Après leur défaite contre le Montenegro, Isabelle Güllden et les Suédoises n’ont  d’autre choix que la victoire face aux Bleues. / LOIC VENANCE / AFP

« Elle habite dans ma ville, quand elle me croise, elle [m’esquive] », chante le jeune rappeur français MHD dans son morceau Bella. Des paroles qu’Allison Pineau pourrait reprendre à son compte à l’heure d’affronter la Suède, dimanche 9 décembre, pour le second match des Bleues au tour principal de l’Euro 2018 féminin de handball. Car sur la route des Françaises se présente la meneuse de jeu suédoise, et sa coéquipière à Brest, Isabelle Güllden, qui répond au diminutif de « Bella ».

« Elle sait absolument tout faire ! » Comme le directeur technique national (DTN) Philippe Bana, l’équipe de France ne fait pas dans la demi-mesure à l’heure d’évoquer la demi-centre suédoise. « Elle a une énorme vista [vision du jeu], relate Camille Ayglon, et c’est l’une des meilleures joueuses avec qui j’ai joué. » Jusqu’à cette saison, les deux joueuses étaient coéquipières – et amies – sous le maillot de Bucarest. « C’est une maître à jouer qui oriente tout le jeu et fait beaucoup de passes décisives », complète le sélectionneur français, Olivier Krumbholz.

Face aux championnes du monde, Isabelle Güllden va franchir le cap des deux cents capes sous le maillot « blågult » (bleu et jaune). « Cela signifie que je suis là depuis un certain temps », sourit la joueuse. Pour ses partenaires comme pour elle, qui a débarqué en 2007 en équipe nationale – autre point commun avec Allison Pineau –, cette 200e sélection devra impérativement s’accompagner d’une victoire contre la France. Sous peine de voir la compétition s’achever prématurément, après deux défaites. A l’inverse, une victoire contre les Bleues leur entrouvrirait la porte des demi-finales.

Traverse la compétition sur un pied

Une mission ardue face à « l’équipe qui a la meilleure défense du monde et contre qui nous avons toujours des difficultés », constate Isabelle Güllden, 29 ans. D’autant qu’elle traverse la compétition sur un pied. Blessée à l’aponévrose lors d’un match de Ligue des champions avec Brest, la meneuse suédoise a entamé l’Euro sans préparation, et demeure diminuée.

« Ça va de mieux en mieux, mais je ne suis pas à mon meilleur niveau », avait reconnu, dans la semaine, Güllden, la mine sombre, après la défaite des siennes face au Monténégro (28-30). Auteure d’une performance tout en retenue, la meneuse des « blågult » laissait poindre une légère frustration.

« Je fais le maximum pour aider l’équipe, mais ce n’est pas satisfaisant car je ne peux pas jouer sur une durée très longue à haute intensité. »
« Même quand elle n’est pas au top, elle sait tellement bien faire jouer ses coéquipières qu’elle est une joueuse très précieuse »

« La journée de repos supplémentaire [due au report de la rencontre, en raison de la crainte de la manifestation des « gilets jaunes »] est une excellente chose pour elle », se méfie la pivot française Béatrice Edwige. « Ce n’est peut-être pas la Bella au sommet de son art, mais il faut s’en méfier comme le lait sur le feu, renchérit son amie Camille Ayglon, qui sera chargée de gêner Güllden. Même quand elle n’est pas au top, elle sait tellement bien faire jouer ses coéquipières qu’elle est une joueuse très précieuse. »

Meilleure buteuse de la Suède à l’Euro (16 buts), Bella Güllden se distingue par sa capacité, sans comparaison, ou presque, dans le handball féminin, à distribuer le jeu. « C’est la meneuse totale, s’exclame Philippe Bana dans L’Equipe. Elle est à la fois technique, physique et tactique, à un niveau très élevé pour les trois compétences. » Ce que synthétisait la Suédoise à son arrivée dans la rade de Brest en début de saison :

« Je dois faire briller les autres. Je ne cherche pas forcément à marquer mais à faire circuler le ballon et apporter de la fluidité dans le jeu. »

Le cœur du jeu suédois

Pierre angulaire de la défense française, Béatrice Edwige sait à quoi ses coéquipières s’attaquent dimanche. « C’est vraiment le cœur de cette équipe. Elle a une vision de jeu énorme, elle sait toujours où est son pivot, elle connaît les replacements de ses joueuses, leur timing… »

Un cœur qu’il faudra savoir prendre. « Il faut essayer de l’impacter pour détruire le jeu des filles autour d’elle. Parce que si on arrive à amoindrir cette demi-centre, on pèse sur toute leur attaque, développe la joueuse de Metz, avant de poursuivre la métaphore, en s’excusant de son caractère guerrier. Parfois, pour détruire il faut savoir planter le couteau dans le cœur. »

« Bella n’a jamais vraiment brillé contre nous »

Les Bleues connaissent la marche à suivre pour enrayer la machine Güllden. « A la différence de certaines de ses coéquipières qui se font un malin plaisir à nous punir, Bella n’a jamais vraiment brillé contre nous, rappelle Allison Pineau. On l’a toujours assez impactée et empêchée de développer son jeu. Et on va s’atteler à le faire une nouvelle fois dimanche. »

Pour la pivot française Béatrice Edwige, Güllden a le même type d’influence sur son équipe que la Russe Daria Dmitrieva. « Elles portent vraiment l’équipe. Et à partir du moment où on les impacte durement, ça devient un peu plus difficile pour elles. » Un message sonnant comme un avertissement, car la jeune Russe a puni les Bleues lors du match d’ouverture de la compétition, perdu par les Françaises (8 buts).

« Nous n’avons plus le choix et devons croire en nous, a admis la Suédoise après la défaite face au Monténégro. Nous ne pouvons que redresser la tête, sinon, ce sera la fin de l’Euro pour nous. » En cas de défaite face aux Bleues, la Suède tirera une croix définitive sur ses espoirs de disputer les demi-finales de la compétition. Et les Françaises sont prévenues, à coup sûr, Güllden souhaitera éviter que le public n’entonne « Bella ciao ».

France - Suède, dimanche 9 décembre à 15 heures (sur TMC et BeIN Sports 3, et Le Monde. fr)