Fernando Alonso dit « au revoir » à la formule 1
Fernando Alonso dit « au revoir » à la formule 1
Le Monde.fr avec AFP
Pour beaucoup, il est le meilleur pilote mais aussi le plus mauvais caractère du circuit. L’Espagnol quitte la F1, dimanche, à l’issue du Grand Prix de clôture à Abou Dhabi.
Livrée spéciale pour la McLaren de Fernando Alonso qui court, le 25 novembre, son dernier Grand Prix de F1 à Abou Dhabi. / GIUSEPPE CACACE / AFP
Sacré pilote. Mais fichu caractère ! A 37 ans, l’Espagnol Fernando Alonso va tirer sa révérence et quitter le petit monde la formule 1. Fort de 312 Grand Prix courus en l’espace de 17 saisons, de 32 victoires et de deux titres de champion du monde, décrochés en 2005 et 2006. Si le pilote – dont le talent au volant est assez unanimement salué – pourrait être regretté dans les paddocks, c’est au contraire avec un certain soulagement que certains verront partir l’homme, plus contesté.
Tout est pourtant prêt pour saluer ce qui devrait être le dernier Grand Prix de formule 1 de Fernando Alonso, dimanche 25 novembre, à Abou Dhabi, lors de l’ultime rendez-vous de la saison.
Son écurie, McLaren, lui a même produit une « livrée » spéciale « FA », c’est-à-dire une monoplace repeinte à ses couleurs, ajoutant à l’orange maison, des notes de bleu, jaune et rouge. Une attention rarissime, pratiquée pour la dernière fois par la firme britannique pour le départ du Finlandais Keke Rosberg en… 1986.
Parmi les premiers « hommages » rendus au double champion espagnol (2005, 2006), celui de la BBC, diffusé le 19 novembre, vient un peu gâcher la fête.
Blocage dans les stands et mails compromettants
Grand Prix de Hongrie 2007 : Fernando Alonso effectue sa première saison chez McLaren, au côté d’un certain Lewis Hamilton. Le patron de l’écurie, Ron Dennis, refusant d’acter la position de leader de l’Espagnol sur le Britannique, la tension monte d’un cran en Hongrie, lorsque Lewis Hamilton ignore la consigne de course favorable à l’Espagnol et refuse de le laisser passer. Vexé, ce dernier décide de se faire justice lui-même en bloquant dix secondes l’Anglais dans les stands.
Convoqué, Fernando Alonso menace Ron Dennis de dévoiler des mails compromettants pour l’écurie, alors empêtrée dans une histoire d’espionnage industriel de Ferrari. Le jeu devenant trop dangereux, Ron Dennis informe la FIA.
Entre-temps, Fernando Alonso est revenu s’excuser auprès de son patron, mais trop tard. L’écurie britannique sera condamnée à une amende de 100 millions de dollars. Max Mosley, président de la FIA, intervient pour que Fernando Alonso ne soit pas renvoyé, mais les portes de Mercedes lui seront dès lors fermées à jamais.
Entente cordiale aujourd’hui, 22 novembre à Abou Dhabi, des deux ex-coéquipiers McLaren de 2007, Fernando Alonso et Lewis Hamilton. / ANDREJ ISAKOVIC / AFP
Records de précocité
Cet épisode méconnu, que McLaren « ne souhaite pas commenter », est à l’aune des dix-huit années de carrière de ce pilote d’exception au caractère de cochon.
Le pilote d’exception est détecté dès ses premiers tours de roues chez Minardi en 2001, à 20 ans. C’est chez Renault (2003-2006 ; 2008-2009) que le natif d’Oviedo connaîtra, d’emblée, ses plus belles années, explosant les records de précocité : première pole-position à 21 ans, première victoire à 22, premier titre à 24, avant de doubler la mise.
Et puis plus rien. En cinq années chez Ferrari (2010-2015), il terminera trois fois deuxième du championnat. Avant d’enchaîner sur les années noires McLaren (2015-2018). Aucune victoire, aucune pole, le motoriste Honda ne parvenant pas à fournir une voiture à la hauteur. Dans sa frustration, une consolation : l’Espagnol reste le pilote le mieux payé du plateau, jusqu’en 2017.
Etonnamment, cette absence de résultats n’érode pas sa popularité. Dans le paddock, tout le monde reconnaît également sa capacité à tirer le meilleur de sa voiture, sa régularité, son pilotage spectaculaire. Mais quel caractère…
Sur cette période, son ex-coéquipier à Maranello, Felipe Massa confesse : « Je n’avais aucun problème avec [Fernando Alonso] en dehors de la voiture. [Mais] quand il mettait sa visière, on avait l’impression que c’était une personne différente. Et cela finissait par diviser l’équipe. » Au point de se sentir « soulagé » par son départ.
« Il se prend pour Dieu »
Le temps n’a rien arrangé. « Il se prend pour Dieu », commente Kevin Magnussen (Haas) après son duel en piste avec Fernando Alonso lors des qualifications du Grand Prix d’Italie, le 1er septembre de cette année. « Il est venu me voir après et m’a ri au nez. C’était irrespectueux. J’ai hâte qu’il prenne sa retraite. »
« Malheureusement, son caractère l’a mis dans une situation où il n’avait pas beaucoup de choix, malgré le fait qu’il soit l’un des meilleurs pilotes », atteste Jarno Trulli, son ex-coéquipier chez Renault, le 23 novembre.
Opération promotion pour Fernando Alonso et son coéquipier Stoffel Vandoorne, le 7 novembre, en marge du Grand Prix de Sao Paulo. / ANDRE PENNER / AP
Ses sautes d’humeur sont à l’origine de choix de carrière peu judicieux. Comme en 2015 lorsqu’il décide de quitter Ferrari au moment où la Scuderia revient au top ; comme dix ans plus tôt, en décembre 2005, lorsqu’il annonce son départ pour McLaren… un an plus tard.
Il expliquera s’être alors inquiété de la nomination de Carlos Ghosn, et sa réputation de « cost killer », à la tête de Renault. Mais c’est cette année-là que McLaren commence à piquer du nez, vivant une première saison sans victoire en 2006.
Son agenda affiche complet
Une autre affaire ternira sa réputation en 2008, lorsque Nelson Piquet sort délibérément sa Renault de la piste pour permettre la victoire d’Alonso, son coéquipier, au Grand Prix de Malaisie. Renault F1 admettra la tricherie, son directeur d’écurie d’alors, Flavio Briatore, sera radié à vie, mais l’Espagnol niera toujours avoir été mis au courant.
Si Fernando Alonso se met en retrait de la formule 1, son agenda affiche déjà complet, entre tests en Nascar, le championnat de monoplaces américain, et essais en formule E, le championnat de monoplaces électriques.
Son objectif l’an prochain sera les 500 miles d’Indianapolis, seule course qui manque à son palmarès pour décrocher la « triple couronne », après qu’il a déjà remporté le Grand Prix de Monaco en F1 et les 24 Heures du Mans. Il serait le deuxième pilote de l’histoire à y parvenir après le Britannique Graham Hill.
Mais déjà, dans le petit monde de l’endurance, l’Espagnol est parvenu à se faire des ennemis. Lors des 6 Heures de Fuji, mi-octobre, alors que Toyota, son écurie en WEC, survolait une fois encore l’épreuve, Fernando Alonso a estimé que sa voiture n’était pas meilleure que les autres. S’attirant les foudres de ses rivaux, telle la formation DragonSpeed, auteure de ce Tweet : « Nous n’avons plus aucun respect pour ce type. Il ne sera JAMAIS Graham Hill, peu importe à quel point il essaie de réussir sa fausse “triple couronne”. Ceux qui savent… savent. »