Rendez-vous manqué à Matignon entre les « gilets jaunes » et Edouard Philippe
Rendez-vous manqué à Matignon entre les « gilets jaunes » et Edouard Philippe
Le Monde.fr avec AFP et Reuters
Seules deux personnes se sont présentées vendredi à Matignon, mais Jason Herbert est très vite ressorti, regrettant que la réunion ne soit pas filmée et diffusée en direct.
Jason Herbert, le 30 novembre à Matignon. / PHILIPPE LOPEZ / AFP
La grande rencontre avec les « gilets jaunes » souhaitée par Matignon n’aura pas eu lieu. Seuls deux « gilets jaunes » se sont finalement présentés vendredi pour le rendez-vous prévu entre Edouard Philippe et des représentants du mouvement qui dénonce la hausse des taxes, et l’un d’eux, Jason Herbert, est très vite ressorti, regrettant que la réunion ne soit pas filmée et diffusée en direct.
« Je souhaitais et j’ai demandé à plusieurs reprises à ce que cet entretien soit filmé et retransmis en direct à la télévision, cela a été refusé, a déclaré Jason Herbert. Je souhaitais que les Français puissent entendre ce qu’il se disait. » Jeune Charentais de 26 ans, il faisait partie des huit porte-parole des gilets jaunes désapprouvés par une partie du mouvement.
« Aujourd’hui nous ne sommes que deux, nous avons tous reçu d’énormes pressions. Je parle de menaces d’agression, verbales ou physiques, notre vie est en jeu », a affirmé M. Herbert, précisant que ces pressions « ont été à 99 % de la part d’autres gilets jaunes” (…) pas des personnes pacifiques, des personnes radicales. »
Le second « gilet jaune » reçu par Edouard Philippe et le ministre de la transition écologique François de Rugy est arrivé par une porte dérobée, sans passer devant la presse. Ni Matignon ni M. Herbert n’ont voulu révéler son identité.
Déjà trois gilets jaunes reçus par le gouvernement
La veille, le premier ministre avait déjà reçu, à l’abri des caméras, un premier « gilet jaune », Patrick de Perglas, parti à pied de Chalon-sur-Saône le 21 novembre pour porter ses revendications à Paris et en grève de la faim pendant neuf jours. Il avait été propulsé sur le devant la scène lors de son apparition dans l’émission « C à vous ».
Deux des huit représentants désignés mais contestés au sein du mouvement, Priscillia Ludosky et Eric Drouet, ont déjà été reçus mardi par le ministre de la transition écologique, François de Rugy. Chose inédite, M. Drouet avait alors diffusé la réunion en Facebook live sans l’accord du premier ministre.
Chauffeur routier de Seine-et-Marne figurant parmi les premiers à avoir appelé à la mobilisation du 17 novembre, Eric Drouet avait signifié son refus de se rendre à Matignon, car « aucune délégation n’a encore le rôle de représenter les “gilets jaunes” », a-t-il écrit sur Facebook.
Prime transport, hausse des salaires, moratoire sur la taxe carburant
De leur côté, les syndicats ont continué la « grande concertation » avec le gouvernement engagée la veille et ont profité de la matinée pour réclamer à l’exécutif de nouvelles mesures rapides ou du moins « concrètes », selon les termes de Laurent Berger, dirigeant de la CFDT, pour répondre à la mobilisation populaire des dernières semaines.
Principale figure syndicale présente, M. Berger a notamment poussé, comme Force ouvrière, en faveur d’une prime transport étendue pour les salariés se rendant au travail en voiture, qui existe aujourd’hui mais sous conditions. M. Berger a affiché son soutien à l’idée de la concertation locale qu’essaie de mettre en place l’exécutif « à une seule condition : que ça ne soit pas un jeu de dupes ». « Le gouvernement se prend aujourd’hui en pleine face ce qu’il a fait depuis des années, et je l’ai dit au premier ministre, une forme de mépris des corps intermédiaires », a-t-il accusé, appelant à des mesures nationales en matière « de salaires, de protection sociale et des plus modestes », a plaidé M. Berger.
Force ouvrière a réclamé un « moratoire » sur la hausse des taxes sur les carburants prévue au 1er janvier. Le syndicat va adresser un courrier pour demander une commission syndicats-patronats-gouvernement sur une prime transport pour les salariés automobilistes, a annoncé son représentant, Michel Beaugas.
La CGT a pour sa part porté des « exigences » : augmentation du smic à 1 800 euros, augmentation des retraites et des minimums sociaux, TVA à 5,5 % sur l’électricité, le gaz et le transport, ainsi que le rétablissement de l’ISF. « On pense que les revendications portées par les “gilets jaunes” sont légitimes et rejoignent celles qu’on porte depuis longtemps. Il peut y avoir une vraie convergence dans ce qu’on porte ensemble », a estimé sa représentante, Marie-Claire Cailletaud, renouvelant l’appel de son syndicat à manifester samedi à Paris pour un rassemblement prévu de longue date contre le chômage, et qui sera élargi au pouvoir d’achat.
Enfin la CFTC a demandé au gouvernement de revenir sur la hausse de la CSG visant les retraités et réclamé des « mesures immédiates » pour les salaires, par la voix de son président, Philippe Louis. Le dirigeant de la CFE-CGC, François Hommeril, a appelé à réorienter les baisses de charges des entreprises vers le pouvoir d’achat.