Pour la première fois en France, un navire de croisière est condamné pour pollution de l’air
Pour la première fois en France, un navire de croisière est condamné pour pollution de l’air
Par Stéphane Mandard
Le capitaine de l’« Azura » et son armateur, Carnival, devront payer à 100 000 euros d’amende pour avoir utilisé un carburant trop riche en soufre au large de Marseille.
C’est un coup de semonce dans le monde de la croisière. Le leader mondial du secteur, le groupe américain Carnival a été condamné lundi 26 novembre par le tribunal correctionnel de Marseille pour pollution de l’air. Une première judiciaire en France. Evans Hoyt, le capitaine de l’Azura, un géant des mers qui faisait escale dans la cité phocéenne en mars, a été condamné à 100 000 euros d’amende. Le jugement précise que l’armateur devra s’acquitter de 80 000 euros, correspondant à 80% de cette amende.
Le capitaine américain de l’Azura et le groupe Carnival, étaient poursuivis pour « utilisation, par un navire en mer territoriale, de combustible dont la teneur en soufre est supérieure aux normes autorisées en matière de pollution de l’air ».
La décision du tribunal était très attendue. Marseille, qui doit accueillir cette année 530 escales, vise la place de premier port de croisière du bassin méditerranéen – avec 2 millions de passagers à l’horizon 2020.
Emanations toxiques
Avec ses 290 mètres de long, 1 557 cabines et quatorze ponts, l’Azura fait partie de ces géants des mers qui libèrent quotidiennement leur flot de touristes dans Marseille, mais aussi leurs immenses panaches de fumée.
Le paquebot avait été contrôlé le 28 mars par le Centre de sécurité des navires lors d’une escale dans le port de Marseille. Les inspecteurs avaient constaté qu’il utilisait un carburant avec une teneur en soufre de 1,68 %, supérieure à la limite autorisée (1,5 %).
Pour des raisons d’économies, les navires utilisent un fioul lourd, peu raffiné, dont les émanations sont beaucoup plus toxiques que celles du diesel. Un bateau de croisière consommant en moyenne 2 000 litres par heure en mer et 700 litres à quai, il polluerait autant qu’un million de voitures.
Parmi les gaz recrachés par les paquebots, l’oxyde de soufre accélère la formation de particules fines et ultrafines, les plus dangereuses pour la santé. Ces conséquences ont conduit l’Organisation maritime internationale à durcir les normes de pollution à partir de 2020, avec une teneur en soufre abaissée à 0,5 % pour tous les types de navires.
Pour l’association France Nature Environnement (FNE), partie civile dans ce dossier, le cas de l’Azura illustre le « sentiment d’impunité que ressentent les capitaines des navires et les armateurs en raison des difficultés de contrôler ces activités délictueuses et du faible nombre de poursuites engagées dans le monde de ce fait ». La FNE estime que seul un navire sur mille fait l’objet d’une inspection. Elle s’est associée à l’organisation non gouvernementale allemande NABU (acronyme de Naturschutzbund Deutschland – « Syndicat de conservation de la nature et de la biodiversité », en français) pour effectuer des campagnes de mesures à Marseille.
Lors du procès qui s’est tenu le 8 octobre, la défense avait estimé que la limite de 1,5 % de soufre dans le carburant ne s’appliquait pas à l’Azura. Se référant à une directive européenne de 2012, les avocats du groupe anglo-américain Carnival avaient argué que la limite de 1,5 % concernait les « navires à passagers assurant des services réguliers à destination ou en provenance de ports de l’Union européenne », et que le plafond monte à 3,5 % pour les bateaux n’entrant pas dans cette catégorie. Pour la défense, un paquebot de croisière comme l’Azura n’effectue pas de « services réguliers » comme peut le faire par exemple un ferry entre Marseille et Ajaccio.