Au Lilas, près de Paris, élus et associations dans le flou avant le grand débat
Au Lilas, près de Paris, élus et associations dans le flou avant le grand débat
Dans cette commune de Seine-Saint-Denis, le maire et les associations attendent de savoir comment vont s’organiser les discussions. Avec beaucoup de questions et quelques doutes.
Une fois passé l’impressionnante façade édifiée sous la IIIe République, le calme règne dans le hall encore vide de l’hôtel de ville des Lilas (Seine-Saint-Denis). Aux traditionnels vœux du maire et réunions de rentrée du mois de janvier, devra pourtant succéder, dès mardi 15 janvier, un théâtre nouveau dont la mise en scène se fait encore attendre. Citoyens, élus et associations vont être invités à devenir acteurs de l’actualité brûlante de ce début d’année.
Le grand débat national, annoncé par l’exécutif en réponse au mouvement des « gilets jaunes » sera lancé mardi. Partout, les citoyens et les élus sont invités à y prendre part. Et les communes auront un rôle déterminant à jouer. Aux Lilas, ville de 23 000 habitants en Seine-Saint-Denis, l’incertitude plane encore et les questions se multiplient. Qui organisera les débats ? Où les échanges se dérouleront-ils ? Comment les conclusions remonteront-elles à l’échelle nationale ?
Face à ces interrogations, les réponses de l’exécutif se font attendre.
« Aucune information sur les modalités d’organisation et de participation n’a, pour l’instant, été transmise aux élus locaux, déplore le maire (PS) des Lilas, Daniel Guiraud. C’est une situation inédite, il n’y a même pas eu de circulaire préfectorale. On ne sait rien. »
« Je suis un peu démuni »
La mairie assure néanmoins être prête à assurer les conditions nécessaires au bon déroulement des échanges. « Une fois que les informations seront disponibles, nous serons en mesure de communiquer rapidement via le journal municipal, le site de la ville et des affiches », soutient M. Guiraud, qui précise également que différentes salles de la mairie ou du gymnase municipal pourraient être mises à disposition.
La crainte des élus locaux provient du caractère inédit et improvisé de cette consultation. « Faire vivre la démocratie participative, ça ne s’improvise pas », rappelle Lionel Benharous, adjoint en charge des démarches participatives. L’absence d’information associée au retrait de la présidente de la Commission nationale du débat public, Chantal Jouanno, du grand débat il y a quelques jours, donne l’impression d’une « improvisation continue », selon les mots de l’adjoint.
Les conditions requises pour assurer le succès de cette « grande consultation de terrain », selon Emmanuel Macron, sont perçues comme doubles par M. Benharous. D’une part, il faut « fixer clairement les règles du jeu » précisées dans la lettre aux Français adressée dimanche 13 décembre par le président. De l’autre, « annoncer clairement la finalité du débat » afin d’éviter toute frustration à l’issue des échanges.
Ces préoccupations semblent largement partagées par les représentants associatifs de la ville. Alors que M. Macron fait le pari d’une large mobilisation au delà des élus, les diverses associations des Lilas ont encore du mal à percevoir l’objectif de ce débat. « Je suis un peu démuni sur le cadre », confesse Michel Léon, représentant local de la Ligue des droits de l’homme, qui compte néanmoins « s’emparer de l’occasion » pour évoquer ses thématiques.
« Inflexions sérieuses »
L’inquiétude des représentants associatifs porte sur la nature des débats. « Si c’est déjà joué d’avance et que certains thèmes ne peuvent pas être avancés et débattus, ce n’est pas la peine d’y prendre part », affirme une responsable locale qui préfère conserver l’anonymat. Marie-Geneviève, militante locale d’Europe-Ecologie les Verts, redoute, elle, que le grand débat soit « une façon pour le gouvernement de mettre fin à la crise des “gilets jaunes”, de noyer le poisson ». Une crainte partagée par Suzanne, membre de la Ligue des droits de l’homme et « gilet jaune » de la ville voisine de Bagnolet pour qui « le débat n’est pas une réponse en soit », mais espère « qu’il y en aura une à son issue ».
Alors qu’Emmanuel Macron a définitivement enterré le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), certains habitants et militants attendent des réponses. « Quand un grand débat est annoncé dans une crise institutionnelle, on attend que le gouvernement soit prêt à des inflexions sérieuses », précise Suzanne. En Seine-Saint-Denis, comme ailleurs, les « gilets jaunes » restent divisés sur le sujet de la participation au débat. Si certains considèrent essentiel de saisir cette opportunité pour défendre les revendications du mouvement, d’autres envisagent des solutions alternatives, telle que la mise en place de « cahiers jaunes », similaires aux « cahiers de doléances » mis à disposition dans plusieurs communes, afin de contrôler directement les conditions de débat.
Si certains « gilets jaunes » et des associations citoyennes comptent peser, la participation ne se limitera pas à ces citoyens. « Il y a une attente d’une partie de la population qui n’a pas fait le choix de sortir s’exprimer dans la rue mais a des choses à dire », estime M. Benharous. Alors que sept Français sur dix estiment que ce grand débat sera inutile, selon un sondage Odoxa paru vendredi 11 janvier, impossible de savoir qui participera vraiment à ces débats. Et comment se déroulera cette pièce inédite du quinquennat d’Emmanuel Macron.