Christine and the Queens présente Chris à Londres
Christine and the Queens présente Chris à Londres
Par Stéphane Davet (Londres, Envoyé spécial)
La chanteuse française a donné, mardi, un concert à guichet fermé devant les 5 000 spectateurs de l’Eventin Apollo, la salle mythique du quartier d’Hammersmith.
Chris aux NRJ Music Awards ceremony à Cannes le 10 novembre. / VALERY HACHE / AFP
Au dernier tiers du concert, Héloïse Letissier rappelle à quel point Londres a été essentielle dans la naissance artistique de son alter ego, Christine and the Queens. « C’est ici que j’ai rencontré des drag queens qui m’ont prouvé qu’on peut construire des personnages magnifiques à partir de ses propres blessures », raconte la chanteuse française, mardi 20 novembre, devant les 5 000 spectateurs de l’Eventin Apollo, la salle mythique du quartier d’Hammersmith, où la Nantaise donnait, à guichet fermé, le premier de ses deux shows londoniens.
Le Royaume-Uni a continué de porter chance à la Française, dont le premier album, Chaleur Humaine, s’est vendu outre-Manche à plus de 300 000 exemplaires. Un succès autant dû au refrain accrocheur d’un tube comme Titled, qu’au soin chorégraphique apporté à ses performances scéniques.
Un ballet jouant sur la séduction et les identités
Après un début de tournée aux Etats-Unis et avant ses premières dates françaises, à partir du 4 décembre, Christine présente Chris dans les salles combles d’une dizaine de villes britanniques. Nom de son nouvel album, ce prénom raccourci, plus sec et unisexe, est aussi celui d’un personnage gagnant en puissance et en assurance.
Gorgé de funk rutilant, ce second opus promettait un défi live plus physique que son prédécesseur. Sur la scène de l’Apollo, apparaît d’abord la présence turbulente d’une dizaine de jeunes gens se bousculant, jusqu’à l’arrivée de la jeune femme à la coupe de garçonne et à l’ample chemise rouge, remettant de l’ordre d’un geste de chef de bande.
Quatre personnes filent alors saisir leurs instruments. Les six autres – filles et garçons à la frontière des genres – deviennent des compagnons de ballet, dont la singularité des personnalités semble autant compter que leurs qualités de danseurs. Première démonstration avec Comme si, dont l’entrain sexy pousse à un jeu d’affrontements mêlés de séduction pansexuelle, d’une cohésion ne gommant jamais l’identité de chacun.
Un triomphe pour « Girlfriend »
La plupart des morceaux sont interprétés dans la version anglaise que Christine a systématiquement enregistré en même temps que leur version francophone. Parfaitement à l’aise quand elle parle la langue de Madonna, la Française trahit plus nettement son accent quand elle se met à chanter. Cela ne semble guère gêner le public qui fait un triomphe à Girlfriend, la version british de Damn, dis-moi. Premier single tiré de Chris, cet hymne sensuel a contrarié, en France, des esprits chagrins découvrant que le morceau avait été composé à partir de boucles préenregistrées. Aux Etats-Unis, Time Magazine vient d’élire le titre, meilleure chanson de l’année 2018, devant celles de Childish Gambino et Ariana Grande.
Fidèle à son implication dans chaque strate de ses créations, Héloïse Letissier cosigne la scénographie avec Camille Duchemin et la chorégraphie avec le collectif La Horde. D’un perfectionnisme sous évidente influence américaine, les tableaux se déploient pourtant dans une épure se distinguant avec classe des surenchères bling bling. Pas ici de feu d’artifice de leds, mais une façon subtile d’éclairer, par exemple, l’immense toile de fond scène. Loin des paysages urbains du r’n’b, celle-ci reproduit une spectaculaire vallée encadrée de montagnes, œuvre du peintre romantique américain Albert Bierstadt (1830-1902), dont on remarque, selon l’éclairage, la vigueur verdoyante (Le G) ou l’inquiétant ciel d’orage (Paradis perdus).
Mélancolie et gravité
Magnifiques aussi, les filets de sable dansant dans la lumière pendant The Walker (La marcheuse en français) ou la façon dont, pendant Here (avec la voix de Booba), Christine ondule son dos pâle et musculeux devant une peinture de tempête dont on n’éclaire que l’écume. Dans la foulée, c’est toute la troupe qui mime au ralenti des corps portés par les vagues dans The Stranger, en référence au Radeau de la Méduse de Delacroix et au drame des migrants en Méditerranée.
Mélancolie et gravité habitent certaines séquences, mais même quand sa voix investit a capella le spleen de Nuit 17 à 52, Héloïse Letissier réussit à revigorer autant qu’émouvoir, grâce à son humour et ses dons d’ambianceuse. Messages pugnaces de libération féministe et transgenre, ces chansons et leurs chorégraphies sont d’abord des célébrations joyeuses. A l’instar d’un final festif qui voit la chanteuse s’alanguir au balcon (Saint Claude) avant de traverser la foule avec la sarabande electro d’Intranquillité.
Concerts : le 4 décembre, à Nantes ; le 5, à Bordeaux ; le 6, à Montpellier ; le 12, à Eckbolsheim ; le 14, à Lyon ; le 15, à Toulouse ; les 18 (complet) et 19, à Paris, à l’Accorhotels Arena.