Marin Cilic, en demi-finale de la Coupe Davis, le 16 septembre. / STR / AFP

Marin Cilic est un géant discret. Face à son 1,98 m, on se dit qu’il faudrait plus qu’une plante verte pour dissimuler sa longue silhouette. Pourtant, assis entre deux ficus pour répondre aux questions du Monde, le Croate n’attire l’attention de personne lorsqu’on le rencontre dans la ruche qu’est la zone d’interviews de Roland-Garros en début d’été. Septième joueur mondial, quart-de-finaliste à Roland-Garros pour la seconde année d’affilée, Marin Cilic présente pourtant un CV à même de le mettre sous les feux de la rampe.

Mais rester dans l’ombre lui convient. « Vous savez, je suis un mec simple », sourit-il en haussant ses larges épaules. Il a choisi, comme dans la chanson de Lynyrd Skynyrd Simple Man, de faire « quelque chose qu’il aime et qu’il comprend ». Jouer au tennis « aussi bien que possible ». « C’est plus fort que moi, j’ai le tennis dans la peau. […] C’est un sport incroyable où vous pouvez vous améliorer chaque jour », s’exclame celui qui se décrit comme un « faux calme, bouillant à l’intérieur ».

Vendredi 23 novembre, il entrera dans le chaudron du stade Pierre-Mauroy pour entamer, face à Jo-Wilfried Tsonga, la deuxième finale de Coupe Davis de sa carrière. Une dernière chance – la formule changeant drastiquement – pour lui qui s’était effondré en 2016 face à Juan Martin Del Potro, après être passé à un set d’offrir le saladier d’argent à la Croatie.

Le tennis dans la peau

Tout en efficacité, son jeu n’aura jamais la flamboyance de celui de certains de ses camarades de court, mais le natif de Medjugorje, en Bosnie-Herzégovine, ne s’en soucie guère. « Au bout du compte, le plus important est de gagner. Et la foule apprécie toujours les beaux combats. »

Pas sûr pour autant que celle de l’enceinte lilloise soit comblée si le dernier finaliste de l’Open d’Australie fait des misères à ses protégés bleus. Car le grand Cilic est un écueil de taille sur la route d’un second titre français d’affilée.

Avec Juan Martin Del Potro et Stanislas Wawrinka, le Croate est le seul joueur à avoir soulevé un tournoi du Grand Chelem depuis 2005 et le début du règne de Federer, Nadal, Djokovic et Murray. C’était à l’US Open, en 2014. Une victoire qui en a fait une icône croate sans le faire sortir outre mesure de l’ombre.

Ce n’est pas Cilic qui tentera de faire pencher le public de son côté à force de gestes et de harangues. A Roland-Garros cette année, ce rôle a échu au roublard Fognini, en huitièmes de finale. Celui de Cilic ? Remporter la rencontre au terme d’un cinquième set haletant. Sans manquer de saluer la performance de son adversaire. « Avec Fabio, il y a toujours du spectacle sur le court », avait-il glissé. Lui fait plus dans la sobriété.

Quand on observe que le grand public ne le connaît pas encore autant que certaines icônes marketées « Next Gen », comme Alexander Zverev, récent vainqueur du Masters, le néotrentenaire ne s’en offusque guère. « Les gens commencent à mieux me connaître avec mes bons résultats en Grand Chelem, assure le finaliste malheureux du Wimbledon 2017 (défait par Roger Federer, comme à l’Open d’Australie cette année). Mais ils ont aussi besoin de me découvrir. »

« La terre battue, j’ai grandi dessus »

Cela fait pourtant un bout de temps – huit ans – que Marin Cilic a intégré le top 10 mondial, même si sa carrière a été perturbée par plusieurs blessures et par une suspension de quatre mois en 2013 en raison d’un contrôle positif à la nicéthamide (un stimulant cardiovasculaire).

Ses modestes résultats sur terre battue ne l’ont pas inscrit durablement dans le cœur du public français. Avant 2017, il n’avait jamais dépassé les huitièmes de finale à Roland-Garros. Pourtant, « la terre battue, j’ai grandi dessus », lance Cilic, qui a passé son enfance dans un pays laminé par la guerre.

« J’aime jouer sur cette surface vraiment particulière, insiste-t-il. La plupart des joueurs amateurs évoluent dessus, du coup les fans adorent regarder le tennis sur terre battue. » Cette déclaration d’amour faite, le numéro 7 mondial, qui garde la première place dans le viseur, concède « avoir toujours préféré jouer sur dur et sur herbe, car ces surfaces correspondent plus à [son] style de jeu. »

La terre battue, « c’est la pire des surfaces », conclut-il, avant de se reprendre : « Non, c’est celle sur laquelle j’ai le plus de mal à obtenir des résultats ». Mais il se dit « persuadé » de pouvoir « aller très très loin », en tablant sur son « expérience et un entraînement adéquat, ce que j’ai fait depuis quelques années ».

Yannick Noah, qui a justement choisi la terre battue pour la finale afin d’importuner le géant croate, devrait acquiescer. « On met du temps à se réadapter à la terre battue », soulignait, lundi, le capitaine des Bleus. Un temps qui aura manqué à Cilic, débarqué directement dimanche de la surface dure du Masters de Londres.

Mais les Français sont prévenus : le plus normal des géants du tennis est conscient de l’opportunité qui se présente pour la nation au damier. « Il y a deux ans, on était en tête le dernier jour et très proche de la gagner, a-t-il rappelé en début de semaine. On a une nouvelle opportunité, c’est un grand défi et une grande motivation. »

A l’occasion de la finale de la Coupe Davis entre la France et la Croatie, à suivre du 23 au 25 novembre sur Lemonde.fr, nous republions ce portrait (remis à jour) initialement mis en ligne lors de Roland-Garros 2018.