Faire voler un drone en agglomération est une pratique strictement encadrée. / Azur-Drones

Bis repetita. Deux ans après une première sortie médiatique, Manuel Aeschlimann, maire (LR) d’Asnières-sur-Seine, commune de 86 000 habitants située dans la banlieue ouest de Paris, relance son projet d’équiper la police municipale de drones de surveillance. Cette proposition de « mettre en place une vidéoprotection mobile », soumise à Christophe Castaner, le ministre de l’intérieur, dans une lettre adressée mardi 13 novembre et dont Le Figaro a eu connaissance, n’est pas dénuée d’arrières-pensées politiques, mais elle ne constitue pas un cas isolé. A l’instar des forces de police et de gendarmerie, les municipalités considèrent les drones comme un outil sécuritaire prometteur. Et certaines n’ont pas attendu pour s’en doter.

Asnières, ville divisée entre un quartier bourgeois et plusieurs cités dites « sensibles », a mis en place un imposant quadrillage (le cap des 100 caméras de surveillance sera franchi cette année) que le maire juge encore insuffisant. « La vidéoprotection n’a qu’un seul défaut : elle est immobile », souligne Manuel Aeschlimann dans son courrier, déplorant que « de nombreux coins et recoins non contrôlés demeurent ». Pour lui, le recours à des drones « pour visualiser les trafics » revêtirait « un aspect répressif, certes, mais avant tout préventif ». Le maire, qui propose qu’Asnières devienne « ville pilote » – « Nous proposons le principe d’une expérimentation qui permettrait d’évaluer les avantages et les difficultés liés d’un recours aux drones », précise-t-on dans son entourage – devra présenter une demande à la commission départementale de vidéoprotection des Hauts-de-Seine. « C’est un coup de pub  » juge Marie-Christine Baillet (SE), chef de file de l’opposition municipale. « Je ne vois absolument pas la valeur ajoutée que pourrait apporter un tel système de surveillance non-stop qui introduirait une défiance généralisée parmi la population », estime l’élue.

Surveiller les quartiers « difficiles »

Faire voler des drones pour surveiller des quartiers (« difficiles », pour la plupart) n’est pas une idée nouvelle. En avril, Istres (Bouches-du-Rhône) a équipé sa police municipale avec des drones. Pour autant, le maire (PS) d’Istres comme celui d’Asnières n’ignorent pas les difficultés pratiques autant que juridiques qu’ils vont devoir surmonter. D’abord, si faire voler des drones peut a priori permettre de réaliser une surveillance efficace (les modèles grand public les plus réçents sont dotés de zooms performants), leur discrétion peut laisser à désirer. De plus, leur autonomie en vol dépasse difficilement les vingt minutes.

Au plan juridique, rappelle la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), faire évoluer des engins pilotés à distance est une activité extrêmement encadrée. « D’un point de vue sécurité aérienne, la réglementation en vigueur exclut tout survol de tierces personnes par drones. Par ailleurs, leur usage en agglomération est strictement encadré et contraint par la définition d’un périmètre de sécurité au sol visant à limiter les risques de blessure en cas de chute. Dès lors, l’utilisation d’un drone est difficilement compatible avec une activité permanente de surveillance des populations en milieu urbain », indique la DGAC. Bref, entre l’autorisation de la préfecture, l’interdiction du vol hors vue, le brevet professionnel de télépilote et le floutage des images de propriétés privées, envisager une surveillance efficace et réactive de zones urbaines tient de la mission impossible.

« Une demande émerge »

Reste que la solution de la vidéosurveillance aérienne en milieu urbain semble prendre corps. Depuis juin, la société Azur Drones, spécialisée dans la sécurité, a fourni des drones vigies à près de dix villes de plus de 30 000 habitants, dont la dernière est Evreux, dans l’Eure. « On passe du balbutiement à un début de réalisation. Une demande émerge nettement pour doter les polices municipales de ce genre d’équipement », assure Stéphane Morelli, directeur général d’Azur Drones, basé à Sofia Antipolis, près de Nice.

Baptisée « Flying Guard » et régulièrement utilisée pour sécuriser des rassemblements de personnes comme les concerts, la solution – conforme à la législation – commercialisée par Azur Drones consiste à faire décoller un drone filaire, relié au sol par une alimentation électrique qui lui permet de rester en vol stationnaire à cent mètres de hauteur pendant plusieurs heures. Equipée de capteurs puissants – le cas échéant, une « boule optronique » comprenant une caméra thermique, un Lidar (radar laser) et une caméra optique avec un zoom × 30 –, cette station fixe peut inspecter une vaste zone sans devoir se déplacer ni survoler des populations. Le coût (« plusieurs dizaines de milliers d’euros »), qui comprend le matériel mais aussi la formation des fonctionnaires municipaux, est élevé mais pas rédhibitoire. « A terme, cela peut signifier moins de voitures de police et davantage de drones », considère Stéphane Morelli.