Les familles au cœur des « caravanes » de migrants en route vers les Etats-Unis
Les familles au cœur des « caravanes » de migrants en route vers les Etats-Unis
Donald Trump a fait de ces migrations un argument dans la campagne des élections de mi-mandat.
Des membres de la « caravane » sur la route de Huixtla, à proximité de Tapachula, au Mexique, le 31 octobre. / CARLOS GARCIA RAWLINS / REUTERS
Une Guatémaltèque marchant avec la « caravane » de migrants qui traverse le Mexique vers la frontière des Etats-Unis a accouché dans un centre médical de la ville de Juchitan dans l’Etat d’Oaxaca (sud du Mexique), mettant au monde « la première petite fille » née dans cette caravane, a annoncé la Commission nationale des droits de l’homme mexicaine, mercredi 31 octobre.
Parti le 12 octobre de San Pedro Sula, au Honduras, ce cortège a attiré l’attention du président Donald Trump qui en a fait un enjeu dans la campagne pour les élections de mi-mandat, s’en prenant aux démocrates et suggérant, sans preuve, que des « criminels » appartenant à des gangs et des « Moyen-Orientaux » s’étaient joints à la caravane, avant de faire machine arrière.
Mercredi, à six jours de l’élection de mi-mandat, depuis Fort Myers, en Floride, le président a encore durci le ton et évoqué l’envoi de 15 000 soldats à la frontière avec le Mexique, soit l’équivalent du nombre de troupes déployées en Afghanistan : « Il y a beaucoup de types redoutables dans ces caravanes, ce ne sont pas des anges », a-t-il lancé pour se justifier.
Violence et crise économique
Initialement composé de 160 personnes, le groupe est parti de San Pedro Sula, au Honduras, qui a longtemps été considérée comme la « ville la plus dangereuse au monde ».
Après deux jours de marche, ils étaient un millier, explique l’agence Associated Press, puis 1 600 Honduriens, au moment de franchir la frontière avec le Guatemala, le 15 octobre.
Ces migrants fuient la violence qui prévaut en Amérique centrale, au Guatemala, au Honduras et au Salvador, confirme le L.A. Times. Certains, expulsés des Etats-Unis, veulent y retourner, ajoute le Washington Post.
Beaucoup fuient aussi la pauvreté au Honduras, écrit Stephanie Leutert, la directrice du projet Mexico Security Initiative de l’université du Texas à Austin, ne pouvant joindre les deux bouts avec 150 lempiras par jour (5,45 euros) : selon l’Institut national de la statistique du Honduras, un peu plus de 60 % de la population n’a pas les moyens de se procurer des denrées alimentaires de base. A ces facteurs, s’ajoutent les effets du changement climatique sur les agricultures locales, relevait le Programme alimentaire mondial, dans un rapport publié en août 2017.
Les raisons avancées par les membres de la caravane pour prendre la route correspondent à celles de la plupart des migrants tentant d’entrer actuellement aux Etats-Unis : demandeurs d’asile, qui fuient les persécutions, et migrants économiques, qui cherchent une vie meilleure.
Pour arriver à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, le convoi traverse le Mexique, un voyage qui prend plusieurs semaines à pied. Pendant cette traversée, les marcheurs sont incités à demander l’asile. Le gouvernement mexicain a proposé des titres de séjour provisoires, une couverture médicale, de l’éducation pour leurs enfants et du travail à condition qu’ils déposent des demandes d’asile dans les Etats du Chiapas et de Oaxaca, au sud du pays. Plus d’un millier d’entre eux ont fait des demandes dans ce sens, selon le gouvernement mexicain. Ils reflètent une tendance de plus en plus marquée, les demandes d’asile ayant fait un bond spectaculaire : de 1 296 en 2013 à 14 596 en 2017, selon les chiffres fournis par les autorités mexicaines.
Les familles de plus en plus nombreuses
La majorité des personnes arrêtées à la frontière avec le Mexique (il y a aussi des arrestations à la frontière canadienne) viennent du Mexique (127 938), du Guatemala (65 871), du Salvador (49 760) et du Honduras (47 260), indiquent les chiffres de 2017.
Immigrants to America https://t.co/VmjxIxYt1L
— conradhackett (@Conrad Hackett)
D’octobre 2017 à septembre 2018, 521 000 sans-papiers ont été interceptés à la frontière, un chiffre bien en deçà du point culminant des années 1990 et 2000, lorsque plus d’un million d’arrestations par an étaient courantes.
Comment expliquer cette différence ? A l’époque, il s’agissait d’une majorité d’adultes, venus du Mexique, et qui pouvaient y être renvoyés rapidement. Ce qui n’est plus possible avec des familles et des mineurs non accompagnés qui demandent l’asile aux Etats-Unis. Les statistiques du service des douanes et de la protection des frontières soulignent en effet que ce sont de plus en plus des familles qui tentent la traversée.
Le Guatemala, puis la police antiémeute mexicaine, ont renoncé à stopper ces centaines de femmes accompagnées de leurs enfants, parfois en poussette, rapporte le L.A. Times. Près de 160 000 ont été appréhendées ou interdites de territoire à la frontière sud-ouest (avec le Mexique) entre octobre 2017 et septembre 2018, dont plus de 20 000 pour le seul mois de septembre, et ce, malgré la volonté politique de l’administration Trump – abandonnée depuis –, de séparer les familles à la frontière pour décourager l’immigration illégale.
Le 29 octobre, un deuxième cortège de migrants comprenant des Salvadoriens est entré au Mexique pour se diriger vers la frontière américaine et progresse, lui, dans l’Etat du Chiapas. En attendant, le Pentagone a autorisé le déploiement de quelque 5 200 soldats à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Cette opération doit permettre de renforcer les postes-frontières du Texas à la Californie, et apporter un soutien logistique aux agents du service des douanes et de la protection des frontières sur d’autres zones moins bien protégées.
Au Mexique, les caravanes de migrants progressent vers les Etats-Unis