Les migrants bloqués au large de Malte finalement autorisés à accoster
Les migrants bloqués au large de Malte finalement autorisés à accoster
Par Jean-Baptiste Chastand, Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen), Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen), Julia Pascual
Malte et l’Union européenne doivent annoncer un accord mercredi, la France va accueillir 60 personnes.
A bord du « Sea-Watch 3 », le 24 décembre. / Chris Grodotzki / AP
Il aura fallu près de dix-neuf jours. Jamais une négociation européenne pour se répartir un groupe de migrants sauvés par des ONG en Méditerranée n’aura été aussi longue. Mercredi 9 janvier, Malte et la Commission européenne doivent annoncer que les 49 migrants bloqués à bord du Sea-Watch 3 et du Professor Albrecht Penck, depuis leur sauvetage au large de la Libye les 22 et 29 décembre, sont autorisés à débarquer à La Valette. A l’issue de longues négociations ayant impliqué des responsables au plus haut niveau dans les Etats membres, les rescapés seront répartis dans neuf pays de l’Union européenne.
Après un long bras de fer, Malte a aussi obtenu d’ajouter 150 migrants sauvés par ses garde-côtes dans les derniers jours de décembre 2018. Si un retournement diplomatique est toujours possible dans ce dossier sensible, ce sont donc près de 200 migrants qui devraient être répartis, dont 60 en France et 60 en Allemagne. Le Portugal devrait en prendre 25 et l’Italie 15, confirmant que le pays maintient discrètement une politique d’accueil, malgré les provocations du ministre de l’intérieur d’extrême droite Matteo Salvini.
Pays-Bas et Luxembourg devraient en accueillir six chacun. La Belgique a finalement renoncé, confirme au Monde le porte-parole du premier ministre, Charles Michel. Parce que son gouvernement en est réduit aux affaires courantes, et surtout parce qu’elle ne juge pas utile de soulager Malte « alors que la situation est bien plus difficile en ce moment pour l’Espagne et l’Italie ».
« C’est un miracle »
Les services d’asile des pays respectifs devraient se rendre dans les prochains jours en centre d’accueil fermé de Malte, pour sélectionner les demandeurs d’asile. La situation à bord des deux bateaux affrétés par des ONG allemandes se dégradait alors qu’ils étaient contraints de faire des ronds dans l’eau depuis plusieurs jours aux larges de côtes maltaises.
« On a des cas de personnes qui refusent de s’alimenter ou de boire, certains menacent d’entamer une grève de la faim, un homme ne prend plus son traitement médical alors qu’il a besoin de soins, énumérait mardi Giorgia Linardi, porte-parole de l’ONG Sea-Watch, qui a recueilli 32 migrants au large de la Libye le 22 décembre. C’est un miracle que la situation tienne toujours. » Parmi les trente-deux personnes secourues par le Sea-Watch 3, majoritairement originaires d’Afrique subsaharienne, mais aussi de Libye et d’Égypte, figurent sept mineurs, dont un enfant de 11 mois.
Après les sauvetages, ni l’Italie, ni l’Espagne ni Malte n’avaient accepté de les laisser accoster. Depuis l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir en Italie, en juin 2018, les activités des ONG sont considérablement entravées. L’Aquarius, affrété par SOS Méditerranée et Médecins sans frontière, a dû jeter l’éponge début décembre.
Même si d’autres ONG continuent leur activité, chaque bateau de sauvetage ou presque doit désormais attendre que l’Europe parvienne à s’entendre pour être autorisé à accoster. Depuis la fermeture des ports italiens, Malte, le plus petit pays de l’UE, se retrouve en première ligne et s’estime débordé, avec 1 500 arrivées pour 460 000 habitants.
L’Espagne dit atteindre ses limites
Alors même que les flux migratoires ont plongé en 2018 du fait notamment d’accords contestés avec la Libye, chaque sauvetage se transforme en mini-crise diplomatique européenne. Les solutions adoptées à Bruxelles en juin n’ont en effet jamais pu être mises en place faute de pays candidats pour accueillir les « plateformes de débarquement » et les « centres coordonnés » destinés à héberger les personnes recueillies en mer avant qu’elles soient réparties ailleurs en Europe.
La Commission en est réduite à négocier d’arrache-pied pendant des heures avec chaque exécutif européen pour obtenir une solution. Dans la négociation, l’Espagne, qui était jusqu’alors parmi les pays les plus ouverts, a ainsi fait savoir qu’elle atteignait ses limites alors que le détroit de Gibraltar est devenu la première voie d’entrée des migrants en Europe. Pas moins de 138 882 migrants sont arrivés en Europe en 2018, le chiffre le plus bas des cinq dernières années. Dans le même temps, 2 275 sont mortes ou ont disparu en mer.