Après une semaine d’investigations et plusieurs interpellations, un homme a finalement été mis en examen, lundi 17 décembre, dans le cadre de l’information judiciaire ouverte suite à l’attentat du marché de Noël de Strasbourg, le 11 décembre.

Déféré dans la journée de lundi, il est poursuivi pour « participation à une association de malfaiteurs terroristes criminelle » et « acquisition, détention et cession d’armes de catégorie B par au moins deux personnes en relation avec une entreprise terroriste ». Il a été placé en détention provisoire.

Agé d’une trentaine d’années, cet homme est un proche de Cherif Chekatt, l’auteur de l’attaque tué par la police jeudi 13 décembre, au terme de deux jours de traque. Il est soupçonné d’avoir eu un rôle clé dans la fourniture de l’arme atypique dont le terroriste s’est servi dans les rues de Strasbourg ; en l’occurrence un vieux revolver datant de la fin du XIXsiècle, qui a été retrouvé près du cadavre du terroriste.

Nombreuses questions

La façon dont Cherif Chekatt a pu se le procurer fait partie des principaux axes d’investigations. Cette arme de poing était en effet utilisée par les officiers français durant la première guerre mondiale. Mais même s’il s’agit d’un vieux revolver à barillet dont la maniabilité intrigue les experts, il ne s’agit pas d’une arme se trouvant facilement dans les bourses d’amateurs où peuvent s’acheter librement de nombreuses armes anciennes sous certaines conditions.

Le terroriste de 29 ans n’a en outre pas dormi au domicile qu’on pensait être le sien, la veille de l’attentat. Il était absent lorsque les gendarmes se sont présentés pour l’interpeller, le 11 décembre à l’aube, en même temps que ses complices présumés, dans une affaire de tentative d’homicide sur fond d’extorsion de fond. Cherif Chekatt avait-il donc sur lui cette arme dès la veille de l’attentat ? Ou, pris dans une sorte de décompensation meurtrière, l’a-t-il récupérée peu avant de passer à l’acte, et dans ce cas, auprès de qui ?

Deux autres personnes ont été placées en garde à vue, lundi 17 décembre, dans le cadre de ces investigations. Elles aussi sont soupçonnées d’avoir eu un rôle dans la fourniture de ce vieux revolver avec lequel, aidé d’un couteau, Cherif Chekatt a tué cinq personnes, et blessé onze autres, dont plusieurs gravement.

Famille divisée

Ces derniers jours, plusieurs membres de la famille du tueur se sont exprimés à son sujet après être ressortis libres de garde à vue. Son père, Abdelkrim Chekatt, est apparu sur France 2, aux côtés de sa mère, le 16 décembre. Il a notamment reconnu que son fils adhérait aux thèses de l’organisation terroriste Etat islamique (EI), qui a revendiqué l’attaque, mais qu’il avait toujours tenté de le raisonner. « Je lui ai toujours dit : c’est des criminels », a-t-il notamment confié à la chaîne publique.

Jusqu’à ce qu’il le perde de vue en 2010, selon son ancien avocat contacté par Le Monde, Abdelkrim Chekatt tenait également des propos véhéments contre la violence terroriste dans son pays natal, l’Algérie. Un discours qui laisse toutefois sceptique les services enquêteurs. Selon une source au ministère de l’intérieur, s’il n’adhère pas aux thèses djihadistes, l’homme est aujourd’hui un fervent pratiquant de l’islam salafiste. Lors de sa garde à vue, il a refusé d’être entendu par des enquêtrices féminines.

Un frère aîné de Cherif Chekatt, prénommé Sami, et seul membre de la famille fiché pour radicalisation selon nos informations, est pour sa part sous mandat de recherches en Algérie. Les enquêteurs cherchent à savoir s’il n’a pas pu influencer son frère d’une manière ou d’une autre. Des interrogations subsistent enfin sur les éventuelles aides dont aurait pu bénéficier le terroriste durant sa cavale.