La Turquie renforce sa dépendance au gaz de Russie
La Turquie renforce sa dépendance au gaz de Russie
Par Marie Jégo (Istanbul, correspondante)
Poutine et Erdogan ont inauguré, lundi, une partie du gazoduc TurkStream, d’une capacité de 16 milliards de mètres cubes par an.
Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine lors de l’inauguration d’un tronçon du gazoduc TurkStream, le 19 novembre, à Istanbul. / MIKHAIL KLIMENTYEV / AFP
Les présidents russe et turc, Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan, se sont retrouvés à Istanbul, lundi 19 novembre, pour assister, par visioconférence, à l’inauguration de la partie sous-marine du gazoduc TurkStream. Sa mise en service renforcera la dépendance de la Turquie à l’égard du gaz russe. Ankara est le second client de Gazprom, le géant du gaz russe. En 2017, la consommation turque a crû de 15 %, à 53,6 milliards de mètres cubes. Pour plus de la moitié, il s’agit de gaz russe acheminé par le gazoduc Blue Stream.
« Le TurkStream et nos autres projets énergétiques, notamment la centrale nucléaire d’Akkuyu, symbolisent le partenariat russo-turc multidimensionnel et l’amitié éprouvée qui unit nos deux peuples », a déclaré Vladimir Poutine, soulignant la « confiance » entre les deux dirigeants. Les liens entre Moscou et Ankara n’ont cessé de se renforcer après une grave crise diplomatique en 2015, à la suite de la destruction d’un avion russe par la chasse turque au-dessus de la frontière syrienne. M. Erdogan a mis en avant pour sa part un « projet historique ».
Gaz de Sibérie
La partie immergée de ce gazoduc, longue de 930 kilomètres sous la mer Noire, a été achevée. Elle relie le port russe d’Anapa au village turc côtier de Kiyiköy, non loin d’Istanbul. A l’ouverture des vannes d’ici à la fin de 2019, les consommateurs turcs recevront du gaz des immenses champs gaziers situés dans la péninsule de Yamal, en Sibérie occidentale.
La partie terrestre du tube, un tronçon de 65 kilomètres entre Kiyiköy et Lüleburgaz, non loin de la frontière turco-bulgare, devrait être achevée en 2019. Une fois posé jusqu’à Lüleburgaz, le gazoduc, d’une capacité de 15,75 milliards de mètres cubes par an, sera connecté au réseau turc de distribution.
Un deuxième tronçon, d’une capacité similaire, reste à construire. Le gaz acheminé via ce deuxième tube sera destiné aux marchés européens, permettant ainsi à Gazprom de mieux contourner l’Ukraine. « Il ira vers l’est et vers le sud de l’Europe », a indiqué Vladimir Poutine, lundi. Sa destination finale n’a pas encore été choisie : ce sera l’Italie via la Grèce, ou l’Autriche via la Bulgarie. « La destination bulgare est une priorité », selon Alexandre Novak, le ministre russe de l’énergie.
Mainmise
« Les décisions des Etats sur leur approvisionnement en gaz naturel selon leurs besoins doivent être respectées, les pressions ne bénéficieront à personne », a rappelé M. Erdogan lors de la cérémonie, une allusion à Donald Trump, qui s’oppose à la mainmise de Gazprom sur les marchés européens. Le président russe a tenu pour sa part à souligner que la Turquie ne s’était jamais laissé « dicter ses décisions par d’autres pays ».
La Turquie est liée à la Russie par un vaste partenariat énergétique, avec notamment la construction d’une centrale nucléaire à Mersin, dans le sud du pays. Les deux pays sont également associés dans le secteur de la défense puisque M. Erdogan s’est engagé à acheter les systèmes de missiles russes antiaériens S-400, un projet controversé qui suscite la réprobation de ses alliés de l’OTAN.