Le règne contrasté de Carlo Ancelotti au PSG, entre nostalgie et amertume
Le règne contrasté de Carlo Ancelotti au PSG, entre nostalgie et amertume
Par Rémi Dupré
Après un an et demi (2012-2013) passé au club de la capitale, l’entraîneur italien est de retour au Parc des Princes avec Naples, en Ligue des champions.
Carlo Ancelotti, le 23 octobre, au Parc des princes. / ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP
Quand il quitte un club, Carlo Ancelotti laisse le plus souvent des titres et une belle cote d’amour. Le Paris-Saint-Germain n’échappe pas à la règle et ses supporteurs devraient réserver une belle ovation à celui qui a ramené leur club sur le devant de la scène, aussi bien en France qu’en Europe. Ce mercredi 24 octobre, l’Italien Carlo Ancelotti, 59 ans, retrouve le Parc des Princes, à l’occasion de la réception de Naples, lors de la troisième journée de Ligue des champions. Aux commandes du Napoli depuis cet été, l’ex-entraîneur du PSG (janvier 2012-mai 2013) avait été déjà très applaudi par le public parisien, en septembre 2017, lorsque « son » Bayern Munich avait été corrigé (3-0). Un revers qui avait entraîné son éviction du banc bavarois.
La venue dans la capitale de l’entraîneur napolitain, actuel deuxième de Serie A et premier de son groupe en Ligue des champions, renvoie à son règne contrasté au club parisien. Un passage de dix-huit mois qui a permis de structurer le PSG version Qatar Sports Investments (QSI), mais l’intéressé en garde encore une certaine amertume en bouche. « Quelque chose s’était cassé et ne fonctionnait plus entre le club et moi. Je n’avais pas d’autre choix que de quitter le PSG », a raconté Ancelotti dans son ouvrage intitulé Mes secrets d’entraîneur (Solar, 2015).
En novembre 2011, Carlo Ancelotti (limogé six mois plus tôt de Chelsea) se laisse pourtant séduire par le discours tenu par le Brésilien Leonardo, alors directeur sportif du PSG et architecte du projet mis en place par les nouveaux propriétaires qataris. Les deux hommes se connaissent bien depuis leur collaboration au Milan AC. Double vainqueur de la Ligue des champions avec les Rossoneri (2003 et 2007), entraîneur de réputation mondiale, Ancelotti accepte de prendre les commandes de l’équipe parisienne à partir de la saison 2012-2013. Mais le limogeage d’Antoine Kombouaré, au début de la trêve hivernale, change la donne et précipite son arrivée.
« Carlo Ancelotti était cohérent avec l’ambition sportive de Leonardo, qui devait bosser avec un coach familier pour lui, et l’ambition d’image de l’actionnaire, souhaitant envoyer un message immédiat », se souvient un ex-cadre du club.
Un entraîneur qui a professionnalisé le PSG
Avec six mois d’avance, Ancelotti débarque au PSG et le fait basculer dans une autre dimension. Reflet des visées continentales du club, il obtient des recrues à sa main (Maxwell, Thiago Motta, Alex) et célèbre son pot d’arrivée, paradoxe suprême, au Stade Moustoir de Lorient contre les amateurs du Saint-Colomban Locminé, pensionnaire de CFA 2 (cinquième division), en 32e de finale de Coupe de France. Contraint de redescendre de ses coutumières hauteurs pour cette première, le natif de Reggiolo (Emilie-Romagne) s’en sort de justesse (victoire 2-1 dans les arrêts de jeu) face au « petit poucet ». Le ton est donné : rien ne sera facile.
Au-delà des moyens financiers mis à sa disposition, Ancelotti apporte avec lui les méthodes de travail appliquées à Chelsea. GPS pour mesurer les données des joueurs, analystes de performances, nutritionnistes, création d’un restaurant au centre d’entraînement du club, nouvelles habitudes alimentaires : l’Italien et ses deux adjoints, son compatriote Giovanni Mauri et l’Anglais Paul Clement, bousculent les habitudes et contribuent à professionnaliser un club pas réputé pour être le plus structuré de Ligue 1 avant l’arrivée de QSI.
« Le programme d’entraînement était établi un mois à l’avance. Ancelotti, c’est le premier étage de la fusée QSI. Il a étoffé le secteur médical, recruté des kinés, préparateurs physiques. Il déléguait aussi beaucoup, développe Ronan Le Crom, à l’époque quatrième gardien du PSG. C’est un grand homme, d’une grande classe. Il avait une grande proximité avec ses joueurs, à qui il ramenait d’Italie de la mozzarella. Il était très à l’écoute. Il aime ses joueurs, ses collaborateurs, organise des barbecues en famille. Chacun a droit à un traitement particulier. Il voyait tout tactiquement. Quand il rentre dans une pièce, il inspire le respect. Il ne hausse jamais la voix. Sauf quand un short traîne dans les douches. »
Carlo Ancelotti lors de son premier match à la tête du PSG, le 8 janvier 2012 contre les amateurs de Locminé. / DAMIEN MEYER / AFP
Malgré son sens du détail et des relations humaines, la saison se solde par un semi-échec, aux allures de déception pour Ancelotti, avec le sacre improbable de Montpellier devant le PSG. A l’été 2012, le Transalpin modifie son équipe de fond en comble avec le recrutement de Zlatan Ibrahimovic, Thiago Silva, Ezequiel Lavezzi, et son jeune (20 ans) compatriote Marco Verratti, déniché à Pescara. Son PSG se mue alors en rouleau compresseur sur la scène domestique et remporte aisément la Ligue 1, en mai 2013, après dix-neuf ans de disette. Surtout, les Parisiens signent leur grand retour en Ligue des champions et manquent de faire tomber (2-2, 1-1) le FC Barcelone de Lionel Messi en quarts de finale.
Au fil de cette saison aboutie, marquée par le recrutement à visées commerciales de la « pop star » David Beckham, Ancelotti traverse pourtant une zone de turbulences. En décembre 2012, les propriétaires qataris du PSG s’inquiètent des inconstances et sautes de concentration de la formation avant sa victoire à l’arraché (2-1) contre Porto, en phase de poules. « Le manque de sérénité commença à peser, surtout dans la gestion des petits accrocs, toujours inévitables même dans les meilleurs parcours d’une équipe, a expliqué l’entraîneur dans son ouvrage. On commença à perdre la ligne que l’on avait tracée initialement avec les propriétaires et les dirigeants du club. »
« Une erreur que QSI regrette encore »
En janvier 2013, Ancelotti est endeuillé par la disparition, dans un accident de voiture, de son ami Nicholas Broad, chef du projet performance du PSG. Deux mois plus tard, la défaite (1-0) de l’équipe à Reims irrite les dignitaires de QSI, de plus en plus impatients. Désireux de bénéficier de « beaucoup de temps » pour bâtir sur la durée, l’ancien milieu de terrain décide alors de ne pas prolonger l’aventure dans la capitale et s’en ouvre à Leonardo. « Chaque match était devenu un motif de tension. On voulait tout et tout de suite », confessa-t-il.
Une fois le titre de champion acquis, l’entraîneur claque la porte et cède aux sirènes du Real Madrid. « Déçu », le président Nasser Al-Khelaïfi ne parvient alors guère à le faire changer d’avis et se tourne vers Laurent Blanc pour lui succéder. « Le PSG avait des attentes et le coach a aussi été sollicité par le Real. Le train n’allait passer qu’une fois. Il y a aussi eu une dimension humaine dans cette décision », analyse Ronan Le Crom.
« L’histoire s’est arrêtée en raison de l’impatience de l’actionnaire après quelques contre-performances. Carlo Ancelotti a vécu comme un affront le fait que des nouveaux arrivants aient à son égard des exigences révélant leur incompétence sportive, détaille un ancien membre de l’état-major parisien. Un an plus tard, il remportait la Ligue des champions avec le Real Madrid. QSI ne commettra plus cette erreur, qu’il regrette encore. »
Depuis le départ fracassant de l’Italien, le PSG n’a d’ailleurs jamais fait mieux qu’un quart de finale en Ligue des champions.