Ciné+ Premier, vendredi 14 décembre à 20 h 50, film

Le 15 janvier 2009, deux minutes après son décollage de l’aéroport de LaGuardia, à New York, l’airbus A320 du vol 1 549 de la US Airways est percuté par une formation de bernaches du Canada, bêtes comme des oies, qui met ses deux réacteurs hors d’usage. Aux commandes de l’appareil, le commandant Chesley Burnett Sullenberger, 59 ans, assisté de son copilote Jeffrey Skiles, a très peu de temps pour réagir. Renonçant à se diriger vers un des aéroports de proximité alors que son avion perd de la vitesse et survole la ville, il choisit l’option, réputée très dangereuse, de l’amerrissage sur le fleuve Hudson. Bien lui en prend : cette décision d’expérience et d’instinct sauve les cent cinquante passagers, les cinq membres de l’équipage, ainsi qu’un nombre inconnu d’habitants d’une mort certaine.

Si les médias et le grand public ont rapidement célébré le ­héros, on sait moins en revanche que le commandant Sullenberger aurait pu, aussi bien, être impu­table d’une réaction inadéquate et déclaré inapte au vol par la commission d’enquête du Conseil national de la sécurité des transports, qui l’auditionna à plusieurs reprises à l’issue du sauvetage. C’est à cette procédure que s’intéresse particulièrement Clint Eastwood dans Sully, qu’il faut sans conteste lui compter comme une de ses belles réussites.

Non-respect du protocole

Le réalisateur partage son film, de manière assez virtuose, entre le retour inquiété des deux héros (remarquables et complémentaires Tom Hanks et Aaron Eckhart), tenus de se justifier devant la commission d’enquête, et la reconstitution de l’accident proprement dit, rendue exaltante par la découpe dramaturgique, la vraisemblance des trucages, la beauté plastique. A ce grand moment d’action, qui nous épargne l’hystérie du film catastrophe, correspond ce grand moment de vérité qu’est la confrontation de Sully et des membres de la commission d’enquête. Soulevant la question du non-respect du protocole, qui aurait consisté à faire demi-tour pour atterrir, celle-ci s’appuie sur des simulations de vol que le ­héros, fort de son expérience in vivo, fera voler en éclats.

« Sully » est un grand film rédempteur du rêve américain. Les Etats-Unis y redeviennent une nation qui s’unit et qui sauve

En un crescendo ourlé, les deux parties du film montent ­enfin jusqu’à ce point de fusion où l’héroïque modestie d’un homme qui se contente de bien faire son métier rencontre le dévouement et la solidarité exemplaires des sauveteurs de New York – et à travers eux, tranchons le mot, du peuple américain –, lesquels accourent de toutes parts, en ferry et en hélicoptère, évitent aux passagers la noyade dans les eaux glacées. Voilà en quoi Sully est un grand film rédempteur du rêve américain. Les Etats-Unis y redeviennent une nation qui s’unit et qui sauve.

Lire l’entretien avec Tom Hanks  : « Sully est tenu d’expliquer l’inexplicable »

Fantôme impavide du cinéma classique hollywoodien depuis ses lointains débuts dans le western télévisuel, inlassable conteur d’un mythe national dont il ne cesse de restaurer la flamme éteinte, Eastwood n’aime rien tant que montrer des héros brisés, au bord du gouffre, dont la grandeur dépasse pourtant l’époque qui les contient et qui les juge. C’est ainsi que dans l’élan col­lectif et le miracle du fait divers de 2009, le cinéaste trouve matière à ­réparer le désastre et l’abattement du 11 septembre 2001, célébrant au passage en Sully le héros perdu de l’Amérique, le prophète laco­nique de sa destinée manifeste. A travers cet homme, en fin renard qui sait diablement trousser une histoire et tirer les larmes, Clint nous rejoue la grande ­par­tition américaine : l’individu contre l’institution, l’instinct contre le protocole, l’expérience contre la théorie, la croyance contre la désillusion.

Sully - Bande Annonce Officielle (VF) - Tom Hanks
Durée : 01:52

Sully, de Clint Eastwood. Avec Tom Hanks, Aaron Eckhart, Laura Linney (E.-U, 2016, 95 min) www.mycanal.fr/chaines/cineplus