L’Assemblée adopte la loi contre les violences éducatives ordinaires
L’Assemblée adopte la loi contre les violences éducatives ordinaires
Par Solène Cordier
Vers la fin des fessées ou gifles pour les enfants ? Les députés ont voté dans la nuit, une proposition de loi à la portée largement symbolique.
Le texte, qui doit encore être soumis au Sénat, met en conformité la France avec ses engagements internationaux (photo d’illustration). / LOIC VENANCE / AFP
C’est un court texte qui a provoqué de longs débats au Parlement. Vendredi 30 novembre, peu après minuit, la proposition de loi contre les « violences éducatives ordinaires » (VEO), examinée lors de la niche parlementaire du MoDem, a finalement été adoptée, à la quasi-unanimité. Seule la députée du Rassemblement national (RN) Emmanuelle Ménard (Hérault) a voté contre.
Le texte comporte deux articles, aux contours légèrement différents de ceux adoptés en commission des lois, le 21 novembre. Le premier prévoit d’insérer dans l’article 371.1 du code civil une mention sur l’exercice de l’autorité parentale. Ses titulaires ne « peuvent pas user de violences physiques ou psychologiques » à l’encontre de leurs enfants, dit le texte.
Le deuxième article prévoit la remise au Parlement d’un rapport gouvernemental pour « évaluer les besoins et moyens nécessaires à la mise en œuvre d’une politique de sensibilisation, de soutien, d’accompagnement et de formation à la parentalité à destination des futurs parents ».
Texte « à visée pédagogique »
Cette loi de principe, cosignée par des députés issus des rangs du MoDem, de l’Union des démocrates et indépendants (UDI), de La France insoumise, des communistes et de la majorité présidentielle, était présentée par la députée MoDem du Val-de-Marne Maud Petit. Laquelle a martelé dans l’hémicycle que « la violence n’est pas un mode d’éducation, elle est même tout le contraire ». Le texte est « à visée pédagogique », a-t-elle assumé, se défendant de vouloir stigmatiser les parents.
L’objectif affiché était de mettre fin à un droit de correction, hérité du XIXe siècle et qui n’existe plus dans la loi, mais dans la jurisprudence. Aucune sanction pénale nouvelle n’y figure, ces dernières existant déjà pour les situations de maltraitance.
Le texte, qui doit encore être mis à l’ordre du jour du Sénat, met par ailleurs en conformité la France avec ses engagements internationaux, notamment la Convention internationale sur les droits de l’enfant qu’elle a ratifiée en 1990, ont rappelé ses partisans.
Raillée par certains députés, qui dénoncent l’inutilité d’une « loi anti-fessée », la rapporteure a défini, auprès du Monde, les VEO comme « toutes les violences physiques et psychologiques exercées à l’encontre d’un enfant sous prétexte de son éducation, et qui sont considérées comme ordinaires et banalisées ». « Il s’agit aussi des coups de bâton, des morsures, des humiliations diverses » infligées aux enfants, souligne-t-elle à titre d’exemple.
« Souvent, trop souvent, ce qu’on pense n’être que des petites tapes sont le terreau des maltraitances », a rappelé la députée, invitant à plusieurs reprises à ne pas confondre « autorité parentale et violence ».
Soutien de personnalités
Pour un certain nombre de députés de droite et d’extrême droite, cette loi est au mieux inutile et au pire une « ingérence » dans le cadre privé et familial et une adresse néfaste aux parents. En guise de réponse, Maud Petit a fait valoir que « le droit doit s’immiscer dans la vie privée pour protéger les plus faibles », prenant l’exemple des violences conjugales.
Ce n’est pas la première fois que le Palais Bourbon s’est fait l’écho de tels débats. En janvier 2017, un amendement similaire, intégré à la loi « Egalité et citoyenneté », avait été voté. Mais il avait été abrogé par le Conseil constitutionnel qui avait estimé qu’il n’avait pas sa place dans ce texte.
Cette fois, la proposition de loi avait reçu le soutien de plusieurs personnalités comme celui, à titre personnel, du Défenseur des droits Jacques Toubon. La secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa et la ministre de la santé Agnès Buzyn s’étaient aussi prononcées pour son adoption.
Cette dernière, qui a pris la parole après la rapporteure jeudi soir, a tenu à rappeler en préambule qu’en 2017, « 47 745 mineurs ont été victimes de violences, de mauvais traitements et d’abandon ». « Entre 2012 et 2016, 363 décès d’enfants ont été recensés, soit une sinistre moyenne de 72 enfants qui meurent chaque année », a-t-elle listé. Pour faire face à cette situation, la ministre a rappelé la présentation prochaine d’une « stratégie globale relative à la protection des enfants avec un axe spécifiquement destiné à lutter contre les violences intrafamiliales ». Le texte contre les violences éducatives ordinaires, voté cette nuit, s’annonce ainsi comme un avant-goût de débats futurs sur les droits des enfants.