Pierre Moscovici à Strasbourg le 23 octobre 2018. / VINCENT KESSLER / REUTERS

Le parlementaire Angelo Ciocca se lève. Il marche vers la tribune, vient coller au flanc du commissaire européen Pierre Moscovici, saisit une partie de ses notes, ôte son soulier, puis le frotte vigoureusement sur la liasse de feuilles, comme s’il écrasait un mégot ou un insecte nuisible. Cette scène exceptionnelle par sa bouffonnerie s’est déroulée mardi 23 octobre dans les murs du parlement de Strasbourg, dont les locaux accueillent en général les échanges techniques et policés qui sont l’ordinaire des institutions européennes. Vendredi, M. Moscovici a réagi à cette provocation en qualifiant de « fasciste » l’eurodéputé d’extrême droite.

Un eurodéputé écrase les notes de Moscovici avec sa chaussure
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Les tensions étaient déjà fortes entre la Commission et le gouvernement italien dirigé par Matteo Salvini, chef de file de la Ligue, dont le projet de budget pour l’année 2019 ne respecte par les engagements européens de l’Italie. M. Moscovici, commissaire aux affaires économiques et financières européen, avait jugé mardi à l’occasion de cette conférence de presse que le projet de loi de finances présenté par l’Italie était « hors les clous ». Le commissaire européen a annoncé avoir rejeté le budget italien et avoir demandé au gouvernement de la coalition populiste au pouvoir à Rome de lui présenter un budget révisé sous trois semaines.

« Grotesque », « fasciste », « crétin »

M. Moscovici avait d’abord dénoncé un geste « grotesque ». Cependant, au fil de la semaine ses réactions ont pris un tour plus politique. Mercredi, sur son compte Twitter il a évoqué une première fois les risques que font courir à la démocratie des actes de cette nature.

Puis, vendredi, sur la chaîne d’information CNews, l’ancien ministre des finances français est allé jusqu’à qualifier pour la première fois M. Ciocca, l’eurodéputé d’extrême droite, de « fasciste » mais également de « provocateur » et de « crétin ».

« Quand on commence à manier la violence à l’encontre des institutions, quand on commence à piétiner les règles, y compris avec des chaussures, on a une espèce de dérive lente vers ce que l’on appelle la “démocratie illibérale”, c’est-à-dire le non-respect de la liberté de la presse, la liberté de la justice et des institutions politiques (…) C’est vraiment la politique que je déteste, et c’est des gens que je combattrai jusqu’à mon dernier souffle. »

A Rome, le président du conseil, Matteo Salvini, qui est aussi le chef de la Ligue, s’est démarqué des actes de son eurodéputé. « On ne change pas l’Europe avec des provocations », a-t-il déclaré. Jeudi, le ministre de l’économie italien, Giovanni Tria, se trouvait à Paris à l’occasion du dixième dîner international de l’assurance. Il a évoqué un dialogue entre Rome et Bruxelles, tout en reconnaissant que son gouvernement avait prévu le rejet du budget italien par la Commission. M. Tria s’est voulu rassurant sur les intentions de l’Italie, assurant qu’elles ne constituaient « pas un problème » pour l’Union européenne, sans pour autant annoncer ou laisser entendre la moindre concession.

En France, Marine le Pen a apporté son soutien à ses alliés de l’extrême droite italienne. « C’est très vieux monde, a déclaré la présidente du Rassemblement national (RN) sur Europe 1 au sujet des déclarations de M. Moscovici. Dès que quelqu’un n’est pas d’accord avec vous, il se fait traiter de fasciste. » Rappelant que le déficit français avait atteint « 4,3 % » lorsque le commissaire européen était à Bercy, elle a ajouté : « Alors, quand il vient donner des leçons à l’Italie, (…) on peut se permettre de traiter cette information avec ironie. »