« Good » : variations sur Rodolphe Burger
« Good » : variations sur Rodolphe Burger
Par Clarisse Fabre
Patrick Mario Bernard signe un portrait atmosphérique du guitariste et chanteur, pendant la création de son dernier album.
Si le fantôme est celui dont on fait le portrait, alors il faut lui prêter une attention inquiète, guetter les indices de ses apparitions, ausculter les creux et les pleins, imaginer les lieux de ses absences. Il reviendra bientôt, sans doute, avec quelques boucles de guitare hypnotiques « cueillies » en forêt, au volant de sa voiture ou sur la plage de l’île de Batz. Mais tout de même, qui est Rodolphe Burger ?
Si le plasticien et cinéaste Patrick Mario Bernard a souhaité réaliser un documentaire sur le guitariste et chanteur, qui, avec élégance et discrétion, depuis une trentaine d’années, rallume la flamme du Velvet Underground, c’est pour esquisser des traits de pinceaux, coller des pages d’écriture naissante, plutôt que de dessiner des perspectives définitives sur la carrière et le style de cet artiste hors norme.
Patrick Mario Bernard aime travailler les atmosphères flottantes, fantasques, comme dans l’un de ses précédents films, Dancing (2003), autoportrait sublimé de sa vie de couple avec Pierre Trividic – qui a coréalisé le film avec Xavier Brillat. Mario Bernard connaissait peu Burger, sa voix charbonneuse et son immense silhouette, mais il était attiré par le foisonnement de sa vie artistique. La connection s’est faite avec les amis communs de la revue Vacarme, dirigée par Ariane Chottin.
Bande d’amis
Né en 1957 en Alsace, fondateur du groupe Kat Onoma (1986-2002) après des études de philosophie, Rodolphe Burger a signé son premier album solo en 1993 (Cheval-mouvement) en même temps qu’il créait le label indépendant Dernière bande. Depuis, il a noué de nombreuses collaborations musicales, plastiques, littéraires, avec Pierre Alferi, Olivier Cadiot, Alain Bashung (mort en 2009), Jeanne Balibar, James Blood Ulmer, Sarah Murcia, Erik Truffaz, ou encore Rachid Taha, récemment décédé. Cette bande d’amis peuple ce documentaire dont le titre est aussi celui de l’album que Rodolphe Burger est alors en train de fabriquer dans un moment de turbulence personnelle – une séparation et un déménagement suggérés par quelques plans furtifs sur les cartons, les visites d’appartement et l’œil brumeux du portraitisé…
Good est un film atmosphérique, fiévreux, kaléidoscopique au sens où Patrick Mario Bernard fait circuler des « paysages » plus qu’il ne les assemble. Chacun(e) peut se raconter le portrait. Vues sur Paris, le périphérique la nuit, écriture solo, répétitions, confidences perplexes de Burger, appel d’un ami qui lui a écrit quelques-unes de ses plus belles chansons et cherche à savoir, Pierre Alferi… Il en est où, Rodolphe ? Au départ, le film s’appelait Ce nuage-là, explique le réalisateur : car « chacune de ces choses compte, que toutes ensemble, elles composent le portrait recherché, comme forment un nuage toutes les formes qu’on y aperçoit et qui, le temps d’un battement de paupières, se sont déjà transformées. Voilà : ce nuage-là, c’est Rodolphe Burger ». Patrick Mario Bernard s’est même surpris à lui dire un jour : « Je vais te filmer jusqu’à la fin de ma vie ».
Bande-annonce GOOD de Patrick Mario Bernard
Durée : 01:26
Documentaire français de Patrick Mario Bernard (1 h 23). Sur le Web : dissidenzfilms.com/good