Olivier Brandicourt donne un nouveau tour de vis social chez Sanofi. En 2015, quelques mois après son arrivée, le patron du laboratoire avait annoncé un plan d’économie de 1,5 milliard d’euros sur trois ans, qui prévoyait la suppression de plus de 600 postes en France. Ce plan tout juste achevé, le champion français des médicaments a dévoilé, mercredi 5 décembre, un programme destiné à prendre le relais, avec le départ d’environ 750 personnes rien que dans l’Hexagone.

Appelée Horizon 2020, cette initiative doit permettre à Sanofi de « demeurer compétitif » et de poursuivre son « retour à la croissance », se justifie M. Brandicourt dans un message interne. Ses contours demeurent toutefois très flous. L’objectif financier n’est pas affiché, ni le coût immédiat, ni le nombre total d’emplois touchés. Pour un projet destiné à améliorer les marges, « c’est bizarre que rien ne soit officiellement chiffré », commentait, mercredi, un analyste financier en attendant un communiqué… inexistant.

Seule précision : tous les grands pays dans lesquels le groupe dispose d’équipes centrales chargées de l’informatique, des ressources humaines, des questions juridiques, des finances, de l’audit, etc., seront concernés. Ce qui vise en particulier l’Allemagne et les Etats-Unis.

Sur la base du volontariat

En France, berceau du groupe, le plan prévoit de faire partir un peu moins de 20 % du personnel employé dans les « fonctions support ». Quelque 670 postes devraient être supprimés, et 80 autres transférés chez Cognizant, un prestataire informatique américain. L’ensemble des départs s’effectuera sur la base du volontariat, assure la direction. Le groupe compte simultanément recruter 250 personnes dans de nouveaux métiers comme l’analyse des données ou la bioproduction, mais ne semble pas en mesure de former ses salariés actuels pour qu’ils puissent tenir ces postes.

Les personnes dont les emplois disparaissent pourront partir dans le cadre d’une rupture conventionnelle collective. Ce dispositif introduit par la réforme du droit du travail de 2017 permet de supprimer des emplois sans avoir à procéder à des licenciements ou à justifier d’un motif économique, sous réserve d’un accord avec les syndicats. Plus simple et rapide à mettre en œuvre que les plans sociaux classiques, il a déjà été utilisé dans des entreprises comme PSA, Dunlop, IBM et la Société générale. La direction de Sanofi pense que l’opération pourra intervenir dès le deuxième trimestre 2019. Les collaborateurs concernés auront ainsi « l’opportunité d’être accompagnés dans la réalisation d’un projet personnel ou de fin de carrière », souligne Guillaume Leroy, le président de la filiale française dans une note. « Certains salariés attendent cela pour partir », reconnaît une syndicaliste.

Thierry Bodin, de la CGT, se montre plus virulent. « Ces suppressions d’emploi n’ont aucune justification économique, peste-t-il. Il s’agit d’une pure stratégie financière. Pour atteindre une rentabilité maximale, on réduit l’emploi, sans jamais faire de plan d’économie sur ce qu’on verse aux actionnaires ! »

Une marge nette de 16 %

De fait, avec 4 milliards d’euros de bénéfice net engrangé en neuf mois, Sanofi affiche une marge nette de 16 % des ventes, de nature à faire pâlir bien des industriels. Quant aux actionnaires, ils sont choyés : la direction a décidé en avril de leur transférer 1,5 milliard d’euros au travers de rachats d’actions.

Mais, dans un secteur pharmaceutique où les investisseurs attendent des performances très élevées, celles de Sanofi demeurent un peu fragiles. Ces dernières années, le groupe a souffert de la perte d’exclusivité de son médicament vedette contre le diabète, l’insuline Lantus, et de baisses de prix des produits matures. Au troisième trimestre, le chiffre d’affaires a fini par repartir, ce qui annonce, selon la direction, « une nouvelle période de croissance ». Cependant, « les marges restent sous pression, en raison du coût de lancement de plusieurs nouveautés », relève un analyste. « Il nous faut continuer d’améliorer notre niveau de performance », affirme M. Brandicourt.

Malgré les suppressions d’emplois, Sanofi n’abandonne pas la France, promet le groupe. Pour preuve, 700 millions d’euros vont y être investis dans les usines en deux ans, soit 45 % de plus par an qu’au cours des cinq dernières années.