Les délais ont été considérablement allongés et la profitabilité de cette infrastructure n’a toujours pas été prouvée : la durée de la traversée du pont – 45 minutes – n’est en effet pas particulièrement avantageuse par rapport à celle du trajet en ferry entre Macao et Hongkong ou Zhuhai et l’aéroport de Hongkong, tous deux d’un peu moins d’une heure.
Par ailleurs, des vices de construction auraient rendu vulnérables à l’érosion les îles artificielles sur lesquelles reposent certaines parties de l’infrastructure. Enfin, un pont parallèle devrait être ouvert à la circulation entre Shenzen et Zhongshan, deux villes de Chine continentale, dès 2023.
« Il est possible que ce pont ne soit jamais rentable, estime Jean-Pierre Cabestan, sinologue et professeur à l’université baptiste de Hongkong. Les préoccupations économiques ne sont pas à l’origine de sa construction. » / ANTHONY WALLACE / AFP
« Il est possible que ce pont ne soit jamais rentable, estime Jean-Pierre Cabestan, sinologue et professeur à l’université baptiste de Hongkong. Les préoccupations économiques ne sont pas à l’origine de sa construction, il s’agit plutôt d’un projet symbolique destiné à intégrer davantage l’estuaire de la rivière des Perles et notamment les régions administratives spéciales à la Chine continentale. »
L’estuaire de la rivière des Perles désigne la région du sud du Gangdong, autour de Canton et Shenzhen. Pékin entend en effet intégrer Macao, mais surtout Hongkong, à un réseau de onze villes de Chine du Sud pour en faire une Silicon Valley chinoise consacrée aux nouvelles technologies.
L’ouverture du pont à la circulation n’intervient d’ailleurs que quelques semaines après l’inauguration d’une autre infrastructure majeure : la ligne ferroviaire à grande vitesse entre Hongkong et Canton (Guangzhou), sur le continent. Or, une partie du terminal situé à Hongkong a été placée sous la souveraineté exclusive de la Chine qui y a déployé ses propres forces de police. « La présence de la police chinoise au cœur même de la ville a suscité la colère de nombreux Hongkongais », précise Jean-Pierre Cabestan.
Répression
Selon Jean-Philippe Béja, sinologue, politologue, directeur de recherche au CNRS et chercheur au centre d’études et de recherches internationales de Sciences Po, ce type de projet est de nature à favoriser l’intégration politique du territoire. « En favorisant les interactions économiques de Hongkong à cette partie de la Chine, Pékin entend amadouer les milieux d’affaires du territoire déjà largement acquis à sa cause, et s’appuyer sur eux pour pousser à une intégration économique plus étroite, propre à effacer à terme la spécificité politique de Hongkong. »
De fait, l’apparition de ces ouvrages d’art destinés à arrimer le territoire au continent est concomitante d’une emprise croissante de Pékin sur la politique intérieure de Hongkong. Pour la Chine, le mouvement des parapluies, en 2014, avec ses manifestations gigantesques, plus de deux mois durant, appelant au suffrage universel pour l’élection du chef de l’exécutif de Hongkong, fut un signal d’alarme.
Selon Jean-Philippe Béja, sinologue, politologue, directeur de recherche au CNRS et chercheur au Centre d’études et de recherches internationales de Sciences Po, « en favorisant les interactions économiques de Hongkong à cette partie de la Chine, Pékin entend amadouer les milieux d’affaires du territoire déjà largement acquis à sa cause ». / ANTHONY WALLACE / AFP
Depuis, les autorités hongkongaises font tout, sous la pression de Pékin, pour entraver l’émergence des nouvelles forces politiques dites « localistes » nées du mouvement, et décourager les manifestations de rue. Plusieurs figures de proue de la mobilisation ont reçu des peines de prison, comme Edward Leung, 27 ans, condamné à six années de détention par la justice de Hongkong en juin pour son rôle dans une manifestation qui a dégénéré en 2016.
Et en septembre, le petit Parti national de Hongkong (HKNP), indépendantiste, était interdit pour « menace à la sécurité nationale » – soit la première interdiction à frapper une formation politique depuis la rétrocession en 1997. Les militants prodémocratie craignent que le principe de sécurité nationale soit à l’avenir utilisé contre toutes les organisations non alignées sur les intérêts de la République populaire. « L’exécutif hongkongais est davantage le représentant de Pékin sur le territoire de Hongkong qu’un représentant de ses habitants en mesure de défendre leurs intérêts face à l’Etat chinois », résume Jean-Pierre Cabestan.
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