LES CHOIX DE LA MATINALE

En ce dernier week-end des vacances de Noël, avant la reprise, pourquoi ne pas aller faire un tour dans une exposition, sur Freud au Musée d’art et d’histoire du judaïsme, sur Doisneau et la musique à La Villette, sur l’architecture bangladaise à Bordeaux ou sur les femmes au pouvoir en Egypte à Grenoble. Ou replonger dans l’ambiance des cabarets parisiens de la Belle Epoque au Théâtre Essaïon avec le spectacle Louise Weber dite La Goulue.

EXPOSITION. Dans la tête de Sigmund Freud, au Musée d’art et d’histoire du judaïsme

200 œuvres et objets divers sont réunis au Musée d’art et d’histoire du judaïsme (MAHJ) pour retracer le parcours intellectuel de Sigmund Freud, dans son invention de la psychanalyse. Pari osé, mais pari gagné : le médecin « juif tout à fait sans Dieu », ainsi qu’il se définissait, a peu écrit sur les arts plastiques, mais s’il a peu disserté sur les images, il en était entouré : plus de 3 000 « antiques », des pièces d’archéologie d’à peu près toutes les périodes, encombraient son appartement viennois. Elève de Charcot à Paris, il connaît les théories du Suisse Gaspard Lavater (1741-1801), qui pensait que les visages reflètent l’expression des passions, mais fonde au contraire sa thérapie sur le seul langage, plaçant ses patients de manière à ne pas voir leur visage. De même, il passe complètement à côté de l’art de son temps : les obsessions d’un Félicien Rops, les représentations crues de Rodin, de Klimt, de Schiele ou du jeune Picasso, il semble qu’il les ait ignorées. Pas les commissaires de cette passionnante exposition, qui montre, en point d’orgue, L’Origine du monde, de Courbet, prêtée par le Musée d’Orsay, et le tableau peint par André Masson, un paysage suggestif, pour le camoufler. Harry Bellet

« Sigmund Freud. Du regard à l’écoute ». Musée d’art et d’histoire du judaïsme, 71, rue du Temple, Paris 3e. Tél. : 01-53-01-86-53. Du mardi au vendredi de 11 heures à 18 heures, samedi et dimanche de 10 heures à 18 heures. Jusqu’au 10 février.

ARCHITECTURE. Le Bangladesh à l’honneur à Arc en rêve, à Bordeaux

Arcadia School Alipur, à Keraniganj. Architecte : Saif Ul Haque Sthapati. / IWAN BAAN

Une scène architecturale bouillonnante, héritière d’une histoire riche et complexe, en prise directe, qui plus est, avec la crise climatique et l’explosion démographique. Et pourtant, pratiquement inconnue. Qui l’eût cru, à l’heure où la planète est scannée dans ses moindres recoins par Google Earth ? Au centre Arc en rêve, à Bordeaux, soixante projets sont réunis, qui témoignent de la diversité et de la vitalité des courants bangladais contemporains, invitant à comprendre comment ils se sont constitués, depuis l’indépendance du pays, en 1971, en un mouvement d’une cohérence remarquable – et à s’interroger au passage sur la cécité à son égard des revues spécialisées et autres instances de légitimation internationales. Irrigué jusqu’à plus soif par les ruissellements du Gange et du Brahmapoutre, eux-mêmes amplifiés par la fonte des neiges de l’Himalaya, le Bangladesh voit chaque année la moitié de son territoire disparaître sous l’eau pendant la mousson. Le Sud court le risque d’être littéralement englouti d’ici à 2050, ce qui pourrait jeter sur les routes 12 millions d’exilés climatiques, avec un effet désastreux sur la densité de population des villes, qui détiennent déjà, dans certains quartiers, les records du monde en la matière. Il faut une bonne dose de foi et de désir, peut-être un peu de folie aussi, pour penser que l’architecture peut répondre à ces défis, surtout dans un pays aussi pauvre. Mais les architectes du delta n’en manquent pas, qui rivalisent d’inventivité dans les jeux de lumière et les ouvertures, le traitement quasi textile des matériaux et le travail sur le paysage. Isabelle Regnier

« Bengal Stream, architecture vive du Bangladesh ». Arc en rêve centre d’architecture, Entrepôt, 7, rue Ferrère, Bordeaux (Gironde). Tél. : 05-56-52-78-36. Du mardi au dimanche, de 11 heures à 18 heures (nocturne le mercredi jusqu’à 20 heures). 7 € et 4 €. Jusqu’au 3 mars.

EXPOSITION. Les Egyptiennes au pouvoir, au Musée de Grenoble

Simulacres de vase canope au nom de Padiouf, prêtre ouab entrant à Karnak et menuisier du roi dans le domaine d’Amon. / MUSÉE DU LOUVRE, DIST. RMN-GRAND PALAIS / CHRISTIAN DÉCAMPS

Au premier millénaire avant notre ère, en Egypte, le clergé de Thèbes comptait nombre de femmes puissantes : adoratrices, prêtresses et chanteuses du Dieu Amon, elles occupaient le sommet du pouvoir, et détenaient les mêmes privilèges que les hommes, et les mêmes richesses. Le Musée de Grenoble met en lumière ces figures et cette époque faste à travers le mobilier, les instruments de musique, les stèles, les bijoux que les prêtresses, qui étaient souvent de famille royale, ont possédés en leur temps : des sarcophages polychromes éblouissants, des vases ou les sistres en bronze, instrument de musique au son de crécelle capable d’apaiser le dieu Amon, d’attirer ses faveurs. Florence Evin

« Servir les dieux d’Egypte ». Musée de Grenoble, 5, place de Lavalette. De 10 heures à 18 h 30, sauf le mardi. De 8 € à 10 €. Jusqu’au 27 janvier.

PHOTOGRAPHIE. Doisneau en musique, à La Villette

« Le Clairon du dimanche, Antony, 1947 ». / ATELIER ROBERT DOISNEAU

Robert Doisneau le disait lui-même, il n’avait pas l’oreille musicale. Cela ne l’a pas empêché de fréquenter nombre de musiciens, et de leur tirer le portrait. La Cité de la musique, à Paris, revisite l’œuvre du photographe à cette aune, en montrant des images très connues et d’autres beaucoup moins. Doisneau s’intéresse moins au style musical (musette, jazz, rock) qu’à des personnalités et à leur style visuel : on retrouve la belle série sur l’accordéoniste mélancolique Pierrette d’Orient, qu’il suit dans sa virée de bar en bar en 1953, ou celle avec les Rita Mitsouko, qui ont visiblement adoré suivre Doisneau dans ses coins préférés. Son travail avec l’acteur-violoncelliste Maurice Baquet témoigne autant de la fantaisie et de l’inventivité visuelle du photographe que d’une très longue amitié (plus de cinquante-sept ans) : il a posé dans l’eau, les skis aux pieds, et même nu, toujours avec son instrument, celui-ci devenant un personnage à part entière. Claire Guillot

« Doisneau et la musique ». Musée de la musique – Cité de la musique-Philharmonie de Paris, 221, avenue Jean Jaurès, Paris 19e. Du mardi au vendredi de 12 heures à 18 heures, samedi de 10 heures à 20 heures, dimanche de 10 heures à 18 heures. De 2 € à 9 €. Jusqu’au 28 avril.

SPECTACLE MUSICAL. Delphine Grandsart redonne vie à La Goulue, au Théâtre Essaïon

Delphine Grandsart et Matthieu Michard (à l’accordéon) dans « Louise Weber dite La Goulue » au Théâtre Essaïon (Paris 4e). / PHILIPPE WOJAZER

Contemporaine de Victor Hugo, muse d’Henri de Toulouse-Lautrec, modèle d’Auguste Renoir, Louise Weber, plus connue sous son nom de scène, La Goulue, est une figure emblématique du Paris de la Belle Epoque, du French cancan et des cabarets de la fin du XIXe siècle. C’est cette personnalité hors norme, blanchisseuse, vedette du Moulin Rouge, dompteuse de fauves…, que Delphine Grandsart a choisi d’incarner sur les planches dans sa première création comme metteuse en scène (avec la complicité de Delphine Gustau à l’écriture et à la mise en scène). Intitulé Louise Weber dite La Goulue, ce spectacle musical, qui a valu à la comédienne le prix de meilleure interprète féminine aux Trophées de la comédie musicale 2018, est de nouveau à l’affiche, depuis début novembre, au Théâtre Essaïon après une série de représentations au printemps. Accompagnée à l’accordéon par Matthieu Michard (en live), qui a composé la musique du spectacle, Delphine Grandsart redonne vie, en mots et en chansons, à cette femme insoumise, passionnée et résolument féministe avant l’heure. Cristina Marino

« Louise Weber dite La Goulue », de Delphine Gustau (texte) et avec Delphine Grandsart, Matthieu Michard (accordéon). Théâtre Essaïon, 6, rue Pierre au Lard, Paris 4e. Tél. : 01-42-78-46-42. 15 € et 25 €. Les vendredis et samedis à 21 h 30. Jusqu’au 19 janvier.