G20 : l’annulation de la rencontre avec Poutine, un aveu de faiblesse de la part de Trump
G20 : l’annulation de la rencontre avec Poutine, un aveu de faiblesse de la part de Trump
Editorial. Une heure après avoir déclaré qu’il maintiendrait son entretien avec le président russe, prévu samedi en marge du G20 à Buenos Aires, le président américain a annoncé jeudi son annulation.
Editorial du « Monde ». Donald Trump ne recule jamais devant une contradiction. Une heure après avoir déclaré qu’il maintiendrait son entretien avec le président russe Vladimir Poutine, prévu samedi 1er décembre, en marge du G20 à Buenos Aires, « car c’est un très bon moment pour avoir cette rencontre », le président américain a annoncé jeudi l’annulation du même entretien par un Tweet. Il a justifié cette décision par le maintien en détention des marins ukrainiens arrêtés par la Russie le 25 novembre dans le détroit de Kertch et par l’arraisonnement de leurs navires.
L’affaire de la mer d’Azov prend ainsi la dimension internationale qu’elle mérite. L’incident du 25 novembre, au cours duquel des forces russes ont ouvert le feu sur des navires ukrainiens, blessant plusieurs marins, est une violation flagrante du droit international, tout comme la diffusion d’« aveux » filmés de trois marins détenus, aveux de toute évidence forcés. L’objectif du Kremlin dans cette opération est limpide : après avoir annexé la Crimée en 2014 et entretenu un conflit armé dans le Donbass depuis quatre ans, Moscou entend à présent contrôler la mer d’Azov, dont la Russie et l’Ukraine sont riveraines, et étrangler économiquement les deux ports ukrainiens sur cette mer.
Donald Trump déteste la diplomatie
Fallait-il annuler la rencontre Trump-Poutine ? Idéalement, le président américain aurait pu en profiter pour tenir un discours de fermeté à l’égard de la Russie. Il aurait pu tenter d’obtenir la libération des marins, discuter du problème plus large de l’Ukraine et aborder d’autres dossiers brûlants comme la Syrie et le contrôle des armements nucléaires. En d’autres termes, faire de la diplomatie.
Mais Donald Trump déteste la diplomatie, surtout lorsqu’il s’agit de la Russie au moment où, en arrière-plan, à Washington, l’enquête du procureur spécial Robert Mueller sur les liens suspects du candidat Trump avec des intérêts russes se fait de plus en plus précise. Il ne pouvait prendre le risque de répéter le fiasco de son précédent sommet avec Vladimir Poutine, en juillet, à Helsinki, lorsqu’il s’était totalement incliné devant le président russe, allant jusqu’à désavouer ses propres services de renseignement. L’annulation de la rencontre de Buenos Aires est, de fait, un aveu de faiblesse de la part de Trump.
Il reste que les démocraties attachées au droit international ne peuvent rester passives devant ce qui se passe en mer d’Azov, de même qu’elles ne peuvent rester passives devant une démarche similaire, celle de Pékin en mer de Chine méridionale : établir unilatéralement, et par la force, un contrôle national sur une zone maritime internationale.
L’Union européenne est directement concernée par le problème de l’Ukraine à laquelle elle est associée par un traité depuis 2017. La chancelière Angela Merkel a évoqué jeudi le problème plus large d’une « ceinture de pays » autour de la Russie, en Europe de l’Est et dans le Caucase, qui « ne se développent pas normalement ». C’est le défi posé par la stratégie de la sphère d’influence russe de Poutine que vient de rappeler brutalement l’opération de la mer d’Azov. Limitrophe de l’UE, l’Ukraine présente un défi plus aigu encore. Comme dirait Donald Trump, « c’est un très bon moment » pour que les Etats-Unis, l’UE et l’OTAN condamnent ensemble, avec la plus grande fermeté possible, l’ouverture de ce troisième front ukrainien par la Russie en mer d’Azov et envisagent d’autres mesures, au-delà de sanctions auxquelles Moscou semble s’être habitué.