Le président du conseil italien, Giuseppe Conte, à Bruxelles, le 13 décembre. / JOHN THYS / AFP

Les experts de la chose bruxelloise le voyaient venir depuis plusieurs jours. Pierre Moscovici, le commissaire à l’économie, n’avait-il pas dit lundi qu’il travaillait « nuit et jour » à un accord avec l’Italie ? Le Français et son collègue letton Valdis Dombrovskis, vice-président à l’euro, ont confirmé, mercredi 19 décembre, que Bruxelles enterrait la hache de guerre avec Rome et renonçait à confirmer le lancement d’une procédure pour déficit excessif au titre de la dette.

« Le gouvernement italien a fait du chemin, il y a quelques semaines nous entendions des discours offensifs [du gouvernement italien], mais d’intenses contacts ont permis de trouver une solution et d’éviter d’enclencher une procédure de déficit excessif », a expliqué M. Dombrovskis mercredi. « Les solutions trouvées ne sont pas idéales mais de nature à éviter la procédure pour déficit excessif pour autant que l’Italie s’en tienne aux mesures acceptées », a ajouté le conservateur letton.

Prévision de déficit public à 2,04 % du PIB

Le gouvernement de Giuseppe Conte, après des semaines de discussion et trois déjeuners en tête-à-tête avec Jean-Claude Juncker, a accepté de reporter des dépenses prévues dès janvier à un peu plus tard au printemps, pour ramener sa prévision de déficits publics de 2,4 % de son produit intérieur brut (PIB) dans son projet initial de budget 2019 à 2,04 % du PIB.

Plus important pour Bruxelles, Rome a accepté de ramener à zéro sa prévision d’une relance structurelle de 0,8 % de son PIB (augmentation des déficits liée à des réformes structurelles). « On aurait préféré un effort structurel positif, de 0,1 % », a tout de même souligné M. Moscovici.

Au début de cet automne, le gouvernement italien avait d’abord refusé de réviser son projet de budget 2019, comptant tenir tête à la Commission et assumant ouvertement une violation des règles du pacte de stabilité et de croissance. Mais il a dû céder et revenir sur sa rhétorique martiale, voire provocatrice, rattrapé par la montée des taux sur les marchés qui risquait de rendre insoutenable son service de la dette. La dette publique transalpine avoisine déjà les 130 % du PIB.

L’ouverture officielle d’une procédure pour déficits excessifs au titre de sa dette aurait par ailleurs mis le gouvernement italien sous surveillance constante de Bruxelles et aurait exposé le pays à un risque de sanctions. « L’intelligence et le sens de l’intérêt général ont prévalu », s’est félicité M. Moscovici. « Nous avons fait la démonstration forte que nos règles fonctionnent pour rétablir le sérieux budgétaire » dans les Etats membres, a ajouté l’ex-ministre français des finances.

« Nous demeurerons vigilants »

Preuve que la confiance entre Rome et Bruxelles n’est pas tout à fait revenue, les deux commissaires ont prévenu : « Nous demeurerons vigilants ». La Commission a théoriquement jusqu’en février pour lancer la procédure de déficit excessif qu’elle avait enclenchée fin novembre dernier. Elle peut toujours revenir sur sa décision si, à Rome, le budget révisé n’est pas adopté en janvier, a prévenu M. Dombrovskis.

La Commission était tiraillée entre la nécessité de faire respecter, au moins dans l’esprit, les règles du pacte de stabilité, et celle de ne pas donner des arguments « anti-Bruxelles » à un gouvernement populiste excitant le sentiment anti-européen de ses citoyens.

Elle est probablement soulagée de ne pas avoir à prolonger un bras de fer qui aurait abîmé un peu plus son image à quelques mois d’une élection européenne à haut risque, alors que les mouvements populistes ont le vent en poupe partout dans l’Union. Et cela va faciliter sa future gestion du « dossier » français : il lui sera d’autant plus facile d’être compréhensive avec Paris, qui a déjà confirmé une dérive budgétaire à 3,2 % du PIB en 2019, qu’elle a su établir un « dialogue » avec Rome. Elle coupera en tout cas court à l’accusation du « deux poids deux mesures » dont commençaient déjà à l’assaisonner les ministres italiens Matteo Salvini (extrême droite) et Luigi Di Maio (Mouvement Cinq Etoiles).